‘Israël est confronté à de grandes menaces’

Dans la photo, de gauche à droite: Armand Afilalo, ancien Président de la Campagne sépharade de l’Appel Juif Unifié de la FÉDÉRATION CJA, Karen Soussan, Présidente de la Campagne sépharade de l’Appel Juif Unifié 2012, le journaliste israélien Boaz Bismuth et Marc Kakon, Président de la Communauté sépharade unifiée du Québec, qui a été honoré lors de la Soirée des “Dons majeurs” de la Campagne sépharade de l’Appel Juif Unifié 2012.

Le célèbre journaliste israélien Boaz Bismuth, Chef du Service des Affaires étrangères et Éditorialiste au quotidien Israël Hayom, le journal le plus lu en Israël, a été l’invité d’honneur de la Soirée des “Dons majeurs” de la Campagne sépharade de l’Appel Juif Unifié (A.J.U.) 2012 de la FÉDÉRATION CJA.

Marc Kakon, Président de la Communauté sépharade unifiée du Québec, a été honoré au cours de cette Soirée très réussie, réservée aux donateurs de la Campagne sépharade de l’A.J.U. de 5000$ et plus, à la­quelle ont assisté plus de 100 convives.

Karen Soussan, Présidente de la Campagne sépharade de l’A.J.U. 2012, annonça que la Campagne sépharade a déjà recueilli 1 million 770000 dollars.

Boaz Bismuth, qui a été pendant plusieurs années le correspondant à Paris pour les grands quotidiens israéliens Maariv et Yediot Aharonot, a été le premier journaliste israélien depuis la Révolution islamiste iranienne, en 1979, à se rendre en Iran à titre de reporter. Il a même interviewé l’actuel Président iranien, Mahmoud Ahmadinejad. Boaz Bismuth a été aussi, de 2004 à 2008, Ambassadeur d’Israël en Mauritanie.

Il nous a accordé une entrevue depuis son Bureau de Tel-Aviv quelques jours avant sa venue à Mont­réal.

Canadian Jewish News: Aujourd’hui, la menace nucléaire iranienne semble être l’une des principales préoccupations des Israéliens. Mais, en même temps, comment expliquez-vous qu’il n’y ait pas de consensus national autour de cette question grave?

Boaz Bismuth: En ce qui a trait au très épineux Dossier iranien, comme ça a été souvent le cas dans l’Histoire d’Israël, il n’y a pas de concordance entre l’opinion publique et les médias israéliens. La grande majorité des médias israéliens relayent quo­ti­dienne­ment le point de vue des personnalités politiques et de l’esta­blish­ment militaire ou des Renseignements qui sont vigoureusement opposées à une attaque militaire d’Israël contre les installations nucléaires iraniennes. Ces dernières ne cessent de brandir le spectre du Jour noir du lendemain d’une attaque contre l’Iran, arguant que l’Aviation de Tsahal ne pourra pas réussir une opération militaire contre les sites nucléaires iraniens et que la riposte iranienne à cette attaque sera dévastatrice pour Israël. Mais, d’un autre côté, il faut aussi rappeler que l’opinion publique israélienne ne peut pas accepter que l’Iran, qui clame haut et fort tous les jours, sans la moindre gêne, la destruction de l’État d’Israël, se dote très prochainement de l’arme nucléaire.

Les Israéliens sont bien conscients que le régime iranien n’est pas un régime politique normal, ni ration­nel, même si certains en Occident veulent leur faire croire le contraire. Si le scénario noir d’un Iran possédant l’arme nucléaire se concrétise prochainement, les autres pays arabo-musulmans du Moyen-­Orient, l’Arabie Saou­dite, l’Égypte, la Turquie… vou­dront aussi se doter d’une force nucléaire analogue. Il faut rappeler que la doctrine de dissuasion forgée par feu Menahem Begin, ancien Premier ministre d’Israël, est toujours l’un des principaux credos de la politique de Défense d’Israël: aucun État du Moyen-Orient hostile à l’État d’Israël ne doit posséder l’arme nucléaire.

C.J.N.: Le processus de négociation israélo-palestinien continue de stagner. On a l’impression qu’une majorité d’Israéliens ne croit plus qu’un Accord de paix fonctionnel puisse être conclu dans un futur proche.

Boaz Bismuth: Après les grands espoirs suscités par les Accords d’Oslo en 1993 et la grande période de désillusion qui a suivi la mise en oeuvre progressive d’une autonomie politique palestinienne en Cisjordanie et à Gaza, c’est l’amertume qui prédomine aujourd’hui chez les Is­raé­liens et chez les Palestiniens. L’opi­nion publique israélienne ne s’attend plus à grand-chose. Quand il y a de grands espoirs, il y a de belles choses qui peuvent naître, ou il peut y avoir aussi des temps difficiles -comme dans les très beaux livres de Charles Dickens, Les Grandes Espérances et Les Temps difficiles. Mais, le monde doit être plus honnête lorsqu’il se pro­nonce sur le conflit israélo-palestinien. Aujourd’hui, les critiques véhémentes adressées à l’endroit d’Israël sont légion. La politique de colonisation d’Israël est sévèrement condamnée par la Communauté internationale, on reproche sans cesse à Israël de ne pas négocier sérieusement et de bonne foi avec les Palestiniens, de s’opposer à la création d’un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza… Mais, force est de rap­pe­ler qu’Israël, le soi-disant grand ennemi des Palestiniens, a déjà reconnu la formule de deux États, l’un israélien et l’autre palestinien, devant vivre en paix côte-à-côte. Si dans un futur proche les Palestiniens ont un État, ce sera grâce à Israël.

