L’Histoire Québécoise et Juive de Richard Marceau

Richard Marceau a remis son livre au Président de l’État d’Israël, Shimon Peres, lors de son dernier voyage en Israël, où il a accompagné une Délégation ministérielle canadienne.

Richard Marceau, 41 ans, ancien Député du Bloc Québécois, vient de publier un livre courageux, iconoclaste et très perspicace, Juif. Une Histoire québécoise (Éditions du Marais), qu’il faut absolument lire toutes affaires cessantes. Ce “P’tit gars” de Charlesbourg, né dans une famille Catholique, relate son itinéraire aty­pique: sa conversion au Judaïsme, au terme d’un long processus qui débuta avec la rencontre de la femme de sa vie, Lori, devenue depuis son épouse, et qui s’est poursuivi avec la découverte d’une Communauté, d’une foi et d’un peuple. Tout en demeurant viscéralement attaché à ses “racines très québécoises”, Richard Marceau vit aussi “pleinement” son Identité juive.

“Mes deux Identités, la Québécoise et la Juive, ne sont pas antinomiques mais, au contraire, très complémentaires”, explique-t-il en entrevue.

Dans ce livre très captivant, Richard Marceau met en charpie une kyrielle de préjugés et de stéréotypes tenaces sur les Juifs, Israël, le Sio­nisme, le conflit israélo-palestinien… qui sévissent au Québec. Il remet avec brio les pendules à l’heure en étayant une autre perspective analytique du contentieux israélo-palestinien et en rappelant les nombreuses valeurs communes que la société israélienne partage avec la société québécoise. Un livre fort salutaire qui arrive à point nommé à un moment où dans plusieurs milieux de la société québécoise Israël est fustigé et même honni.

Qu’est-ce qui l’a motivé à écrire ce livre très engagé?

“À une période où le débat sur les Accommodements raisonnables continue de diviser les Québécois, je tenais absolument à faire connaître la contribution exceptionnelle des Juifs du Québec à leur société, parce que celle-ci est trop souvent méconnue, ou même inconnue, dit-il. Les Juifs, qui célèbrent cette année le 250ème anniversaire de leur arrivée en Terre québécoise, ne sont pas des immigrants de fraîche date mais des Québécois à part entière parfaitement bien intégrés, à tous les niveaux, dans l’hospitalière société québécoise. Il est essentiel aussi de rappeler que la contribution des Juifs à la société québécoise n’aurait pas été aussi importante si le Québec n’avait pas été l’endroit extraordinaire qu’il est, une Terre d’accueil qui fait l’envie du monde entier. Au Québec, les Juifs ont évolué dans un environnement extra­ordinaire qui leur a permis de prospérer politiquement, éco­no­mique­ment et spirituellement. Le Juifs québécois le savent et le rap­pellent toujours avec fierté. Je le réitère aussi avec force dans ce livre. Je suis l’exemple vivant qu’on peut très bien être à la fois Juif et pleinement Québécois.”

Richard Marceau envisage avec optimisme les perspectives futures des relations entre les Juifs et leurs concitoyens Francophones non-Juifs.

“Ces 25 dernières années, les relations entre la Communauté juive et la société québécoise francophone se sont considérablement améliorées. La Communauté juive ne vit plus en marge de la société francophone. Aujourd’hui, les deux tiers des membres de la Communauté juive québécoise parlent le français. Un quart des membres de cette Communauté, les Sépharades, sont de langue maternelle française. Les jeunes Juifs parlent couramment le français et sont bilingues. Du chemin a été fait des deux côtés. J’espère que mon livre contribuera à tisser des liens et à favoriser un dialogue plus ouvert, plus constructif et franc entre les Québécois d’origine non-juive et les Québécois d’origine juive.”

Dans Juif. Une Histoire québécoise, dont la version anglaise paraîtra prochainement, Richard Marceau rappelle sans détours, moult exemples à l’appui, qu’un anti-israélisme débridé, et aussi un antisémitisme larvé, ont pignon sur rue dans des mi­lieux importants de la société québécoise -les mouvements de gauche, des syndicats, des Organisations non gouvernementales -O.N.G.-, des médias… Sa radioscopie décapante de plusieurs cénacles québécois farouchement anti-israéliens et flirtant avec l’antisémitisme  ne risque-t-elle pas d’exa­cer­ber dans le Canada anglais le phénomène du Quebec bashing, fortement décrié par les Québécois francophones?

“Ce livre a été écrit par un Québécois “pure laine”, profondément amoureux du Québec, qui se sent très sécure dans son Identité québécoise, insiste-t-il. Je suis Québécois au plus profond de mon âme. J’ai même été Député d’un Parti souverainiste. Donc, à mes yeux, c’est absurde de qualifier systématiquement toute critique du Québec de Quebec bashing. J’ai essayé dans ce livre de dresser un constat, le plus juste possible, d’une réalité hideuse qu’on ne doit pas éluder: l’anti-israélisme virulent qui prévaut aujourd’hui dans plusieurs secteurs de la société québécoise. Ce n’est pas un secret de polichinelle!”

Richard Marceau partage entièrement le point de vue du sociologue et universitaire Gérard Bouchard, coprésident de la Commission sur la pratique des Accommodements raisonnables au Québec, quand il souligne la grande réticence de beaucoup de Québécois à admettre que l’antisémitisme a toujours été omniprésent dans l’Histoire du Québec.

