‘Il faut démocratiser le Séphardisme’

À 84 ans, le dynamisme et l’enthousiasme du Dr José Nessim ne se sont point émoussés. Le fondateur et président mondial du Centre Éducatif Sépharade (S.E.C.) pète le feu!

Fondé en 1979, le S.E.C., dont le siège central est établi à Jérusalem, près du Kotel, remplit depuis plus d’un quart de siècle une mission éducative importante auprès de la jeunesse sépharade.

“Depuis sa création, plus de 25000 jeunes sépharades ont participé aux programmes éducatifs offerts par le S.E.C. à Jérusalem. À mes yeux, l’éducation est le seul outil apte à transmettre et à perpétuer le riche héritage culturel sépharade”, explique en entrevue ce réputé chirurgien-gynécologue américain, né au Paraguay, aujourd’hui à la retraite.

Le Dr José Nessim, qui vit à Los Angeles, était dernièrement de passage à Montréal, où il a rencontré les leaders de la Communauté sépharade unifiée du Québec.

L’assimilation des jeunes sépharades est “un phénomène très pernicieux” qui le préoccupe beaucoup.

“Le taux de mariages mixtes -Juifs-non-Juifs- dans les Communautés sépharades d’Amérique du Nord, d’Amérique latine et d’Europe a atteint ces dernières années des niveaux très inquiétants. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés. La philosophie du S.E.C. a toujours prôné un renforcement de l’identité juive et sépharade de nos jeunes. Les programmes éducatifs du S.E.C. ont pour finalité de faire découvrir à ces derniers la richesse et la grandeur du patrimoine culturel et religieux que nos aïeux nous ont légué.”

Le Dr José Nessim s’attelle actuellement à mettre en branle un projet très ambitieux: créer une nouvelle organisation sépharade mondiale, à laquelle on ne pourra adhérer que par l’entremise d’un membership.

“Il est temps que le Séphardisme se dote d’une institution représentative composée de membres cotisants, dit-il. Aujourd’hui, les organisations sépharades ne représentent personne, mis à part les leaders siégeant en leur sein. Il faut absolument que le Séphardisme institutionnel se démocratise et se rapproche du grassroot -la base populaire.”

Pour le Dr José Nessim, le Séphardisme institutionnel, incarné aujourd’hui par la Fédération Sépharade Mondiale, institution présidée depuis trente-cinq ans par l’homme d’affaires suisse natif du Soudan, Nessim Gaon, est synonyme de: “manque de vision” et “inefficacité”.

“Les organisations sépharades, notamment la Fédération Sépharade Mondiale, sont incapables de collecter de leur propre initiative un seul dollar. C’est lamentable, dit-il. Le budget d’opération annuel de la Fédération Sépharade Mondiale lui est intégralement alloué par l’Agence Juive. C’est un système absurde. Israël subventionne une organisation non-israélienne, qui utilise la majeure partie de ses fonds pour financer des réunions de présidium qui ne servent absolument à rien. Il est temps que le Séphardisme soit plus pragmatique et plus efficient.”

La Fédération Sépharade Mondiale, poursuit-il, a été une institution “d’une très grande utilité” dans les années 60 et 70, quand il y avait “un réel problème sépharade” en Israël.

“Il n’y a plus de problème sépharade en Israël, estime le Dr José Nessim. Aujourd’hui, les Sépharades occupent des postes de responsabilité dans tous les secteurs de la société israélienne: la politique, l’armée, l’économie, l’éducation… La Fédération Sépharade Mondiale ne mène plus en Israël des combats d’avant-garde pour défendre les droits sociaux et politiques des Sépharades, mais concentre toute son action dans des Communautés sépharades de la Diaspora.”

Le Dr José Nessim veut créer une nouvelle organisation sépharade, dont le fonctionnement sera assuré grâce au membership versé annuellement par ses membres -100$ US-.

“Le but de cette organisation ne sera pas de concurrencer les autres organisations sépharades, mais de créer une nouvelle dynamique pour que les jeunes sépharades puissent s’identifier à un cadre institutionnel, où ils pourront librement exprimer leurs points de vue.”

Le président mondial du S.E.C. déplore que les organisations sépharades soient toujours réfractaires à ouvrir les portes de leurs instances exécutives aux jeunes.

“Les leaders sépharades ne font pas confiance aux jeunes. Ils ne leur confèrent aucune place dans leurs comités exécutifs. C’est une erreur. Sans l’implication de nos jeunes, le Séphardisme est condamné à péricliter et à disparaître. Nos jeunes ne sont pas dupes. Pour qu’ils respectent nos institutions, il faut que celles-ci les respectent aussi, en leur donnant la place qu’ils méritent.”

Ce “conseil” impératif, prodigué par un leader sépharade qui préside depuis vingt-huit ans la même organisation, est plutôt surprenant. À 84 ans, le Dr José Nessim songe-t-il à tirer sa révérence et à confier les rênes du S.E.C. à un jeune leader? Il esquive poliment notre question…

In an interview, José Nessim, inernational president of the Sephardic Education Center, talks about the direction he feels the Sephardi community should take.