‘En France, les Juifs sont en danger de mort’

Franck Goldberg

“La France est un pays piteux qui a trahi ses engagements envers les Juifs. Je n’y mettrai plus jamais les pieds. La décision la plus intelligente que j’ai prise dans ma vie, il y a une dizaine d’années, a été de quitter définitivement  ce pays rongé par une crise socioéconomique très profonde, l’antisémitisme et la xénophobie. J’ai même envisagé de renoncer à ma nationalité française. Jamais je n’aurais pensé quitter brutalement la France. Et pourtant, soixante ans après l’infâme collaboration pronazie des Français vichystes et la libération des camps de la mort, j’ai choisi l’exil. Aujourd’hui, en France, les Juifs sont en danger de mort absolu.”

Franck Goldberg ne fait pas dans la dentelle lorsqu’il nous livre son regard, très décapant, sur la France d’aujourd’hui.

Né à Paris en 1956 dans une famille d’immigrants Juifs natifs de Galicie qui arriva en France en 1925, fuyant les persécutions, la répression et l’antisémitisme débridé qui sévissaient dans cette région d’Europe de l’Est jadis sous la houlette de la Pologne, Franck Goldberg n’a jamais souffert de l’antisémitisme quand il était enfant. Ce fléau délétère il n’en subira les affres qu’à l’âge adulte.

“C’est sur le tard que j’ai été confronté à l’antisémitisme ancien issu de la vieille France. Cette judéophobie sommeille toujours dans la France de 2015. L’antisémitisme arabo-musulman, qui n’a cessé de proliférer depuis la fin des années 90, fait grandement l’affaire des antisémites catholiques de droite. Le vieil antisémitisme français se sert du nouvel antisémitisme émanant des banlieues chaudes arabo-maghrébines pour continuer à fustiger insidieusement les Juifs. Il est plus facile de combattre l’antisémitisme arabo-musulman des banlieues que l’antisémitisme traditionnel de droite, dont les racines sont très profondes, qui est toujours fortement ancré dans la société français”, explique Franck Goldberg en entrevue.

C’est à Orléans, ville du centre-ouest de la France, où Franck Goldberg et sa famille ont établi leurs pénates au début des années 2000, qu’il vivra l’“épisode le plus sinistre de sa vie: la découverte effarante de l’antisémitisme le plus crasse”.

Après avoir découvert un graffiti antisémite badigeonné sur la porte de son domicile, Franck Goldberg décide de porter plainte auprès de la police et des autorités communales d’Orléans. Il alerte aussi les dirigeants de la communauté juive de cette ville qui défraya la chronique au début des années 70 à la suite d’une scabreuse affaire d’antisémitisme baptisée “la rumeur d’Orléans”, à laquelle le sociologue Edgar Morin consacra un livre magistral. On accusait alors la communauté juive d’Orléans de diriger un réseau de traite des Blanches -prostitution.

Les plaintes déposées auprès de la police et des autorités locales d’Orléans furent totalement ignorées. Quand aux notables Juifs de la ville, ils sommèrent Franck Goldberg de se “cantonner dans un mutisme abyssal” pour ne pas “réveiller les vieux démons antisémites”.

Franck Goldberg relate cet épisode disgracieux de sa vie dans un livre autobiographique coup de poing et fort bouleversant, brillamment écrit, qui se lit comme une mise en garde contre l’indifférence et l’oubli –L’antisémitisme dans la France profonde (Éditions Le Bord de l’Eau, Paris).

Un récit de vie renversant auquel les éléments autobiographiques et le grand talent littéraire de l’auteur confèrent une force singulière.

À Orléans, Franck Goldberg et les siens découvriront un secret de famille terrifiant, que nous ne voulons pas dévoiler dans cet article afin de ne pas gâcher l’effet de surprise aux futurs lecteurs de ce livre.

Dans cet ouvrage autobiographique remarquable et très touchant, Franck Goldberg retrace avec brio l’histoire de sa famille et son parcours qui le mènera jusqu’en Afrique, continent où il séjournera trois ans et d’où il repartira “déçu et meurtri” après avoir vécu un incident antisémite abject.

“Ce livre est un témoignage véridique. J’y raconte une histoire invraisemblable. Quand j’ai soumis le manuscrit de mon livre à mon éditeur, Antoine Spire, celui-ci me répondit candidement: “Il n’y a pas d’antisémitisme en France! J’entends ce que vous me dites, mais ce n’est pas vrai!” Quelques mois plus tard, les tueries barbares perpétrées à Paris par des islamistes férocement antisémites n’ont fait que corroborer les craintes aux accents d’oraison funèbre que j’exprime dans mon livre, qui a été publié avant que ces massacres n’aient lieu.”

Franck Goldberg espère que son témoignage servira de “déclencheur de conscience” et incitera les Juifs de France à “sauter le pas”.

Il est résolument convaincu que les Juifs doivent quitter urgemment la France, un “pays en pleine déliquescence” où, selon lui, ces derniers sont en “danger de mort absolu”.

Un appel strident qui ne devrait pas tomber dans l’oreille d’un sourd!