‘L’Accord Fatah-Hamas est un bon pas’

L’Accord de réconciliation que viennent de sceller les frères ennemis palestiniens -le Fatah, Parti de l’actuel Président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, et le Hamas, le Mouvement islamiste radical au pouvoir à Gaza- n’est pas une “catastrophe” pour Israël, mais, au contraire, “un pas significatif dans le bon sens”, estime un fin observateur des scènes politiques israélienne et palestinienne, Yehouda Lancry, ancien Ambassadeur d’Israël à l’O.N.U. et en France et ex-membre des Instances exécutives du Parti Likoud.

“Le Gouvernement de Benyamin Netanyahou et ses porte-parole ont réagi à cet Accord de réconciliation comme si c’était une déclaration de guerre faite à Israël. Je ne comprends pas la logique de la dénonciation et de la critique incon­sidé­rée de mon Gouvernement envers cet Accord de réconciliation interpalestinienne”, déplora Yehouda Lancry au cours d’une entrevue qu’il a accordée au Canadian Jewish News depuis Jérusalem.

D’après cet ex-Diplomate, Israël devra, tôt ou tard, composer avec une réalité politique incontournable: l’État hébreu ne pourra conclure une Paix “viable et fonctionnelle” qu’avec un Gouvernement palestinien “représentatif de tout le peuple palestinien”.

“Israël ne pourra pas apposer sa signature à un Accord de paix négocié avec une Autorité Palestinienne scindée en deux têtes: une demi-tête O.L.P., qui reconnaît Israël, et une autre demi-tête Hamas, qui renie Israël. Les Israéliens doivent mettre Mahmoud Abbas au défi de la conversion du Hamas aux Accords d’Oslo, à leur esprit, à leur légitimité. Ça, c’est un enjeu de taille pour Mahmoud Abbas.”

Pourquoi Israël devrait-il négocier avec une Autorité Palestinienne qui comprend en son sein un Parti islamiste jusqu’au-boutiste, le Hamas, qui prône sans ambages l’annihilation de l’État hébreu?

“Il est vrai que le Hamas est une organisation terroriste, reconnaît Yehouda Lancry. Mais encore faut-il laisser une chance à l’effort de restauration de la condition du Hamas entrepris par Mahmoud Abbas. C’est un effort interpalestinien. L’intérêt d’Israël est d’avoir en face de lui une entité palestinienne unique et non pas scindée en deux demi-têtes.”

Depuis 2006, année où ils ont remporté haut la main les dernières élections législatives organisées dans les Territoires palestiniens, les miliciens du Hamas martèlent la même rhétorique radicale et foncièrement anti-­israélienne. Les leaders très dogmatiques de ce Parti islamiste n’ont pas montré jusqu’ici le moindre signe d’ouverture envers Israël. Pourquoi le Gouvernement de Jérusalem ­devrait-il entamer des pourparlers avec une entité terroriste qui continue à nier catégoriquement le droit à l’existence d’Israël?

“Si le Hamas continue à entraver le Processus de paix israélo-palestinien, ce radicalisme sera un problème de refus palestinien et non pas de refus israélien, souligne Yehouda Lancry. L’intransigeance du Hamas fera alors l’affaire de l’actuel Gouvernement israélien, qui compte en son sein des composantes très hostiles aux négociations israélo-palestiniennes. On n’a qu’à penser au déni fondamental qu’opposent à ce processus de négociations le Parti politique de Naftali Bennett, Habayit Hayehudi, le  Parti d’Avigdor Liberman, Israël Beytenou, et les radicaux du Likoud.”

La “balle” est désormais dans le camp du Gouvernement Netanyahou, estime Yehouda Lancry.

“Si j’étais à la place de Benya­min Netanyahou, je ne pousserai pas le cynisme jusqu’à dire que j’aurais transmis un message de félicitations à Mahmoud Abbas, mais j’aurais déclaré sans hésiter: “M. le Président de l’Autorité Palestinienne, maintenant, l’enjeu repose sur vos épaules: assumer en bonne et due forme la conversion idéologico-politique du Hamas comme composante de votre Gouvernement et de votre peuple. C’est à vous de vous présenter face à Israël en peuple uni et en Gouvernement uni dans une phase ayant une vraie dynamique de paix”.”

Israël devrait-il prendre au sérieux la menace brandie par Mahmoud Abbas de démanteler l’Autorité Palestinienne et de remettre aux Israéliens la responsabilité de la gestion administrative et sécuritaire de la Cisjordanie?

“Ce serait une régression très regrettable, dit Yehouda Lancry. On a mis beaucoup de temps pour arriver aux Accords d’Oslo. Il a fallu beaucoup de temps à l’O.L.P. pour reconnaître Israël. Donc, il faudra aussi du temps au Hamas pour qu’il adopte une position plus pragmatique et réaliste à l’endroit d’Israël. Tôt ou tard, ce Parti islamiste devra prendre conscience qu’il doit impérativement se dépêtrer de la situation de stagnation dans laquelle il est embourbé dans la bande de Gaza. Ce n’est pas une situation idéale pour le Hamas, qui a été lâché par l’Égypte, l’Iran et la Syrie et qui n’arrive pas à satisfaire les besoins des Gazaouis.”

Yehouda Lancry est catégorique: Israël doit “donner une chance” à cet Accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas.

“Je pense qu’il peut y avoir une chance, qu’il faut absolument explorer, dans cette démarche Fatah-Hamas. De toute façon, Israël n’a pas beaucoup à perdre dans cette Affaire. Il s’agit d’être suffisamment patient et d’envisager le processus de paix avec un nouveau souffle et une vision plus optimiste plutôt qu’à travers une perspective futile basée sur la logique spécieuse de la vente au détail!”

 

In an interview, Israeli political expert and former ambassador to the United Nations Yehouda Lancry speaks positively about the recent reconciliation between Hamas and Fatah in the Palestinian territories.