Ana Alcaide Ambassadrice de la musique sépharade

ANA ALCAIDE

Rien ne prédestinait Ana Alcaide à découvrir un jour l’Histoire mouvementée et le merveilleux patrimoine musical des Sépharades d’Espagne, expulsés de leur contrée natale en 1492 par les Rois catholiques, Isabel de Castille et Ferdinand d’Aragon.

Née il y a trente-neuf ans à Madrid au sein d’une famille de souche catholique, cette diplômée en biologie de la prestigieuse Université Complutense de Madrid a été subjuguée par les mélodies médiévales et les traditions sépharades qu’elle a découvertes lors de son séjour à Tolède, une ville hantée depuis plusieurs siècles par la Mémoire sépharade.

“J’ai vécu plusieurs années près de la Juderia, l’ancien quartier juif de Tolède. C’est dans ce lieu très particulier de l’Histoire du peuple juif que j’ai découvert la grandeur du monde sépharade et la richesse inouïe de sa musique. Je suis fascinée depuis par ce merveilleux legs musical et culturel. Cette découverte inopinée m’a encouragée à explorer plus exhaustivement l’univers musical sépharade”, nous a dit Ana Alcaide au cours de l’entrevue qu’elle nous a accordée depuis Madrid.

Une conversation à bâtons rompus dans l’exquise langue de Miguel de Cervantes et de Pedro Almodovar.

Cette talentueuse musicienne, compositrice et interprète se produira le 23 juillet, à 20h, au Théâtre Gesù de Montréal dans le cadre du Festival international Nuits d’Afrique www.festivalnuitsdafrique.com

Elle interprétera, accompagnée par deux musiciens chevronnés, l’un Américain, l’autre Allemand, un florilège de mélodies sépharades et de cantiques médiévaux provenant d’autres traditions musicales européennes.

Plusieurs de ces chansons sont le fruit de son remarquable labeur de parolière et compositrice.

Ana Alcaide est une virtuose de la nyckelharpa, un instrument de musique  du Moyen-Âge dont elle a perfectionné la connaissance à l’Académie de Musique Malmö de Suède.

Les compositions d’Ana Alcaide sont un lieu de rencontre de plusieurs traditions musicales médiévales: des légendes de Tolède, des chants sépharades, bulgares et roumains, des poèmes perses…

Ces mélodies envoûtantes sont superbement mises en valeur par une orchestration rigoureuse exécutée par des musiciens très talentueux jouant la nyckelharpa, l’oud, le bouzouki, la mandola, le luth médiéval et la harpe celtique.

Ana Alcaide est fascinée par la “beauté” et la “majestuosité” des cantiques sépharades médiévaux.

“Sur le plan musical, les mélodies sépharades, qui paraissent simples au premier abord, recèlent une beauté particulière qui m’ont captivée depuis le jour où je les ai découvertes. Les paroles fort émouvantes de ces cantiques évoquent un monde sémillant qui a été englouti par les marasmes de l’Histoire. Ce monde est celui d’un peuple sépharade très fier de son identité juive qui a continué, contre vents et marées, à parler dans son exil le castillan et à perpétuer la culture espagnole dans les quatre coins du monde. Les Sépharades de langue hispanique ont toujours été de fervents ambassadeurs de la langue et de la culture espagnoles. Leurs cantiques sont empreints de nostalgie, mais aussi de beaucoup d’espoir”, dit Ana Alcaide.

Depuis 1992, année de la commémoration du centenaire de l’expulsion des Juifs d’Espagne, il y a eu dans le pays de Don Quichotte un grand regain d’intérêt pour l’Histoire, la culture et les traditions musicales sépharades, rappelle Ana Alcaide.

“Depuis 1992, de nombreux ensembles musicaux espagnols ont incorporé à leur répertoire des cantiques issus de cette tradition millénaire. Aujourd’hui, l’Espagne a entrepris un important travail de réhabilitation de l’héritage culturel sépharade. Dans les villes espagnoles où les Sépharades ont vécu durant plusieurs siècles, on exhume les vestiges et les traces de la présence de ces derniers. Des dizaines de milliers de touristes découvrent chaque année la grande richesse du prodigieux héritage culturel sépharade espagnol.”

Ana Alcaide a à son actif musical cinq disques CD, dont deux entièrement dédiés à la musique sépharade, Como la Luna y el Sol Comme la Lune et le Soleil– et La Cantiga del fuego Le Cantique du feu-.

Dans ces deux albums, la chanteuse évoque des moments charnières de la vie des Sépharades sur les terroirs espagnols et le traumatisme qui s’abattit sur cette communauté parfaitement bien intégrée dans la société espagnole quand, en 1492, les Rois catholiques promulguèrent une loi inquisitoriale xénophobe, prônant impitoyablement la “pureté du sang”, qui contraignit les Juifs à se convertir au christianisme où à emprunter l’amer chemin de l’exil.

Ana Alcaide, qui se produit régulièrement sur des scènes musicales européennes, en Espagne, en Allemagne, en France, en Italie, au Portugal… n’a pas fini d’élargir son horizon artistique et de nous proposer des musiques envoûtantes pour lesquelles le mot “frontière” n’a aucun sens.

C’est la deuxième fois qu’Ana Alcaide présente un spectacle au Québec. En 2009, elle fut l’une des invitées de marque du Festival des Musiques sacrées de Québec.