Antonio Muñoz Molina primé à Jérusalem

Antonio Muñoz Molina

Une figure marquante de la littérature hispanique, le grand écrivain espagnol Antonio Muñoz Molina, est le lauréat du Prix de Jérusalem 2013, décerné tous les deux ans par la Foire internationale du Livre de Jérusalem.

Le Jury de ce prestigieux Prix littéraire israélien a décidé de l’octro­yer cette année à Antonio Muñoz Molina  pour récompenser “son oeuvre littéraire profonde et originale et ses liens forts avec la Culture, l’Histoire et la Littérature mondiale”.

Antonio Muñoz Molina  est le deuxième écrivain ­espagnol à recevoir le Prix de Jérusalem, qui est doté d’une Bourse de 10000$ américains. Le premier écri­vain hispanique à s’être mérité cette haute distinction honorifique littéraire fut feu Jorge Semprun, décédé en 2011, essayiste et romancier franco-espagnol de renommée internationale, survivant du camp de Buchenwald et ancien Ministre de la Culture d’Espagne.

En 2011, le Prix de Jérusalem fut décerné à l’écrivain britannique Ian McEwan. Lorsqu’on lui annonça qu’on venait de lui octroyer ce Prix, Ian McEwan fit savoir au Jury chargé de décerner cette distinction littéraire israélienne qu’il refusait celle-ci en guise de protestation contre la politique d’Israël à l’endroit des Palestiniens. Finalement, il se ravisa et effectua le voyage à Jérusalem pour recevoir ce Prix littéraire.

Des écrivains de renommée mondiale sont parmi les lauréats du Prix de Jérusalem -cinq d’entre eux ont obtenu le Prix Nobel de Littérature quelques années après avoir été primés par le Jury de ce Prix littéraire international israélien: l’Argentin Jorge Luis Borges (1971); le Franco-Roumain Eugene Ionesco (1973); la Française Simone de Beauvoir (1975); le Mexicain Octavio Paz (1977) -Prix Nobel de Littérature-; le Britannique Graham Greene (1981); le Britannique V.S. Naipaul (1983) -Prix Nobel de Littérature-; le Tchèque Milan Kundera (1985); le Sud-Africain J.M. Coetzee (1987) -Prix Nobel de Littérature-; le Péruvien Mario Vargas Llosa (1995) -Prix Nobel de Littérature-; l’Américain Don DeLillo (1999); l’Américain Arthur Miller (2003); le Japonais Haruki Murakami (2009)…

Né en 1956 à Ubeda, une petite ville de la province de Jaén, en Andalousie, Antonio Muñoz Molina est l’un des plus importants et des plus doués écrivains espagnols contemporains. Auteur d’une trentaine de romans et d’essais, traduits dans de nombreuses langues, il a été le réci­pien­daire de plusieurs Prix littéraires prestigieux, dont le Prix Planeta en 1991 -l’équivalent dans le monde littéraire espagnol du Prix Goncourt français-; le Prix National de Littérature espagnole en 1992; le Prix littéraire français Fémina étranger en 1988… En 1995, il a été élu à la Real Academia de Letras d’Espagne, dont il est le plus jeune membre.

Son livre Séfarade -la version française de ce livre magnifique et inclas­sable a été publiée en 2003 aux Éditions du Seuil- a été qualifié de chef-d’oeuvre par les critiques littéraires espagnols, européens et anglo-saxons. Séfarade est un long monologue intérieur où se croisent les voix brisées de tous ceux qui, tout au long du sanglant XXe siècle, furent victimes de l’exil et de persécutions. C’est un hommage poignant aux exilés, aux bannis et aux persécutés.

L’annonce officielle de l’octroi du Prix de Jérusalem 2013 à Antonio Muñoz Molina a suscité l’ire de nombreux intellectuels de gauche espa­gnols farouchement anti-Israël. L’écri­vain andalou leur a rétorqué très expli­cite­ment qu’il avait bel et bien l’intention de se rendre à Jérusalem le 10 février prochain pour recevoir le Prix que la Foire internationale du Livre de cette Ville a décidé à l’unanimité de lui décerner.

En 2004, à l’occasion de la parution de son livre Séfarade,  Antonia Muñoz Molina accorda une entrevue au Canadian Jewish News -publiée dans l’édition du C.J.N. du 22 avril 2004. L’écrivain nous livra alors son regard sur des sujets d’une brûlante actualité: la Mémoire sépharade dans la société espagnole cotemporaine; l’antisémitisme en Espagne; l’antisionisme échevelé des gauches espagnole et européenne…

À l’instar des autres pays euro­péens, l’antisémitisme sévit aussi en Espagne, constata alors avec regret Antonio Muñoz Molina.

“L’Espagne n’est pas un pays antisémite, dit-il. Mais, malheureusement, comme dans les autres pays européens, il y a aussi dans la société espagnole un antisémitisme exacerbé par les répercussions pernicieuses du conflit israélo-palestinien. Une forte majorité d’Espagnols critique, souvent avec véhémence, l’État d’Israël. Bon nombre d’entre eux font un amalgame entre les Juifs et les Israéliens. Ce genre de confusion m’exaspère beaucoup. L’anti-israélisme débridé de la gauche orthodoxe européenne est aussi une réalité très ostensible dans des cénacles de la gauche espagnole. Ce n’est pas un secret de polichinelle! La gauche radicale en Europe occidentale est farouchement anti-israélienne, et souvent aussi antijuive.”

Antonio Muñoz Molina a constaté l’anti-israélisme tous azimuts de la gauche radicale lorsqu’il a présenté son livre Séfarade dans les cercles littéraires et intellectuels espagnols et européens.

“J’ai sursauté comme un tigre – “salté como un tigre”- lorsqu’au cours de discussions acérées sur mon livre Séfarade, des intellectuels et des écrivains de gauche identifiaient sans ambages les Juifs aux Israéliens, tous les citoyens d’Israël à la politique du gouvernement israélien -comparaison qui n’est jamais faite pour aucun autre pays- et la persécution effro­yable dont furent victimes les Juifs dans l’Allemagne nazie à la situation actuelle des Palestiniens vivant en Cisjordanie et à Gaza. Ces parallèles ineptes me choquent profondément. J’ai eu des débats virulents avec ceux qui s’amusent à établir ces comparaisons totalement fallacieuses. Il existe aujourd’hui dans la gauche euro­péenne une espèce de doctrine officieuse qui “légitime” cette identification permanente des Juifs à la politique d’Israël, qu’on a parfaitement le droit de critiquer, mais avec lu­ci­di­té. Ce schème de pensée, qui n’est appliqué qu’à l’État d’Israël, est malsain et dangereux. Si le gouvernement espagnol commet une grande bourde, personne ne blâmera pour cette bévue tous les citoyens Espagnols ou les personnes d’origine espagnole vivant dans d’autres pays. Par contre, dès que le gouvernement d’Israël fait quelque chose qui déplaît à l’opinion publique internationale -le droit, très légitime, d’Israël de défendre ses citoyens contre le terrorisme palestinien choque beaucoup d’Euro­péens!-, on blâme systématiquement tous les Juifs. Il est de plus en plus difficile et pénible de débattre de cette question sulfureuse en Espagne et en Europe.”

 

Renowned Spanish author Antonio Muñoz Molina is the recipient of the 2013 Jerusalem Prize awarded by the Jerusalem International Book Fair.