En Israël, un Mouvement social ou politique?

Les leaders du Mouvement de contestation sociale qui a révulsé ces derniers mois Israël se soucient comme d’une guigne des graves pro­blèmes socioéconomiques auxquels la majorité des Israéliens sont ajourd’hui confrontés. Leur motivation est strictement politique. Leur unique but: renverser le gouvernement de Benyamin Netanyahou.


Les conférenciers invités à un panel sur le Mouvement de contestation sociale qui sévit en Israël, organisé dans le cadre du Festival Séfarad de Montréal 2011. De gauche à droite: le politologue et ancien Diplomate marocain Abdel Ilah Bennis, Professeur à l’Université de Westminster de Londres, le politologue franco-israélien David Chemla, Prési­dent de la Section France de Shalom Arshav et initiateur de l’Appel JCall, et le politologue Emmanuel Navon, Professeur de Relations internationales à l’Université de Tel-Aviv. [Photo: Edmond Silber]


Cette réflexion surprenante et à contre-courant a été étayée par le politologue israélien Emmanuel Navon, professeur de Relations internationales à l’Université de Tel-Aviv, lors de son intervention dans un panel discussion consacré au Mouve­ment de grogne sociale qui sévit en Israël, organisé dans le cadre du Festival Séfarad de Montréal 2011.

“Le leadership de ce Mouvement de contestation, composé de gosses de millionnaires, a des motivations purement politiques et non sociales. La principale leader de ce Mouvement, Daphne Leef, qui a grandi dans le très chic quartier de Ramat Ha-Sharon, travaille pour le New Israel Fund, un Organisme, soi-disant à vocation sociale, financé par un antisioniste notoire, le milliardaire américain George Soros. Ces militants échau­dés ne cachent pas que leur objectif est de faire tomber le gouvernement de Benyamin Netanyahou. C’est pourquoi ni les Juifs ultra-ortho­doxes, ni les Arabes, ni les Juifs éthiopiens, aux prises avec de sérieux problèmes éco­no­miques, ne se reconnaissent dans ce Mouvement de protestation d’enfants gâtés. Le Mouvement de la “Révolte des Tentes” rappelle le statut surestimé du journal gauchiste Ha’aretz. Considéré comme la “Bible” du Journalisme israélien par les journalistes étrangers, Ha’aretz n’est lu que par 2% de la population israélienne, uniquement par des professeurs d’Université. Ce Mouvement de protestation s’est dégonflé comme un ballon de baudruche. Sa dernière manifestation à Tel-Aviv n’a attiré qu’environ 5000 personnes.”

D’après Emmanuel Navon, les journalistes ont “gonflé délibérément” le nombre de manifestants qui ont participé ces derniers mois aux rassemblements de protestation qui ont eu lieu dans les principales Places publiques de Tel-Aviv.

“Les nombre de manifestants a été dopé et exagéré. On ne peut pas regrouper 300000 personnes sur la Place Kikar Médina de Tel-Aviv. Physiquement, c’est impossible, dit-il. Cette Place publique ne peut accueillir que 100000 personnes au grand maximum. Ces chiffres ont été grossis par des journalistes militants. En Israël, théoriquement, la presse est libre. Mais, les médias sont dominés complètement par une petite minorité ultra-laïque et ultra-Ashkénaze qui vit dans les quartiers cossus de Tel-Aviv.

De la même manière que ces mêmes journalistes militants ont fait le travail d’Ariel Sharon lorsqu’il a créé le Parti Kadima, aujourd’hui, ils appuient inconditionnellement ce Mouve­ment de contestation parce qu’ils se reconnaissent complètement dans la farouche volonté affichée sans ambages par les leaders de celui-ci de faire tomber le gouvernement de Benyamin Netanyahou.”

D’après Emmanuel Navon, les leaders de ce Mouvement de contestation sociale se sont vigoureusement opposés à toutes les mesures proposées par le gouvernement de Benyamin Netanyahou pour atténuer la crise sociale qui sévit dans le pays, en particulier à la proposition de libéraliser le Système de l’Immobilier afin de faire baisser le prix des maisons.

“Israël est une démocratie. Le gouvernement de Benyamin Netanyahou a été élu par une vaste majorité d’Israéliens. Celui-ci n’a pas été porté au pouvoir pour imiter le modèle économique grec. Si Daphne Leef et ses amis gauchisants veulent adopter ce modèle économique en faillite, ils pourront le faire s’ils gagnent les prochaines élections. Mais essayer d’imposer à la majorité de la population la volonté d’une minorité d’idéologues obtus, financée par des Organisations étrangères, c’est inacceptable!”, dit Emmanuel Navon, qui sera candidat aux Primaires du Parti Likoud lors des prochaines élections législatives israéliennes.

