Rencontre avec le député libéral Anthony Housefather

Anthony Housefather

Anthony Housefather est un politicien chevronné, charismatique et pugnace.

Ancien conseiller municipal de Hampstead et de Côte Saint-Luc de 1994 à 2006 et maire de Côte Saint-Luc de 2006 à 2015, il a à son actif un parcours politique marquant.

Le 21 octobre prochain, il briguera une seconde fois le siège de député libéral de la circonscription de Mont-Royal, qu’il occupe depuis 2015.

Nous l’avons rencontré au Centre communautaire et aquatique de Côte Saint-Luc où il a annoncé l’octroi d’une subvention de 922 025 $ au programme de soins aux personnes atteintes de démence du Centre Cummings pour aînés.

La circonscription de Mont-Royal, dont vous êtes le député, est depuis près de 80 ans un bastion indétrônable du Parti libéral du Canada. Ça vous rassure?

C’est ma 8e campagne électorale. Jusque-là, je n’ai jamais perdu une élection. C’est la seconde fois que je brigue le siège de député du comté de Mont-Royal. Je ne prends jamais rien pour acquis. C’est pourquoi je travaille toujours avec acharnement au cours d’une élection. Je suis un homme de terrain très à l’écoute des résidents de ma circonscription, que je suis très fier de représenter au Parlement d’Ottawa.

Quel est votre principal atout dans cette campagne électorale?

Ma principale force ce sont les nombreuses réalisations que j’ai accomplies durant mes mandats politiques. Du concret! Quand j’étais maire de Côte Saint-Luc, j’ai travaillé étroitement avec Lawrence Bergman, qui était alors le député provincial de la circonscription de D’Arcy-McGee, afin de trouver les fonds pour bâtir le Centre communautaire et aquatique de cette ville. Quand j’étais conseiller municipal à Hampstead, j’ai œuvré d’arrache-pied pour qu’on construise une somptueuse piscine dans le parc de cette ville. La défusion de Côte Saint-Luc, de Hampstead et de Montréal-Ouest de la ville de Montréal est le fruit de ma vision. En effet, elle a été mise en branle après que j’aie décidé de quitter l’équipe du maire Gérald Tremblay. À cette époque, j’étais le seul conseiller d’arrondissement qui militait avec une conviction inébranlable pour la défusion de ces villes. À la Chambre des communes à Ottawa, le député libéral Michael Levitt et moi sommes montés au créneau pour dénoncer la montée de l’antisémitisme au Canada et en Occident. Le gouvernement de Justin Trudeau a accepté la définition de l’antisémitisme de l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA). En tant que président du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes à Ottawa, j’ai piloté plusieurs dossiers importants, dont l’adoption d’une loi visant à protéger les Canadiens contre les discriminations génétiques… Je suis très fier de toutes ces réalisations.

Les dirigeants et les membres du Parti conservateur du Canada ne sont pas les seuls à reprocher au gouvernement Trudeau un manque d’éthique dans la gestion de certaines affaires gouvernementales, particulièrement dans le controversé dossier SNC-Lavalin. Ce grief aura-t-il des incidences négatives sur votre parti lors de cette élection?

Toutes sortes de choses peuvent avoir un impact sur une élection. Mais je peux vous assurer que le dossier auquel vous faites allusion, c’est du passé. En tout cas, ce n’est pas une préoccupation pour les habitants de mon comté que je rencontre quotidiennement. Quand je fais du porte-à-porte, je constate que ce qui les préoccupe en premier lieu, c’est l’économie. Les jeunes, particulièrement, sont très concernés par les questions environnementales et de plus en plus préoccupés par l’avenir de notre planète.

Quels sont les principaux enjeux de cette élection?