C.J.N.: Une majorité d’Israéliens ne considère-t-elle pas aujourd’hui que leur gouvernement n’a pas un interlocuteur palestinien crédible avec qui négocier?

 

Suite à la page 8

Suite de la page 6

 

Boaz Bismuth: Je rappelle souvent à mes amis Palestiniens qu’entre 1948 et 1967, quand les actuels Territoires palestiniens étaient sous la gouverne de la Jordanie et de l’Égypte, les Palestiniens n’ont jamais réclamé avec autant d’insistance la création d’un État souverain sur ces terroirs, ni la reconnaissance par l’O.N.U. d’un État de Palestine. Pour relancer le processus de paix, il faut que le leadership palestinien soit sérieux et fasse preuve de bonne foi en reconnaissant une fois pour toutes que les Juifs aussi ont droit à avoir leur propre État. Or, même les leaders les plus modérés du Fatah, c’est le cas d’Abou Mazen, Président de l’Autorité Palestinienne, refusent catégoriquement d’accepter ce fait. Et ne parlons pas du Hamas, pour qui l’idée de reconnaître la spécificité juive de l’État d’Israël s’apparente à un crime de lèse-majesté. Avant de conclure un Accord de paix avec l’Autorité Palestinienne, il faudra préalablement que le Fatah et le Hamas -cette Organisation islamiste radicale continue à nier à Israël son droit le plus élémentaire à l’existence- mettent un terme à leurs profonds désaccords. Avant de se mettre d’accord avec Israël, les Palestiniens devront se mettre d’accord entre eux.

C.J.N.: Dans l’Israël de 2012, les enjeux sociaux ne sont-ils pas devenus aussi importants et prioritaires que les enjeux sécuritaires?

Boaz Bismuth: Imaginez un instant ce que serait aujourd’hui Israël, qui est déjà un très beau pays, qui, en l’es­pace de 64 ans, a accompli d’immenses réalisations dans tous les domaines, s’il n’était pas en guerre permanente et contraint de supporter le lourd fardeau d’un budget militaire astronomique. Imaginez si les milliards de dollars engloutis dans le budget militaire étaient réinvestis dans d’autres domaines vitaux: l’Édu­cation, les Affaires sociales, la Santé, les Infrastructures des villes de développement… Les Israéliens font quotidiennement des sacrifices énormes. Les jeunes Israéliens, qui font trois ans, et parfois même quatre ans, de Service militaire, ne peuvent pas s’acheter une maison car la flambée des prix de l’immobilier leur en empêche.

La majorité des Israéliens ont beaucoup de difficulté à finir le mois, et même souvent le 15 du mois. La cherté du coût de la vie a poussé les Israéliens à revendiquer collectivement de meilleures conditions salariales et de vie et plus de justice sociale.  Aujourd’hui, les Israéliens demandent à leur gouvernement de leur donner la chance de savourer un peu la vie et de ne pas être comme l’une des cibles du jeu PackMan, très popu­laire dans les années 80, où le personnage digital avalait tout ce qui se trouvait sur son chemin. À la fin de son mandat d’Ambassadeur des États-Unis en Israël, un journaliste demanda à Martin Indyck s’il avait un conseil à prodiguer aux Israéliens. Ce dernier répondit candidement: “Ce de quoi les Israéliens ont réellement besoin, c’est d’une bonne nuit de sommeil!” Je pense sincèrement aussi qu’avant la paix sociale, une bonne nuit de sommeil ne ferait pas du mal au peuple d’Israël.

C.J.N.: Êtes-vous optimiste pour ce qui est des perspectives futures d’Israël ?

Boaz Bismuth: Ces jours-ci, Israël est confronté à de grandes menaces: la menace nucléaire iranienne, les menaces émanant de sa frontière avec Gaza; les menaces provenant de sa frontière avec l’Égypte; les bouleversement régionaux provoqués par les Révoltes arabes… Mais, parallèlement, il y a aussi une menace in­té­rieure qui est aussi lancinante que les grandes menaces extérieures qui pèsent aujourd’hui sur Israël: la haine entre Juifs qui mine le peuple d’Israël. Nous, Juifs, qui sommes le peuple de la Mémoire, devons nous rappeler constamment ce que la haine entre frères Juifs a engendré comme catastrophes abominables au cours de notre Histoire. Depuis l’époque de David Ben Gourion, les laïcs et les religieux ont su cohabiter ensemble. La dernière chose que je souhaite à mon pays, Israël, c’est que les laïcs et les religieux ne parviennent plus à cohabiter ensemble. Ce serait désastreux pour le peuple israélien et pour tout le peuple juif.

 

Israeli journalist Boaz Bismuth was recently the special guest at the CJA Sephardi campaign evening to honour major donors. In an interview from Tel Aviv before his arrival in Montreal, he talks about current events in Israel.