Benyamin Netanyahou est-il politiquement affaibli?

Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu

Officiellement soupçonné par la police israélienne de corruption, d’abus de confiance et d’avoir accepté deux pots-de-vin, l’actuel premier ministre d’Israël, Benyamin Netanyahou, est-il politiquement affaibli?

À ces affaires de corruption sont venues s’ajouter les récentes frasques de son fils aîné, Yair.

Au cours d’une conversation enregistrée à son insu, alors qu’il était en état d’ébriété à la sortie d’un club de nuit à Tel-Aviv, Yair évoque un “deal” supposément obtenu par Kobi Maimon, magnat israélien du gaz et père de son proche ami, Nir Maimon, à la suite de l’intervention de Benyamin Netanyahou.

“Dans cette affaire sordide, il faut distinguer la question purement juridique de la question de l’image publique de Netanyahou. À savoir, s’il y a eu ou non une infraction de la part de Netanyahou? Ce sera au procureur général de se prononcer. Et, s’il y a une mise en examen de Netanyahou, ce sera alors au tribunal de se prononcer. Ça c’est la question purement juridique. Ensuite, il y a la question de l’image publique de Netanyahou. Mais ce que la gauche et les médias israéliens ne parviennent pas encore à comprendre, c’est qu’en général, ce genre d’affaires glauques ne fait que renforcer politiquement Netanyahou et le sentiment d’une grande partie de la droite qu’il y a une chasse aux sorcières médiatique contre son chef et son parti, le Likoud. La gauche ne cesse de se tirer dans le pied en exploitant, à des fins politiques, ces affaires scabreuses. Le fait qu’un chauffeur ou un garde du corps ait enregistré en catimini les propos du fils de Netanyahou, alors qu’il était saoul, c’est un procédé qui est bien en dessous de la ceinture!”, estime le politologue israélien Emmanuel Navon, qui nous a accordé une entrevue depuis Tel-Aviv.

Emmanuel Navon est professeur de relations internationales à l’Université de Tel-Aviv et à l’Université IDC Herzliya, chercheur senior au Kohelet Policy Forum —un centre de recherche et d’études spécialisé dans l’analyse des politiques gouvernementales israéliennes— et analyste politique à la chaîne d’information israélienne i24News.

Benyamin Netanyahou n’est-il pas aujourd’hui l’otage de l’aile droite la plus radicale de la coalition gouvernementale qu’il dirige depuis 2015?

“De toute façon, en Israël, tout premier ministre est otage de sa coalition, et pas forcément de l’extrême droite de celle-ci, répond Emmanuel Navon. Netanyahou n’est pas plus l’otage de Naftali Bennett que d’Aryé Dery, chef du parti ultra-orthodoxe Shass, qui est très loin d’être une formation politique d’extrême droite puisqu’elle a soutenu les accords d’Oslo. Je vous rappelle que la dernière proposition de loi préconisant la fermeture des supermarchés le Shabbat, qui est extrêmement controversée, a été imposée par Aryé Dery au gouvernement à la suite d’un chantage politique. Chose certaine: Aryé Dery n’est pas d’extrême droite. L’avenir de la coalition gouvernementale de Netanyahou dépend également du bon vouloir de Moshé Kahlon, leader de Koulanou, parti centriste et non d’extrême droite, et ministre des finances, et de ses dix députés, qui détiennent les clés de la coalition. Les journalistes occidentaux ne cessent de ressasser le même refrain, qui est faux: que l’extrême droite israélienne tient le gouvernement en laisse.”

En ce qui a trait à la récente décision de Donald Trump, décriée par les contempteurs d’Israël, de reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël, Emmanuel Navon est sidéré de constater à quel point tous ceux qui avaient prédit, avec une assurance effarante, que cette initiative du président des États-Unis allait embraser la Palestine et les rues arabes déchantent aujourd’hui.

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“L’explosion de violence et la vague de déstabilisation qu’on nous avait prédites n’ont pas eu lieu. Comme si le Proche-Orient n’était pas déjà violent et instable. En réalité, aussi bien le président égyptien, Abdel-Fattah Al-Sissi, que le nouveau prince héritier de l’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, ont fait pression sur le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, pour qu’il calme le jeu. Les Égyptiens et les Saoudiens ne veulent pas être entraînés dans une vague de violence dans la mesure où leur première priorité est de lutter contre l’Iran. Mahmoud Abbas est à court de munitions. Même ses proches voisins lui ont demandé, avec insistance, d’apaiser ses ardeurs belliqueuses.”

La décision de Donald Trump de conférer à Jérusalem le statut officiel de capitale d’Israël ne risque-t-elle pas de porter un coup fatal à la dynamique, au point mort depuis quatre ans, des négociations entre Israël et les Palestiniens?

“Non, puisque lorsque les États-Unis avaient une position contraire, voire favorable aux Palestiniens, notamment sous les présidences de Bill Clinton et de Barack Obama, les négociations n’ont pas progressé pour autant. On s’aperçoit que quand les Américains abondent dans le sens du leadership palestinien, ça n’aide pas du tout à l’avancement des négociations entre les deux parties.”

Les perspectives des négociations israélo-palestiniennes sont plutôt sombres.

D’après Emmanuel Navon, le “radicalisme” du leadership politique palestinien a contribué, année après année, à accroître le fossé qui sépare les deux camps.

“Au bout du compte, le leadership palestinien refuse tout compromis sur la question de Jérusalem, la question des réfugiés palestiniens… C’était vrai sous la gouverne de Yasser Arafat et c’est vrai aujourd’hui sous la direction de Mahmoud Abbas. Les négociations ne sont pas une fin en soi. On négocie depuis plus de vingt-cinq ans. Résultat: 0. Ce n’est pas un autre round de négociations qui changera les données de base. Et la tentative de réconciliation de l’Autorité palestinienne avec le Hamas, une organisation islamiste jusqu’au-boutiste qui continue à nier le droit d’Israël à l’existence, n’arrangera certainement pas les choses.”

Depuis la reconnaissance par Donald Trump de Jérusalem comme capitale officielle d’Israël, Mahmoud Abbas a fait savoir publiquement qu’il refusera dorénavant toute proposition de paix américaine. Quant au chef des négociateurs palestiniens, Saeb Erekat, il a déclaré qu’il n’y aura pas de négociations tant que les États-Unis ne reviendront pas sur leur décision, rappelle Emmanuel Navon.

“Je vois difficilement comment, dans ce cadre-là, on pourra avoir des négociations sérieuses. Donald Trump n’est pas le genre de personne à céder aux pressions ou aux menaces.”