Sans le moindre doute, l’économie et l’environnement. Le bilan économique du gouvernement de Justin Trudeau est des plus positifs. Le Québec a le plus bas taux de chômage depuis les années 70, soit 4,9 %. En 2015, le taux de chômage était de 8 %. Depuis, au Canada, plus d’un million d’emplois ont été créés. Aujourd’hui, les jeunes trouvent aisément un travail après avoir fini leurs études. Les politiques économiques mises en œuvre par le gouvernement libéral ont porté leurs fruits. Les Canadiens en sont bien conscients.

Vos adversaires politiques reprochent au gouvernement Trudeau d’avoir accumulé des déficits astronomiques.

Cette critique n’est pas du tout fondée. Le gouvernement de Justin Trudeau a été félicité par le Fonds monétaire international (FMI) pour son programme économique. Il est vrai que pour relancer l’économie, nous avons accumulé, ces 4 dernières années, un déficit se situant entre 10 et 20 milliards de dollars. Il faut rappeler que durant ses 9 années au pouvoir, le gouvernement de Stephen Harper a aussi enregistré des déficits. Ce que les économistes analysent en premier lieu, c’est le ratio dette nationale/PNB (Produit national brut). Or, sous la gouverne du Parti libéral du Canada, ce ratio a été ramené de 31 % à 29 %. Il n’y a aucun doute que la situation économique du Canada en 2019 est bien meilleure que celle qui prévalait en 2015. Je suis quelqu’un de très prudent en matière fiscale. Je considère que le gouvernement canadien doit avoir aussi un plan économique à moyen terme afin de mieux pouvoir faire face aux soubresauts, souvent inattendus, de l’économie mondiale. C’est pourquoi je milite en faveur de l’adoption d’un tel plan au sein du caucus libéral.

Quelles ont été les principales réalisations de votre gouvernement en matière d’environnement?

L’environnement est un domaine crucial pour l’avenir de l’humanité et de notre planète dans lequel le gouvernement de Justin Trudeau s’est pleinement investi ces quatre dernières années. C’est une question qui préoccupe beaucoup les Canadiens et les Canadiennes. Sous la gouverne des libéraux, le Canada été un pays leader en matière de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique. En 2015, nous avons joué un rôle majeur dans l’élaboration et l’adoption de l’accord de Paris sur le climat. Nous nous sommes fixé des niveaux de diminution des émissions de gaz à effet de serre à atteindre avant 2032. Nous avons imposé un prix sur la pollution aux provinces qui n’ont pas encore un plan concret pour combattre celle-ci. Ce n’est pas le cas du Québec qui est à l’avant-garde dans ce domaine. Nous avons pris des mesures pour rendre moins polluantes les industries du charbon et de l’acier. Nous avons aussi adopté de nouvelles mesures pour réduire les déchets plastiques et promouvoir des produits de substitution abordables et sécuritaires. Nous avons protégé plus d’océans et de parcs naturels que tout autre gouvernement dans l’histoire du Canada. La question de l’environnement est capitale pour les jeunes Canadiens âgés de moins de 25 ans qui sont de plus en plus nombreux à se mobiliser pour celui-ci. C’est aussi la première préoccupation de beaucoup de jeunes juifs canadiens.

Quelle est la position de votre parti sur l’immigration?

Il y a dans le monde des pays où les immigrants sont stigmatisés et où on encourage les gens à croire que ceux-ci sont des citoyens de seconde classe ou représentent un danger pour la nation. Je crois fortement qu’un citoyen canadien est un citoyen canadien, peu importe qu’il soit né au Canada ou ailleurs. Tous les citoyens de notre pays sont égaux. Pour moi, l’immigration est une force et non une faiblesse. Avec le vieillissement de la population canadienne et dans un contexte de quasi plein emploi, l’immigration est une nécessité pour notre économie. Il est important de ne pas confondre immigration et statut de réfugié, celui-ci étant régi par des accords internationaux que le Canada se doit de respecter.

