Deux émouvants hommages à Jacques Bensimon

Jacques Bensimon

Figure marquante du monde cinématographique et de l’audiovisuel canadien et québécois, Jacques Bensimon, Commissaire et Président de l’Office National du Film du Canada (O.N.F.) de 2001 à 2006, est décédé à la fin de l’été dernier à l’âge de 69 ans, des suites d’un cancer.

Les membres de sa famille, ses nombreux amis, ses collègues de travail et des personnalités majeures des milieux du Cinéma et de la Culture ont rendu deux vibrants hommages à ce Sépharade natif d’Agadir.

Ces deux hommages très émouvants ont eu lieu à la Cinémathèque Québécoise et dans le cadre du dernier Festival Séfarad de Montréal.

Lors de l’hommage qui lui a été dédié à la Cinémathèque Québécoise, son épouse, Véra Bensimon, ses deux fils, Jonathan et David Bensimon, Tom Perlmutter, actuel Président de l’O.N.F., et ses plus proches amis, notamment le Dr Arié Bensoussan, qui présenta un superbe diaporama de photos, dénichées dans les Archives personnelles du défunt, relatant la relation très singulière que Jacques Bensimon a entretenue tout au long de sa vie avec sa ville natale, Agadir, et Maurice Elmaleh, évoquèrent le souvenir d’un homme intègre, qui aimait passionnément la vie, qui s’est battu souvent dans des circonstances difficiles.

Quand Jacques Bensimon prit les rênes de l’O.N.F. en 2001, cette Institution avait perdu du terrain après une lourde série de compressions budgétaires. Il avait alors misé sur la relève et cherchait à moderniser l’O.N.F. En dépit des nombreuses difficultés auxquelles cette Institution était confrontée, Jacques Bensimon affichait un optimisme débordant et refusait de s’apitoyer sur le passé. Son seul objectif: mettre le cap vers l’avenir. Il rêvait de remettre la fiction expérimentale à l’ordre du jour à l’O.N.F.

“Son mandat ne fut pas une tâche facile, mais ses efforts ont mis en place une solide base pour l’avènement d’un nouvel O.N.F., qui a ouvert ses portes à une nouvelle génération de talents et d’innovations. Jacques est parvenu à redonner un nouveau souffle à l’O.N.F.”, rappela Tom Perlmutter, actuel président de l’O.N.F., qui considérait Jacques Bensimon comme “un mentor” et “un ami intense et dévoué”.

“Jacques disait toujours que l’O.N.F.  lui avait ouvert chaleureusement ses portes quand il était un jeune cinéaste immigrant marocain, en lui permettant de faire des films qui exploraient ses racines identitaires juives sépharades. Ces oeuvres, qui font aujourd’hui partie de notre Patrimoine cinématographique et culturel, n’auraient pu voir le jour sans l’O.N.F. Jacques tenait à ce que cette grande opportunité dont il a largement bénéficié soit aussi mise à la portée des nouveaux créateurs”, ajouta Tom Perlmutter lors de son allocution.

Les deux fils du défunt, Jonathan et David, son proche ami Maurice Elmaleh et Léon Ouaknine rappelèrent à quel point Jacques Bensimon aimait profondément la vie.

“Jacques ne voulait pas mourir. Ce n’était pas son heure. Comment ça aurait pu l’être. Partir si tôt, lui qui avait tant de passions, tant de vie et tant d’énergie pour un seul homme. Il y a des gens qui savent embrasser la vie. Jacques était de ceux-là. Il avait mille projets en tête. Jacques était très vaillant. Sa passion nous propulsait toujours vers l’avant. Il a laissé des traces, des histoires, des films et une Mémoire, toujours très vivace. Jacques était le conteur, le gardien de la Mémoire des Juifs marocains de sa génération qui ont émigré au Canada à partir du début des années 60. Il a su faire vivre le Maroc au-delà des souvenirs.  Il voulait encore, et pour longtemps, fouiller, creuser, raconter, réaliser, découvrir, savourer, vivre, jouer, aimer… Jacques a consacré sa vie à honorer la vie à travers ses films. Son travail de Mémoire monumental restera toujours vivant au présent”, a dit fortement ému son ami Maurice Elmaleh.

