Très fiers d’être Israéliens et Gays

Frédéric Martel

“En Israël, l’homosexualité devient peu à peu “casher”, mais dans le monde musulman, elle n’est toujours pas “halal”.”

Israël est indéniablement l’un des pays où la Révolution Gay bat son plein. Les droits des homosexuels israéliens ont connu ces dernières années des avancées considérables, a constaté le journaliste français Frédéric Martel au cours d’une enquête inédite qu’il a consacrée à la situation des gays dans le monde. Il a consigné les résultats de cette grande enquête dans un livre atypique et passionnant, Global Gay. Comment la Révolution Gay change le monde (Éditions Flammarion, 2013, 348 p.).

Pendant cinq ans, dans 45 pays, Frédéric Martel a rencontré sur le terrain des centaines d’acteurs de la Révolution Gay. À travers le prisme gay, il analyse la mutation des modes de vie, la redéfinition du mariage, l’éman­ci­pa­tion parallèle des femmes et des gays, les effets décisifs de la Culture et d’Internet sur la situation des homosexuels…

Directeur de Recherches à l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques de France, journaliste et animateur à France Culture d’une émission de radio hebdomadaire, “Soft Power”, consacrée aux industries créatives et des médias, Frédéric Martel est l’auteur de Mainstream. Enquête sur la guerre globale de la Culture et des Médias (Éditions Flammarion, 2011), un essai qui a connu un succès international.

Pour enquêter sur la statut des homosexuels dans la société israélienne, Frédéric Martel a séjourné cinq fois en Israël.

“Israël est un pays que j’aime beaucoup et où j’ai de nombreux amis. Je vais en Israël une fois par an”, nous a dit Frédéric Martel au cours de l’entrevue qu’il nous a accordée lors de son récent passage à Montréal.

Un de ses plus proches amis Israéliens est le seul Député ouvertement gay de la Knesseth, Nitzan Horowitz, membre du Parti Meretz.

“Aujourd’hui, la situation des homosexuels s’est normalisée en Israël, a constaté Frédéric Martel. Ce n’est pas encore le paradis de Sodome et Gomorrhe mais ce n’est plus la Géhenne. Quoi alors? Une chose normale passablement américanisée. L’État hébreu est en train de quitter le modèle sioniste, celui des Kibboutz et du socialisme à la Ben Gourion, et se tourne de plus en plus vers un modèle américanisé, avec ses valeurs individualistes et pragmatiques. Sur l’homoparentalité, l’armée, le rôle des Cours de Justice et le débat sur le mariage gay, Israël se rapproche des États-Unis. Benny Ziffer, l’un des Rédacteurs en chef du journal Haaretz, m’a dit qu’aujourd’hui, en Israël, “les droits des gays apparaissent peu à peu comme des valeurs israéliennes”.”

Les gays sont tolérés officiellement dans l’Armée israélienne depuis 1984. Et, au fur et à mesure des années, leur intégration à Tsahal a été de plus en plus facile. Aujourd’hui, on voit des Commandants d’Unité de combat qui sont sortis du placard, a confirmé Adi Niv-Yagoda, l’un des avocats d’Aguda, la principale Association LGBT -Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transexuels- israélienne-, à Frédéric Martel.

Bien qu’il n’existe pas de mariage civil en Israël -donc pas de mariage pour les personnes de même sexe-, les unions civiles sont en revanche très répandues et offrent des droits importants. L’homoparentalité est très fréquente, rappelle Frédéric Martel.

Il y a aujourd’hui en Israël un véritable baby-boom dans la Communauté gay. Les gays israéliens ont tendance à choisir la normalité et la vie familiale dans un pays qui est lui-même très familial.

“L’augmentation du nombre d’enfants nés de parents gays ou d’individus gays est spectaculaire. Trois options sont privilégiées: le “shared parenting”, un partage de l’autorité parentale, par exemple entre un couple de gays ou de lesbiennes; le recours à une mère porteuse, la plupart du temps hors d’Israël, généralement en Inde ou aux États-Unis (car c’est encore interdit par l’État hébreu pour les couples gays); enfin l’adoption, quoique de moins en moins fréquente en Israël”, explique Frédéric Martel.

Depuis dix ans, la Communauté gay israélienne, qui privilégie le combat judiciaire plutôt que le lobbying vis-à-vis du Gouvernement, a gagné de nombreuses batailles, les unes après les autres.

“Peu à peu, ces victoires juridiques ont sensibilisé la société israélienne, qui est de plus en plus “gay friendly”.”

Des centaines d’homosexuels palestiniens persécutés par l’Autorité Palestinienne se réfugient chaque année en Israël, rappelle Frédéric Martel.

“D’après mon ami Nitzan Horowitz, les principaux Partis politiques israéliens sont devenus “gay friendly”. Même “Bibi” Netanyahou tient à apparaître au niveau international comme progay. Cela lui permet de montrer du doigt les pays arabes. Il instrumentalise la question gay à des fins de politique intérieure. Netanyahou évoque régulièrement les gays pendus en Iran. Il fait du “pink washing”! Ça ulcère beaucoup les gays israéliens.”

Sur le fronton des bars gays de Tel-Aviv, Frédéric Martel a vu les drapeaux israéliens et les Rainbow flags multicolores flotter au vent côte à côte, “mêlés, enlassés, comme s’ils ne formaient plus qu’un seul étendard…”

 

In an interview when he was in Montreal, French journalist Frédéric Martel talks about the gradual acceptance of gays in Israel, a subject he also addresses in his latest book.