Une entrevue avec l’Ambassadeur Yehuda Lancry

Yehuda Lancry et Edmond Elbaz
L’Ambassadeur Yehuda Lancry (à gauche) en compagnie d’Edmond Elbaz, nouveau Président de la Congrégation Spanish & Portuguese.

Ancien Ambassadeur d’Israël en France et à l’ONU, Yehuda Lancry a rendu un vibrant hommage à l’ancien Président d’Israël, feu Shimon Peres, décédé le 28 septembre dernier, au cours d’une conférence magistrale qu’il a prononcée dans le cadre du Festival Séfarad de Montréal 2016.

Cet événement, qui a eu lieu à la Congrégation Or Hahayim de Côte Saint-Luc, a été parrainé par la Fédération Sépharade du Canada, présidée par M. Moïse Amselem.

Ancien maire de Shlomi, ville du Nord d’Israël, et ex-Député du Parti Likoud à la Knesset, Yehuda Lancry a personnellement côtoyé Shimon Peres pendant plusieurs années.

Yehuda Lancry a accordé une entrevue au Canadian Jewish News.

Quel est le principal legs que Shimon Peres a laissé au peuple d’Israël?

“L’exemplarité de sa vie politique et de sa survie politique, dit Yehuda Lancry. La survie d’Israël a toujours été la motivation majeure et la principale préoccupation de Shimon Peres. Son legs essentiel est son souci constant pour la sécurité d’Israël et sa vocation de paix.”

Les négociations entre Israël et les Palestiniens sont au point mort depuis presque deux ans. Ce scénario fort sombre perdurera-t-il?

“Nous sommes dans une réalité de blocage, rappelle Yehuda Lancry. Et, on voit bien les raisons de ce blocage. Du côté israélien, Benyamin Netanyahou dirige une coalition gouvernementale qui ne lui permet pas de prendre des décisions audacieuses au niveau du processus de paix. La moindre ouverture pourrait lui coûter son siège de Premier ministre. C’est une coalition gouvernementale étriquée, composée d’éléments radicaux, majoritaires aussi aujourd’hui au Likoud. Dans un tel contexte politique, Benyamin Netanyahou n’a pas beaucoup de marge de manœuvre quand bien même voudrait-il poser des gestes en faveur de la paix.”

Yehuda Lancry estime que Benyamin Netanyahou devrait “abattre quelques cartes” et indiquer en premier lieu au peuple israélien quelle est “sa conception de la paix dans la perspective où les Palestiniens se débarrasseraient un jour des carcans idéologico-politiques qui les immobilisent”.

Effectivement, poursuit Yehuda Lancry, nous n’avons pas encore la certitude que les Palestiniens se soient clairement engagés dans le choix de la paix avec Israël.

“Mais, il est impératif que Benyamin Netanyahou indique au peuple israélien et à la communauté internationale quel est son projet de paix, qui malheureusement jusqu’ici est très vague. Avec Ehoud Barak, on savait ce que ce dernier voulait au chapitre de la paix avec le peuple palestinien. Personne ne sait ce que Netanyahou souhaite dans ce domaine vital pour l’avenir d’Israël.”

Mais pour qu’Israël puisse faire la paix avec les Palestiniens ne faudrait-il pas que ces derniers soient représentés par des leaders politiques responsables et crédibles, ce qui fait cruellement défaut dans le camp palestinien depuis de nombreuses années?

“Vous n’avez pas tort de le constater, reconnaît Yehuda Lancry. Mahmoud Abbas reste figé autour de certaines revendications. Il a peut-être raison de dire aux Israéliens “cessez de construire de nouvelles implantations”, “libérez la quatrième tranche de prisonniers palestiniens”… Mais il faut qu’il formule ces demandes dans le cadre d’une négociation directe avec Israël. Chose certaine, Mahmoud Abbas n’obtiendra rien tant et aussi longtemps qu’il ne retournera pas à la table des négociations. Il y a un manque de visibilité quant à l’intention des Palestiniens. Jusqu’où souhaitent-ils avancer en matière de paix?”

Yehuda Lancry, qui se considère comme “un partisan invétéré de la revendication de considérer Israël comme un État juif”, ne mettrait pas en avant cette requête à l’heure actuelle.

“Cette revendication légitime et fondamentale pour les Juifs israéliens devrait clore les tractations entre nous et les Palestiniens. Ce serait peut-être l’apothéose d’un accord. Mettons-nous un peu à la place de Mahmoud Abbas. Peut-il dans la situation ardue à laquelle il est confronté aujourd’hui convaincre le peuple palestinien qu’il y a lieu, avant qu’il n’obtienne la moindre concession de la part des Israéliens, de déclarer publiquement qu’Israël est un État juif? Ce qui serait le plus raisonnable, c’est que cette demande israélienne soit exaucée à travers la négociation. Il faut comprendre les difficultés auxquelles fait face Mahmoud Abbas, mais il est vrai aussi que ce dernier ne fait pas grand-chose pour lever les ambiguïtés.”

L’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis chambardera-t-elle les donnes du conflit israélo-palestinien?

“On sait que Benyamin Netanyahou est plus à l’aise avec une administration républicaine qu’avec une administration démocrate. On a vu les difficultés qu’il a eues avec le Président Barack Obama, bien, qu’à mon sens, ce dernier a été globalement positif pour Israël. Quand on le juge, par exemple à travers les votes des États-Unis au Conseil de Sécurité de l’ONU, Barack Obama a été infaillible. Il a même déjoué les tentatives palestiniennes de faire adopter une résolution quant à la reconnaissance d’un État palestinien. Israël n’a jamais été mis en difficulté. Sur le plan de la Défense, Barack Obama a octroyé à Israël des moyens considérables.”

D’après Yehuda Lancry, une étude comparative entre Barack Obama et George W. Bush plaiderait en faveur du premier.

“Mais force est de reconnaître que Barack Obama n’a pas eu des relations personnelles faciles avec Benyamin Netanyahou pour des raisons complexes. A priori, l’élection de Donald Trump devrait répondre à des souhaits inavoués de Benyamin Netanyahou. La droite israélienne a fêté en grande pompe l’élection de Donald Trump. Naftali Bennett s’est même aventuré à dire qu’avec l’avènement de Donald Trump, l’option d’un État palestinien est désormais complètement écartée. Nous devons être raisonnables. On ne sait pas comment le nouveau Président américain composera avec les sulfureux Dossiers israélo-palestinien et du Moyen-Orient. En tout cas, c’est un gros problème qu’il devra aussi confronter.”