“Ce phénomène abject qu’est l’anti­sémitisme n’est pas spécifique au Québec, mal­heu­reuse­ment, on le retrouve aussi dans toutes les sociétés occidentales. Les Québécois rechignent à reconnaître cette réalité sociale délétère craignant que celle-ci n’exacerbe davantage le sentiment de Quebec bashing dans le Canada anglais. Je crois au contraire que les Québécois doivent être lucides, se regarder sans hésiter dans le miroir et faire certains constats qui les ai­deront à endiguer cette grande aberration historique qu’est l’an­ti­sé­mi­tisme et le corollaire morbide inhérent à ce fléau: la délégitimation inacceptable de la patrie historique du peuple juif, Israël.”

L’appui au peuple palestinien est une “réalité vivace” et “très ostensible” dans la société québécoise d’aujourd’hui, constate Richard Marceau.  Cet appui est “compréhensible” dans la mesure où les Palestiniens ont été souvent “victimes de l’Histoire”, en grande partie à cause du “radicalisme” qu’ils ont toujours affiché à l’endroit d’Israël et des “occasions historiques” qu’ils ont manquées lors des négociations avec les Israéliens, rappelle-t-il.

“Les forces de l’Histoire ont été très ingrates avec les Palestiniens. Ceci étant dit, je montre dans mon livre qu’on peut très bien appuyer simultanément les revendications nationales légitimes du peuple palestinien et l’existence d’un État juif au Proche-Orient. Il n’y a là aucune contradiction. Nous ne devons pas tomber dans le piège vicieux que s’es­criment à nous tendre les groupes soi-disant propalestiniens, mais qui en réalité sont virulemment anti-israéliens: devoir choisir entre un soutien inconditionnel à la cause palestinienne et un appui indéfectible à l’État d’Israël. Je fais partie de ceux qui croient résolument qu’on peut être un allié d’Israël et aussi un ami des Palestiniens. Je refuse qu’on me contraigne à faire un choix entre ces deux options. C’est un faux choix qui est trop simple et trop manichéen. Les groupes propales­ti­niens s’autoexcluent des cercles de décisions politiques, c’est le cas à Ottawa, parce qu’ils ne proposent jamais des solutions positives et constructives. Ils se limitent à la stigmatisation d’Israël et de tous ceux qui défendent la juste cause de ce pays. Les amis d’Israël -beaucoup de non-Juifs sont aussi très soli­daires de l’État hébreu- doivent absolument montrer qu’appuyer la cause palestinienne est être solidaire d’Israël ne sont pas deux positions politiques antinomiques. Dans ce livre, je me qualifie sans ambages de “Sioniste propalestinien”. Ayant été durant 9 ans député du Bloc Québécois à Ottawa, je comprends très bien les aspirations du peuple palestinien à vouloir avoir son propre État national.”

Richard Marceau déplore qu’aujourd’hui, les notions de “Sionisme” et les réalités ayant trait au conflit israélo-palestinien soient “dé­na­tu­rées” et “amalgamées” par bon nombre de Québécois.

“Dès qu’on aborde la question d’Israël, du Sionisme ou du conflit israélo-palestinien, il y a une grande confusion dans l’esprit des Québécois. Nombreux sont ceux convaincus que toute personne opposée à la politique israélienne de colonisation des Territoires palestiniens, surtout quand celle-ci est menée par un gouvernement de droite, comme c’est le cas aujourd’hui, est antisémite. Je tenais dans ce livre à clarifier cet énorme malentendu. Pour moi, un Sioniste est quelqu’un qui appuie sans ambiguïtés l’existence d’un État juif au Proche-Orient. Ce n’est pas plus, ce n’est pas moins. On peut très bien être Sioniste, critiquer dure­ment les politiques du gouvernement d’Israël et être un ami du peuple palestinien. L’un n’empêche pas l’autre. Par contre, ce que je dénonce vigoureusement, c’est l’instrumentalisation des critiques des politiques du gouvernement israélien pour délégitimer l’existence de l’État d’Israël. Cet amalgame scabreux est inadmissible!”

Mais, en dépit de l’anti-israélisme qui sévit dans certains milieux intellectuels et journalistiques québécois, Richard Marceau constate que des voix pro-Israël commencent aussi à se faire entendre dans des secteurs clés de la société québécoise.

“Ces dernières années, je vois un changement perceptible, qui n’est pas pour autant massif, d’une partie de l’intelligentsia québécoise par rapport à Israël. Celle-ci se montre beaucoup plus ouverte que dans le passé envers Israël et a des opinions moins biaisées sur le conflit israélo-palestinien. Il y a des voix intellectuelles qué­bé­coises pro­israéliennes qui se font désormais entendre dans les médias non conventionnels, notamment dans certains médias sociaux électroniques.”

Richard Marceau compte faire prochainement une tournée dans plusieurs régions du Québec pour présenter son livre dans des Cégeps, des Centres communautaires, des médias locaux -notamment dans des radios…

“Je veux discuter avec mes interlocuteurs de questions basiques méconnues par un bon nombre de Québécois: Qu’est-ce qu’un Juif? C’est quoi Israël ? Quels sont les principaux enjeux du conflit israélo-palestinien…?”

Richard Marceau est actuellement Avocat-conseil et Conseiller politique principal auprès du Centre consultatif des Relations juives et israéliennes -C.I.J.A.-.

Le 13 décembre, à 20 heures, il présentera son livre à la Congrégation Or Hahayim de Côte Saint-Luc. Entrée libre.

In an interview, former Parti Québécois MLA Richard Marceau, a convert to Judaism, talks about his latest book in which he discusses his path to conversion and looks at some myths and prejudices.