Une entrevue avec le chanteur Enrico Macias

Enrico Macias
Enrico Macias

Depuis plus de cinquante ans, le célèbre chanteur juif d’origine algérienne, Enrico Macias, prône dans ses chansons, avec un enthousiasme débridé, la fraternité et la paix entre les peuples.

Cet ardent ambassadeur de la paix et de la tolérance croit dur comme fer à la réconciliation un jour entre des hommes qui se font la guerre.

“Depuis le début de ma carrière, il y a plus d’un demi-siècle, dans mes salles de spectacle, j’ai l’auguste privilège de voir ce qu’est réellement la paix. Aujourd’hui, ma musique réunit Juifs, Musulmans et Chrétiens, comme à l’époque de l’Andalousie, quand les trois grandes religions monothéistes coexistaient harmonieusement. La paix n’est pas un vœu chimérique, mais une réalité tangible. Il ne faut jamais désespérer”, nous a dit Enrico Macias au cours de l’entrevue qu’il a accordée au Canadian Jewish News depuis Paris.

Résolument optimiste, Enrico Macias a bon espoir que les Israéliens et les Palestiniens se réconcilient dans un futur proche.

“Mon optimisme ne s’est jamais effiloché. Je ne suis pas naïf! Je suis bien conscient que le chemin pour parvenir à une paix équitable et viable entre Israël et les Palestiniens sera rude et semé d’écueils. Mais, surtout, il ne faut pas baisser les bras.”

La paix entre Israël et le monde arabe, Enrico Macias y a toujours cru.

Il n’oubliera jamais l’invitation que le Président égyptien, feu Anouar el-Sadate, lui adressa personnellement en mars 1979 pour le convier à chanter au Festival de la Paix, au pied des pyramides, devant 2000 spectateurs Arabes. Il n’avait pas rechanté dans un pays arabe depuis 1963.

“Le courage homérique de feu Menahem Begin et de feu Anouar el-Sadate doit nous inspirer et nous servir de modèle. Il n’y a pas une autre alternative pour aboutir à la paix. Pour y parvenir, nous devons combattre les extrémistes dans les deux camps, sans complaisance.”

Enrico Macias vient de publier un livre autobiographique très poignant, L’envers du ciel bleu (Éditions Cherche Midi).

Il raconte ses combats insoupçonnés: le deuil du pays perdu, son Algérie natale, qu’il fut contraint de quitter en 1961, à l’instar de plusieurs centaines de milliers de Pieds-Noirs; la France, pays d’exil, à apprivoiser; son amour inconditionnel pour Israël; son effroi face à la résurgence de l’antisémitisme et à la poussée fulgurante du parti politique d’extrême droite, le Front National

Dans l’Envers du ciel bleu, Enrico Macias relate l’histoire d’un homme arborant un perpétuel sourire derrière lequel se cache une inguérissable douleur.

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“Au début du livre, j’ai écrit une lettre qui s’adresse à mes petits-enfants et aussi aux nouvelles générations. C’est une lettre de transmission dans laquelle j’exhorte les jeunes à perpétuer la Mémoire et le riche héritage que nos aïeux nous ont légués. Le legs de nos ancêtres est un repère précieux qui nous permettra de tracer un chemin pour l’avenir rempli de promesses et d’espoir.”

L’une de ses plus profondes blessures intimes qui demeurent toujours béantes est de ne pas avoir pu fouler à nouveau son terroir natal, l’Algérie, pour se recueillir sur les tombes de ses ancêtres.

Il a dû annuler in extremis plusieurs fois son retour en Algérie à cause des menaces dont il a été l’objet de la part de groupes islamistes radicaux.

“J’ai par principe de ne jamais dire jamais parce que seul Dieu décide de ce que nous devons faire. Mais j’ai eu tellement de déceptions qu’à l’âge que j’ai -il fêtera en décembre prochain ses 78 ans-, je ne vois pas quand est-ce que je retournerai en Algérie?”

Il ne cache pas sa “grande inquiétude” face au regain d’antisémitisme que la France connaît depuis le début des années 2000.

“Cette déferlante d’antisémitisme n’est pas un phénomène nouveau. Depuis la Nuit des Temps, les Juifs ont toujours été persécutés, pris en otage et massacrés sauvagement. Il y a eu l’esclavage des hébreux en Égypte, l’Inquisition espagnole, les pogroms antisémites en Europe de l’Est, la Shoah… Nous devons être toujours aux aguets et très vigilants car cette bête immonde qu’est l’antisémitisme sommeille toujours quelque part dans le monde.”

En Algérie, les Juifs étaient pris en tenaille entre les Français d’extrême droite et les Algériens pro-FLNFront de libération nationale de l’Algérie-, rappelle-t-il.

“Les Juifs algériens ne savaient plus où piquer de la tête.”

Aujourd’hui, en France, poursuit-il, les Juifs sont pris entre trois feux: les islamistes, les terroristes djihadistes et l’extrême droite.

“Je n’envisage pas avec pessimisme l’avenir des Juifs en France parce que je suis optimiste de nature. Je suis très content que l’État d’Israël existe parce qu’avant la création d’Israël, les Juifs ne pouvaient pas se défendre. Aujourd’hui, ils peuvent se défendre grâce à Israël.”

Enrico Macias est un Sioniste invétéré qui n’a cure des critiques cinglantes que lui adressent régulièrement ceux qui lui reprochent son “attachement indéfectible” à Israël.

“Mes positions en ce qui a trait à Israël ont toujours été très claires. Je considère que c’est mon devoir, comme le devoir de chaque Juif, de soutenir l’État d’Israël.  Personne ne me fera changer mon engagement à l’égard de mon peuple et d’Israël. Demanderiez-vous à un Français de déchirer son drapeau national? Moi, je suis très proche d’Israël parce que je suis Juif. La Terre d’Israël est un élément constitutif cardinal de l’identité juive. Si les Juifs sont aujourd’hui des êtres libres et marchent avec une grande dignité, la tête haute, c’est grâce à l’État d’Israël, qui est toujours en première ligne pour protéger les Juifs, peu importe où qu’ils se trouvent dans le monde. Ça, les Juifs ne doivent jamais l’oublier.”

Enrico Macias envisage-t-il de quitter la France si Marine Le Pen est élue Présidente en 2017?

“Oui, sans le moindre doute”, répond-il tout de go.

La “supposée dédiabolisation” du Front National ne le convainc point.

“La fille, Marine Le Pen, fait mieux que son père, Jean-Marie Le Pen, mais le fonds de commerce du Front National n’a pas changé.”

Enrico Macias sera bientôt de passage chez nous. Il se produira en spectacle le 20 juin à Québec, le 21 juin à Montréal et le 22 juin à Gatineau.

“J’adore le Québec et le Canada. C’est une terre d’asile et de grande tolérance. Si je dois quitter un jour la France, le Canada est le seul pays où j’envisagerai de m’installer si je ne fais pas mon Aliya.”

Que peut-on souhaiter à Enrico Macias pour les années à venir?

“D’être toujours actif sur la scène musicale, espère-t-il. La musique, c’est mon adrénaline, ma drogue quotidienne. La musique, c’est ma vie, mon univers. Si un jour je devais arrêter de chanter pour des raisons totalement indépendantes de ma volonté, pour des motifs de santé par exemple, on décrétera alors ma première mort!”