David Chemla, Président de la Section France du mouvement La Paix Maintenant -“Shalom Arshav”- et initiateur du mouvement JCall, un Regroupement d’intellectuels Juifs européens attachés à l’État d’Israël mais farouchement opposés à la politique de colonisation des Territoires palestiniens du gouvernement de Benyamin Netanyahou, réfuta l’ana­lyse brossée par Emmanuel Navon.

“Il faut éviter de sombrer dans la politique-fiction et de voir des complots partout! L’analyse d’Emmanuel Navon est très réductrice car elle dénature un Mouvement de contestation sociale au sein duquel mani­festent des Israéliens de toutes les obédiences politiques et de tous les milieux sociaux. Cette vague de protestations n’a pas pour finalité de renverser l’actuel gouvernement d’Israël. L’exutoire invoqué par Emmanuel Navon est fort simpliste. À la différence de ce qui se passe aujourd’hui dans les rues du Caire, où on veut destituer le régime militaire égyptien qui tient toutes les rênes du pouvoir,  à Tel-Aviv, personne ne veut renverser le gouvernement actuellement au pouvoir à Jérusalem. Les élections législatives israéliennes auront lieu le moment venu, pas avant. C’est ça la démocratie!”

Si les Arabes et les Juifs ultra-orthodoxes ne manifestent pas dans les rues de Tel-Aviv, c’est tout simplement parce que ces derniers expriment vivement leur mécontentement social dans les Places publiques des villes où la grande majorité d’entre eux vivent, en l’occurrence Haïfa et Jérusalem, rappela David Chemla.

La crise sociale qui sévit en Israël n’est pas un “phénomène fantasmagorique” mais une “dure réalité très vivace”, renchérit-il.

“Toutes les catégories professionnelles sont sorties dans la rue pour prostester. Ajourd’hui, 75% des Israéliens sont surendettés. Environ 35% des familles arabes et juives orthodoxes vivent sous le seuil de la pauvreté. 1 enfant Israélien sur 4 vit aussi dans la pauvreté. Entre-temps, une vingtaine de familles, appelées les Tycoon israéliens, contrôlent l’essentiel de la richesse du pays. Leurs avoirs financiers représentent environ 54% du Produit National Brut -P.N.B.- d’Israël. À la tête de puissants oligopoles, ces capitalistes tous azimuts fixent les prix de l’Immobilier, des aliments de base… En Israël, le Libéralisme économique est toujours un voeu chimérique! Il faut absolument mettre un terme à cette oligarchie économique indécente. C’est pourquoi les Israéliens se sont révoltés.”

D’après David Chemla, les dirigeants politiques israéliens ont toujours invoqué les “pro­blèmes sé­cu­ri­taires” pour esquiver les pro­blèmes socioéconomiques récurrents, qui n’ont cessé de s’aggraver d’année en année. Ce “faux prétexte” ne convainc plus les Israéliens.

“Les Israéliens ne sont pas dupes! Ils en ont marre d’écouter leurs politiciens marteler le même argument: l’utra-priorité c’est la sécurité et la lutte contre le terrorisme palestinien. Cet argument ne fait plus effet. Pour preuve: d’après une enquête d’opi­nion réalisée dernièrement, une majorité d’Israélien est favorable à des coupes drastiques dans le budget mi­li­taire pour que les fonds dégagés soient investis dans des Programmes sociaux et de logement pour les familles les plus démunies.”

Abdel Ilah Bennis, ancien Diplomate marocain aujourd’hui Professeur titulaire et Directeur des Études à la Diplomatic Academy de l’Université de Westminster de Londres, donna son point de vue sur le mouvement de contestation social israélien en tant qu’“observateur étranger non-Israélo-Juif”.

D’après ce spécialiste des questions politiques internationales, le Mouvement de grogne sociale israélien a de nombreux points com­muns avec les Mouvements de contestation sociale qui ont enfiévré ces derniers mois plusieurs pays européens et occidentaux.

“Il ne faut pas voir des complots politiques partout! À Tel-Aviv, comme à Athènes, à Madrid, à Londres, à New York… le peuple exprime tout simplement, souvent avec véhémence, son ras-le-bol face à un Système économique et financier très inéquitable qui se soucie très peu des individus et des familles les plus nécessiteux, dit-il. C’est le coût de plus en plus exorbitant de la vie, la quasi-inexistence de logements à loyers modiques, le chômage débridé chez les jeunes et une promiscuité sociale très étouffante qui ont déclenché ces Mouvements de révolte sociale. Les leaders de ces Mouvements populaires ont uniquement des objectifs sociaux. Ces derniers méprisent tout ce qui est politique.”

 

A panel expressing different opinions about the social protest movement in Israel was part of this year’s Festival Séfarad.