La Mémoire très vivace des Juifs d’Égypte

Les membres du Comité Exécutif de l’Association des Juifs originaires d’Égypte (A.J.O.E.). De gauche à droite, debouts: Rachel Alkalay, Albert Herscovitch, Adèle Mardoché, Maurice Sadeh et Albert Hanaoui. De gauche à droite, assises: Viviane Silver, Rose Simon Schwartz et Irène Buenavida. [Photo: Edmond Silber]

Plus de cinq décennies après leur départ forcé d’Égypte, la Mémoire de ce pays est tou­jours très vivace dans l’esprit des membres de l’Association des Juifs originaires d’Égypte de Mont­réal (A.J.O.E.).

“En dépit des moments très ardus que les Juifs ont vécus en Égypte à la fin des années 50 et au début des années 60, notamment après la création de l’État d’Israël, ces derniers ­gardent des souvenirs merveilleux et indélébiles des années de vie qu’ils ont passées dans leur pays natal. On ne peut pas tirer un train définitif sur un pan impor­tant et très marquant d’une vie. C’est pourquoi nous avons fondé en 2003 l’A.J.O.E., pour maintenir allumée la flamme de la Mémoire juive égyptienne afin que nos enfants et petits-enfants n’oublient jamais l’Histoire de leurs aïeux”, explique Irène Buenavida, qui a quitté définitivement le Caire en 1966, principale fondatrice de l’A.J.O.E.

Dans les années 40, environ 80000 Juifs vivaient en Égypte. Aujourd’hui, il ne reste officielle­ment qu’une vingtaine de Juifs dans le pays des Pyramides, rappelle Albert Herscovitch, qui quitta le Caire avec sa famille en 1962.

À partir des années 50, les Juifs ­d’Égypte furent victimes d’une politique d’exclusion, de spoliation de leurs biens et de dégradation civique institutionnalisée par les Autorités égyptiennes.

“Malheureusement, c’est un Chapitre très noir de l’Histoire du Moyen-Orient et du conflit israélo-arabe qui a été complètement oublié. Les Autorités égyptiennes apposèrent sur le passeport des Juifs forcés à s’exi­ler une estampe de sinistre mémoire: “Départ définitif, sans retour”. Ainsi, on a mis fin à plusieurs siècles de vie juive en Égypte”, se rappelle ému Albert Herscovitch.

Pour Rose Simon Schwartz, actuelle Présidente de l’A.J.O.E., qui vécut au Caire jusqu’en 1963, il est impératif, plus que jamais, de maintenir vivante la Mémoire et le riche Héritage culturel des Juifs natifs ­d’Égypte.

“Nous tenons absolument à ce que nos enfants et petits-enfants se rappellent d’où viennent leurs parents et grands-parents. À une époque de mondialisation débridée où les repères identitaires s’effilochent, il est impor­tant de préserver et transmettre nos racines identitaires à la jeune génération, dit-elle. Dès qu’un peuple arrête de se souvenir, il meurt. Nous ne voulons pas que le Judaïsme égyptien devienne un vestige du passé. C’est pourquoi nous nous échinons à le maintenir vivant. Malgré les humiliations que nous avons subies, on regarde aujourd’hui l’Égypte avec nostalgie, mais sans amertume, ni haine.”

Maurice Sadeh quitta le Caire en 1946 pour se joindre à l’Armée de la Haganah, qui luttait alors fougueusement en Palestine contre les Arabes et les Britanniques pour fonder un État juif souverain. Le Judaïsme égyptien était très cosmopolite et porteur de plusieurs héritages culturels juifs, rappelle-t-il.

“Les Juifs d’Égypte étaient la seule Communauté juive du Moyen-Orient qui n’avait pas la mentalité nationale, en l’occurrence égyptienne. Les Juifs égyptiens de vieille souche étaient peu nombreux. Notre Communauté était constituée de Juifs provenant de diverses contrées et ayant des héritages culturels différents. Beaucoup de Juifs ne vivaient en Égypte que depuis une génération.”

Viviane Silver partit définitivement d’Égypte en 1957, quelques mois après la deuxième Guerre israélo-arabe -la Campagne du Sinaï. Elle était une adolescente de 15 ans.

“Je me rappelle surtout de mon enfance très heureuse. Comment oublier ces années merveilleuses qui font aussi partie intégrante de mon identité juive. Les Juifs qui ont vécu en Égypte partagent une Mémoire commune dont il ont le devoir de pérenniser et léguer aux générations futures.”

Pour Adèle Mardoché, qui s’est exilée d’Alexandrie à l’automne de 1957, les Juifs d’Égypte sont porteurs d’une “Histoire très juive” qu’il est urgent de raconter et réhabiliter, surtout à une époque où les négationnistes de l’Histoire juive s’acharnent à distiller leur propagande mensongère pour nier aux Juifs et à Israël le droit d’exister.

Albert Hanaoui, qui a vécu au Caire, lance aussi un vibrant appel pour que les Juifs égyptiens se mobilisent avec entrain pour préserver le “magnifique Héritage” que leurs ancêtres leur ont légué en affrontant avec un courage inouï des épreuves souvent funestes.

“Nous devons lutter contre l’oubli de notre passé. C’est ce que fait admirablement bien l’A.J.O.E. L’amnésie historique est un mal qui menace l’avenir des civilisations humaines”, dit-il.

Rachel Alkalay n’a jamais vécu en Égypte. Si elle est une membre active de l’A.J.O.E., c’est pour perpétuer l’héritage culturel et identitaire, plu­sieurs fois centenaire, que son père, qui est né en Égypte, lui a transmis depuis qu’elle était enfant.

D’après Irène Buenavida, environ 500 familles juives d’origine égyptienne vivent à Montréal.

La prochaine actitivité de l’A.J.O.E. aura lieu le 16 février 2014. Invité: Albert Herscovitch, membre très actif de l’A.J.O.E., donnera une conférence sur le Caire avant la Révolution du Printemps arabe, qui sera accompagnée de la présentation d’un diaporama de photos qu’il a prises de cette ville lors d’un voyage qu’il a effectué en Égypte il y a trois ans.

 

On the 10th anniversary of the Association des Juifs originaires ­d’Égypte de Mont­réal (A.J.O.E.), members share their memories of life in Egypt and their wish to keep their heritage alive.