La pauvreté un grand défi pour Israël

La pauvreté qui touche de plein fouet les franges les plus défavorisées d’Israël est un “fléau” qui constitue “une sérieuse menace” pour l’avenir de l’État hébreu, estime la vice-présidente de la Knesset, la députée du Parti Travailliste Colette Avital.

Ancienne Ambassadrice de l’État d’Israël au Portugal et ex-Consul général d’Israël à New York, Colette Avital, qui préside à la Knesset la Commission de l’Immigration, de l’Intégration et de la Diaspora et la Commission d’enquête sur les conditions de vie des survivants de la Shoah vivant en Israël, a été l’une des invitées de marque du dernier Festival Sépharade de Montréal.

“Aujourd’hui, la sécurité d’un pays ne peut pas être jugée uniquement en fonction de la sécurité extérieure. On ne peut pas parler de la sécurité d’Israël en essayant seulement de bien protéger ses frontières alors qu’il y a toute une population au Sud du pays qui a l’impression, et c’est une impression bien fondée, que le gouvernement ne prend pas les mesures adéquates pour la protéger. Depuis sept ans, cette population aux abois est la cible des roquettes lancées sans répit par le Hamas. À long terme, on ne peut pas maintenir une cohérence dans une société où d’une part, vous avez des jeunes diplômés oeuvrant dans le high-tech qui commencent leur vie professionnelle en gagnant plusieurs centaines de milliers de dollars et d’autre part, à quelques kilomètres de là, vous avez des gens très déshérités qui ne réussissent pas à gagner les 1000 shekels par mois dont ils ont besoin pour nourrir leur famille”, a dit Colette Avital au cours d’une conférence sur les perspectives d’avenir de la société israélienne, qu’elle a prononcée dans le cadre du Festival Sépharade 2008.

Jusqu’à la fin des années 80, Israël était considéré comme la société la plus égalitaire au monde, rappela-t-elle.

“Je ne suis ni communiste, ni une gauchiste extrémiste, mais je crois qu’un pays comme Israël, un pays d’immigration fondé pour être le foyer du peuple juif, où la solidarité devait être l’une des valeurs cardinales, ne peut pas se permettre de laisser se creuser ce fossé social pernicieux, où certains deviennent plus riches tous les jours -je n’ai rien contre la richesse- et où ceux qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts sont de plus en plus nombreux. C’est quelque chose que nous ne pouvons pas tolérer, d’autant plus qu’il y a aujourd’hui en Israël 1.5 millions de pauvres, parmi eux 800000 enfants.”

L’appauvrissement des couches les plus démunies de la société israélienne est la résultante de changements majeurs survenus au niveau socioéconomique sur la scène mondiale et d’une politique néolibérale “sauvage et impitoyable”, mise en oeuvre au début des années 90 par le gouvernement de Benyamin Netanyahou, qui a coupé toutes les allocations sociales aux familles les plus pauvres, précisa-t-elle.

D’après Colette Avital, il y a des moyens pour lutter contre ce phénomène délétère: instaurer une nouvelle politique sociale, qui assurera un salaire minimum mensuel d’au moins 1000 shekels; créer de nouveaux emplois, notamment pour les femmes qui doivent rester à la maison pour s’occuper de leurs enfants, en l’occurrence les femmes juives orthodoxes et les femmes arabes -“il faut donner à ces femmes une formation professionnelle. Il faut créer des garderies pour leur permettre de sortir de leur foyer et d’aller travailler”, suggère fortement Colette Avital.

“1.5 millions de personnes parmi les 7 millions d’Israéliens vivent sous le seuil de la pauvreté -une famille de quatre personnes vivant avec moins de 1000 shekels par mois. 40% des sp

“C’est une honte dans un État juif et dans une société de high-tech et d’abondance”, renchérit-elle.

Elle déplore aussi que des centaines de rescapés de la Shoah, qui perçoivent une pension alimentaire rachitique, vivent aussi sous le seuil de la pauvreté.

“Pour un pays qui a été fondé par les survivants de la Shoah, nombreux d’entre eux ont payé de leur vie durant la guerre d’indépendance d’Israël, la moindre des choses est que l’on assure à ces survivants, aujourd’hui très âgés, une fin de vie dans la dignité.”

D’après Colette Avital, donner de l’espoir aux couches les plus vulnérables de la population, c’est un grand défi social.

“La détresse de ces groupes est un danger beaucoup plus grand que les fusées et les missiles lancés par le Hamas et le Hezbollah.”

En ce qui a trait aux perspectives des négociations de paix israélo-palestiniennes, cette députée travailliste, qui parle couramment le français, estime que le temps ne travaille ni en faveur d’Israël ni en faveur des Palestiniens.

“C’est pour cette raison que, malgré la violence qui sévit à Gaza, les dirigeants israéliens ont décidé de continuer à tabler sur le processus de paix. Il n’y a pas une autre solution. La seule solution ne peut être que politique. Ce qui risque d’arriver aux élections palestiniennes de janvier 2009 si nous ne faisons pas des progrès et si Abou Mazen ne peut pas prouver à la population palestinienne qu’il a réussi à lui apporter de meilleures conditions de vie, c’est que le Hamas prenne aussi le pouvoir en Cisjordanie. Des fusées seront alors facilement lancées à partir de la Judée et Samarie. Le danger qui pèsera alors sur Israël sera encore plus grave. Nous n’avons pas beaucoup de temps et, chose certaine, le temps ne travaille pas en notre faveur…”

En dépit de la fragilité du système politique israélien et des problèmes intérieurs auxquels l’État d’Israël est confronté, Colette Avital est persuadée qu’aujourd’hui une majorité d’Israéliens et une majorité de Palestiniens ont compris qu’un État palestinien viable modéré est “une condition impérative pour assurer la sécurité de l’État d’Israël”.

“Le paradoxe est que si nous voulons assurer la pérennité d’un État juif et démocratique, et nous n’avons plus beaucoup de temps pour le faire, la création d’un État palestinien indépendant est devenue une condition très importante pour la survie d’Israël en ce qui a trait à sécurité et à la préservation du caractère juif de l’État. Pour mener ce genre de politique, il faut du réalisme et du courage. Nous ne sommes qu’à l’aube d’un long processus. Au début nous ne signerons avec les Palestiniens qu’ un accord virtuel sur papier, qui devra être mis en oeuvre lentement, étape par étape. Nous ne sommes qu’au début d’un très long voyage. 60 ans, ce n’est pas un long laps de temps dans un périple ardu dont la destination finale est la paix, la sécurité d’Israël et sa normalisation politique avec ses voisins arabes. Nous, Israéliens, sommes déterminés à parcourir ce chemin parsemé d’embûches. C’est notre dernière chance!”


Knesset Deputy Speaker Colette Avital spoke about the future of Israeli society during Festival Sépharade 2008.