L’hommage de la Spanish & Portuguese à Naïm Kattan

De gauche à droite: Edmond Elbaz, Naïm Kattan, Sandra Koukou et James Archibald. (CJN photo)

Fortement ému, c’est dans sa langue maternelle, l’arabe, que l’écrivain montréalais natif de Bagdad, Naïm Kattan, a remercié les dirigeants et les membres de sa synagogue, la Congrégation Spanish & Portuguese, pour l’auguste hommage qu’ils lui ont rendu à l’occasion du vernissage de son portrait, œuvre de l’artiste peintre Sandra Koukou.

Cette dernière a offert le tableau à la Spanish & Portuguese. Il trônera désormais dans l’un des corridors de la plus vieille synagogue du Canada, qui a célébré en 2018 ses 250 ans.

Le portrait de Naïm Kattan réalisé par l’artiste peintre Sandra Koukou. (CJN photo)

“Je vous remercie du fond de mon cœur pour cet hommage et ce beau tableau peint par la talentueuse artiste Sandra Koukou. Je tiens à rappeler que durant toute ma vie j’ai toujours été un Juif de Bagdad, c’est-à-dire un membre du monde entier. Les honneurs qui m’ont été décernés au cours de ma carrière, la reconnaissance de l’Académie française, la Légion d’honneur que la France m’a octroyée… n’ont jamais changé l’homme que j’ai toujours été. Je continue à être un Juif de Bagdad. J’ai toujours affirmé mon judaïsme et n’ai jamais nié ma culture arabe, dont je suis aussi très fier. Quand je suis arrivé au Canada en 1954, je ne connaissais personne. J’ai trouvé mon chemin parce que je n’ai jamais caché que j’étais un Juif de Bagdad. C’est ce qui m’a permis d’être un homme libre”, a dit Naïm Kattan la voix nouée par l’émotion.

Naïm Kattan a encensé l’”œuvre éducative remarquable” de l’Alliance israélite universelle, dont il est le “pur produit”, a-t-il rappelé avec fierté.

“J’ai eu la grande chance d’étudier à l’école de l’Alliance israélite universelle de Bagdad. Une institution de renom qui excellait dans l’enseignement de quatre langues: l’arabe, l’hébreu, le français et l’anglais. C’était certainement la meilleure école de langue arabe de Bagdad.”

Edmond Elbaz, président de la Congrégation Spanish & Portuguese, a rendu un vibrant hommage à Naïm Kattan, dont il a souligné particulièrement le talent d’écrivain et l’importante contribution à la littérature québécoise et canadienne de langue française.

“Je tiens à saluer l’œuvre importante de Naïm Kattan, l’ami de toujours, l’homme de lettres, le romancier, l’essayiste, le nouvelliste et surtout le grand humaniste. Je tiens à redire toute l’affection et l’amitié que nous lui portons. L’écrivain québécois Michel Fournier disait: “l’exil, qui détruit les faibles, est une source d’enrichissement pour les forts”. Cette citation est doublement vraie en ce qui concerne Naïm. Dans son livre phare, Adieu Babylone, Mémoires d’un Juif d’Irak, Naïm évoque le Bagdad multiculturel où il a grandi, au sein duquel des communautés de diverses origines culturelles coexistaient. Un monde bigarré révolu. Ces Mémoires pleins de vie et d’intelligence, publiés il y a 30 ans, ont pris aujourd’hui une densité tout à fait singulière à travers l’ampleur de l’antisémitisme et le rejet de l’Autre.”

Le professeur James Archibald de l’Université McGill, ancien président de la Congrégation Spanish & Portuguese, a rappelé le rôle déterminant que l’Alliance israélite universelle a joué dans la vie et la formation intellectuelle de Naïm Kattan.

“L’une des premières écoles ouvertes par l’Alliance israélite universelle au Moyen-Orient a été celle de Bagdad. C’est dans cette institution scolaire que Naïm a appris le français. À l’Alliance israélite universelle, l’enseignement avait comme motif de base un principe très simple qui a guidé Naïm toute sa vie: apprendre à se cultiver et à se civiliser tout en apprenant l’hébreu et la Torah. C’est-à-dire, être fidèle à son judaïsme tout en s’intégrant pleinement dans la société dans laquelle on vit. La culture que lui a transmise l’Alliance israélite universelle et celle que lui a léguée la communauté juive de Bagdad constituent les deux influences majeures qui ont forgé la personnalité et l’humanisme de Naïm, dont nous sommes les bénéficiaires aujourd’hui.”

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L’artiste peintre Sandra Koukou a remercié Naïm Kattan pour son engagement communautaire, son humanisme et l’encouragement sans faille qu’il lui a prodigué pour publier les Mémoires de son père.

“J’espère que nous continuerons à être inspirés par le livre de mon père et par les histoires puissantes que Naïm nous a offertes dans plus de 50 livres parce que ces voix nous rappellent la noblesse de l’héritage dont nous sommes les légataires. Elles honorent la façon dont nous sommes attachés à notre Créateur et acceptons notre alliance avec Lui, sans nous poser de questions (…).  Lire Naïm Kattan, c’est se connecter au génie du judaïsme, ligne par ligne, mot par mot.”

Après le vernissage, on a projeté le film La longueur de l’alphabet, réalisé par Joe Balass, retraçant les principaux moments de la vie et de la carrière littéraire de Naïm Kattan.

La veille de cet événement, Naïm Kattan était à Ottawa pour assister à la présentation, dans un théâtre jouxtant l’Université d’Ottawa, de sa pièce Les protagonistes.

Naïm Kattan est l’auteur d’une cinquantaine d’ouvrages — romans, nouvelles, essais et pièces de théâtre —, traduits dans plusieurs langues.

En 2004, pour couronner l’ensemble de sa carrière et son œuvre littéraire, le gouvernement du Québec lui a décerné sa plus haute distinction dans le domaine culturel, le prestigieux prix Athanase-David. En 2006, l’Université Concordia lui a remis un doctorat honoris causa pour souligner sa contribution exceptionnelle à la société québécoise à titre de romancier, d’essayiste et de critique littéraire. En 2007, il a été le premier récipiendaire du prix Hervé-Deluen, institué par décision de l’Académie Française pour récompenser un créateur culturel pour sa défense du français comme langue internationale.

Naïm Kattan, qui aura 91 ans cet été, publiera l’automne prochain un nouveau roman.