Jacques Bensimon a émigré avec sa famille au Canada en 1958. Il a poursuivi des études de Cinéma à New York. L’O.N.F. fut son berceau dès 1967, année de l’Expo. Il travailla alors au sein de cette Institution en pleine effervescence comme scénariste, rédacteur en chef, réalisateur et producteur, un temps responsable d’une unité de production de l’O.N.F. en Afrique pour les Nations Unies. Il effectua de nombreux voyages en Afrique. Il réalisa de nombreux do­cu­men­taires, dont plu­sieurs consacrés au Maroc et au Judaïsme marocain au Québec, notamment Carnets du Maroc et Vingt ans après. Dans son court-métrage d’étudiant Il était une fois… Agadir, il témoignait du terrible tremblement de terre de 1960, qui  ravagea cette ville du Sud-Ouest marocain située sur la côte Atlantique, et lui fit perdre famille et amis.

Jacques Bensimon fut aussi l’un des pionniers de la Chaîne de Télévision francophone TFO. C’est sous sa gouverne, de 1986 à 2000, que TFO a connu son plein développement comme Chaîne éducative au sein de TVOntario. En 1994, sous sa direction, TFO a reçu le Prix du 3 juillet1608, qui lui a été décerné par le Gouvernement du Québec pour sa contribution exceptionnelle à l’essor des Communautés de langue française en Amérique du Nord. De 2000 à 2001, Jacques Bensimon a été Vice-Président exécutif de la Fondation de la Télévision de Banff. De 2006 à 2007, il fut Président de la Cinémathèque Québécoise. En 1988, Jacques Bensimon a reçu l’Ordre du Canada. Cette année-là, il a été aussi nommé Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres par le Gouvernement français et a reçu un Doctorat honorifique de l’Université York à Toronto.

Quelques semaines avant de décéder, Jacques Bensimon a mis la touche finale à la rédaction d’un livre autobiographique magnifique et très poignant, Agadir un paradis dérobé, publié aux Éditions L’Harmattan.

“La maladie dont Jacques Bensimon témoigne à la fin de son livre Agadir, un paradis dérobé vient de l’emporter, le jour même de ses 69 ans. Il lui aura manqué quelques semaines pour connaître la réaction de ses premiers lecteurs. Qu’ils sachent donc que ce texte, imprégné de la force créative qui continuait de l’animer, a accompagné de bout en bout cette ultime étape d’énergique combat”, écrit l’éditeur de ce livre dans la quatrième de couverture.

Agadir, un paradis dérobé est un puissant hymne à la vie. Ce récit très enlevant évoque des réminiscences qui ont rejailli peu à peu dans la Mémoire de Jacques Bensimon: les premières années d’une vie ma­gni­fique, mais aussi dure et parfois violente. Des années qui ont failli faire du garçon dont les turbulences nous sont narrées avec brio un délinquant sans aucune perspective d’avenir. L’échappatoire qui le sauvera: la découverte du monde magique du Cinéma dans les salles obscures d’Aga­dir. Une découverte inopinée qui éveillera en Jacques Bensimon l’adolescent l’impérieuse vocation du cinéaste qu’il deviendra des années plus tard au Canada. Haut en cou­leurs, ce récit, qui se déroule en grande partie à l’époque du protectorat français du Maroc, survole des aspects méconnus des l’Histoire du Royaume chérifien.

Agadir, un pays dérobé est certainement le plus beau cadeau que Jacques Bensimon pouvait offrir à sa famille et à ses nombreux amis avant de les quitter définitivement.

Lors de l’hommage qui lui a été dédié à la Cinémathèque Québécoise, son ami, le réputé écrivain et cinéaste québécois Jacques Godbout, lut des extraits de ce très beau livre autobiographique.

 

Family and friends recently honoured the memory of filmmaker Jacques Bensimon, president of the National Film Board of Canada from 2001 to 2006, who died of cancer late last year after completing his autobiographical book.