La Musique française juive une grande énigme?

La musicologue Dr Dina Sabbah (à gauche) et la chanteuse et musicologue Hélène Engel seront les invitées d’une conférence-soirée musicale dédiée à la chanson juive française organisée le 15 mars par la Bibliothèque Publique Juive de Montréal
La musicologue Dr Dina Sabbah (à gauche) et la chanteuse et musicologue Hélène Engel seront les invitées d’une conférence-soirée musicale dédiée à la chanson juive française organisée le 15 mars par la Bibliothèque Publique Juive de Montréal

Existe-il réellement une musique juive d’expression française?

Deux musicologues chevronnées passionnées par les musiques traditionnelles juives, la Dr Dina Sabbah et Hélène Hengel, essayeront de répondre à cette question très énigmatique au cours d’une soirée exceptionnelle qui ravira tous les mélomanes.

“La chanson française, une énigme…” sera le thème central de cette conférence, qui sera entrecoupée de prestations musicales, au cours de laquelle la Dr Dina Sabbah et Hélène Engel tenteront de définir le concept de “musique juive” et étayeront des hypothèses pouvant expliquer les raisons de la quasi inexistence d’une musique juive dans le patrimoine musical francophone.

Cet événement, organisé sous l’égide de l’Institut culturel Rosalind Goodman de la Bibliothèque Publique Juive de Montréal, aura lieu le mardi 15 mars à 19h30 à la Bibliothèque Publique Juive.

Les chansons juives en français sont très rares, ont constaté la Dr Dina Sabbah et Hélène Engel au cours de leurs recherches musicales.

“Pourquoi ne trouve-t-on pas une musique juive française comme il existe une musique juive américaine, russe ou polonaise? Très rares sont les chanteurs francophones d’origine juive qui ont inclus dans leur répertoire musical des chansons à thèmes juifs. Georges Moustaki a chanté deux ou trois chansons  évoquant sa judéité, Jean Ferrat a composé et interprété deux chansons à thèmes juifs, l’une dédiée aux six millions de Juifs assassinés dans la Shoah et une autre en souvenir de son père. Quant à Barbara, elle parle très vaguement de sa judéité dans une seule de ses chansons. Chose certaine: les chanteurs français Juifs ont rarement interprété des chansons ayant un contenu juif. On ne peut être que très étonné par ce constat quand on connaît la grande diversité du judaïsme et du patrimoine musical français”, explique Hélène Engel en entrevue.

Avant d’essayer de déceler les raisons pour lesquelles il n’existe pas un corpus structuré de musique juive en français, la Dr Dinah Sabbah croit qu’il est nécessaire, préalablement, de définir le concept de “musique juive”.

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“Qu’est-ce que la “musique juive”? C’est une question qui n’est pas du tout évidente qui continue de susciter de vifs débats parmi les spécialistes des musiques juives traditionnelles. En Israël, certains se demandent même si la musique israélienne doit être incluse dans la catégorie répertoriant les “musiques juives”? D’autres estiment que seules les musiques liturgiques juives méritent l’appellation de “musique juive”, les “musiques juives laïques” étant exclues d’emblée de cette catégorie très “sélect”. Ce débat est loin d’être clos”, dit la Dr Dina Sabbah en entrevue.

L’analyse du contexte socio-historique est essentielle pour essayer de comprendre pourquoi les chansons juives en français ne sont pas légion, ajoute la Dr Dina Sabbah.

Pour Hélène Engel, il est impératif d’encourager les paroliers, les compositeurs et les chanteurs francophones Juifs à concevoir des chansons à thèmes juifs.

“Aujourd’hui, en France, le judaïsme est menacé et affaibli. Je suis très inquiète de voir comment l’antisémitisme et le racisme ont désormais pignon sur rue dans une France meurtrie par le terrorisme et frappée de plein fouet par la crise économique. Chaque année, je fais une tournée musicale en France. De plus en plus de théâtres hésitent à mettre leur scène à la disposition des chanteurs ou des chanteuses qui interprètent des chansons juives. Ils craignent que ces derniers soient des cibles privilégiées pour les terroristes islamistes”, raconte Hélène Engel.

Au cours de la soirée du 15 mars prochain, Hélène Engel chantera plusieurs chansons. Des morceaux de musique juive en français seront joués. Le Hazan Sépharade Orel Gozlan chantera aussi lors de cette soirée.

Née au Maroc dans une famille sépharade, la Dr Dina Sabbah a fait ses études à Tel Aviv, Paris et Montréal. Elle détient un Ph.D en Ethnomusicologie de l’Université de Montréal et une Maîtrise en Administration de l’Éducation. Elle est l’auteure de deux ouvrages sur la musique liturgique des Juifs du Maroc, Neim Zemirot et Et Hazamir. La Dr Dina Sabbah a dirigé la Chorale Kinor et la Chorale  Kol Zimra. Elle est actuellement la productrice et animatrice bénévole d’une émission  musicale hebdomadaire diffusée sur les ondes de Radio Shalom Montréal, Musiques aux Cœurs.

Née à Paris dans une famille ashkénaze d’origine hongroise, Hélène Engel est une chanteuse classique, musicologue, auteure, compositeur et interprète. Spécialiste du folklore juif, elle a remporté le Prix de la Chanson Juive en France en 1984. Elle chante en yiddish, en hébreu, en judéo-espagnol, en français et en anglais. Elle a enregistré 5 CD. Ses tournées l’ont amenée à participer à de nombreux spectacles à travers la France et à de grands festivals de folklore en Europe et en Amérique du Nord. Depuis 2004, elle dirige le Trio Hélène Engel, qui comprend également Marie-Neige Lavigne au violon et Abby Geiger à la basse. Elle anime une émission musicale hebdomadaire sur Radio-Shalom Montréal intitulée “Les faces cachées de la musique juive.”