Je crois que le nombre d’immigrants que le Canada a accueilli ces dernières années est correct. Mais nous devons prendre toutes les dispositions nécessaires pour faciliter l’intégration sociale et économique des nouveaux arrivants, tout en assurant le bien-être et la sécurité des Canadiens. Cela signifie que nous devons sélectionner les immigrants de la catégorie “économique” qui contribueront le mieux à l’économie canadienne et nous assurer que nous mettrons en œuvre promptement le processus visant la réunification familiale quand celle-ci est demandée.

Vos adversaires conservateurs reprochent au gouvernement Trudeau d’être pusillanime à l’ONU quand Israël est fustigé injustement. Que leur répondez-vous?

Cette critique acerbe n’est pas du tout fondée. Durant la campagne électorale de 2015, lors d’un débat qui a eu lieu à la Congrégation Spanish & Portuguese, le candidat du Parti conservateur du Canada, Robert Libman, avait déclaré qu’un gouvernement libéral n’appuierait pas Israël à l’ONU. Sa prédiction s’est avérée fausse. En effet, depuis 2015, le gouvernement libéral de Justin Trudeau a voté contre 89 % des résolutions de l’ONU ciblant Israël et s’est abstenu lors du vote des autres motions sur le conflit israélo-palestinien. Ces données peuvent être vérifiées dans les archives consignées à la Bibliothèque du Parlement à Ottawa. Les États-Unis ont voté contre 90 % des résolutions onusiennes concernant Israël. Durant ses 9 ans au pouvoir, le gouvernement de Stephen Harper a voté contre 64 % des résolutions de l’ONU relatives à Israël. En ce qui a trait aux votes à l’ONU ciblant Israël, le bilan du gouvernement libéral est bien meilleur que celui du Parti conservateur de Stephen Harper et de n’importe quel autre gouvernement au monde, à l’exception de celui des États-Unis. Je suis très fier de ce record. J’ai appelé à plusieurs reprises notre ambassadeur à l’ONU, Marc-André Blanchard, et été en contact permanent avec notre ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, et les membres de son équipe pour m’assurer que lors de chaque vote à l’ONU le Canada soit du côté d’Israël. À l’ONU, le gouvernement de Justin Trudeau a prodigué à Israël un appui quasi inconditionnel. Il faut aussi rappeler que c’est durant le premier mandat de notre gouvernement que le Canada et Israël ont signé un nouvel accord de libre-échange économique, que le Parlement canadien a adopté une résolution condamnant vigoureusement la campagne BDS — prônant le boycott, les désinvestissements et des sanctions contre Israël. L’État hébreu a toujours été un pays ami et un grand allié du Canada.

Le chef du Parti conservateur, Andrew Scheer, a annoncé que s’il est élu le 21 octobre prochain, il donnera rapidement des directives pour que l’ambassade canadienne en Israël soit transférée de Tel-Aviv à Jérusalem. Quelle est la position de votre parti sur la sensible question de Jérusalem?

Comme l’a souvent rappelé la ministre Chrystia Freeland, Jérusalem est au centre de la vie du peuple juif et du judaïsme. On comprend que la communauté juive canadienne soit peinée que le Canada n’ait pas encore reconnu Jérusalem comme la capitale officielle d’Israël. Très peu de pays l’ont fait jusqu’ici. C’est certainement un dossier important dans lequel je compte m’investir lors d’un prochain mandat.

La question de l’avortement semble être un enjeu électoral de taille pour votre parti. Pourquoi?

Le droit à l’avortement est une question de fond pour laquelle je suis déterminé à me battre fougueusement. Je suis entré en politique parce que j’appuie inconditionnellement la Charte des droits et libertés. J’ai toujours été opposé aux politiques gouvernementales qui briment les droits élémentaires des citoyens ou des groupes minoritaires. Par exemple, les politiques incongrues qui bafouent les droits des anglophones du Québec ou des francophones dans les autres provinces du Canada. C’est clair que pour moi le droit à l’avortement est un droit primordial. Je tiens à rappeler que lorsqu’il était député, Andrew Scheer était contre l’avortement. Il avait alors promis aux opposants à l’avortement qui l’appuyaient que s’il était élu chef du Parti conservateur du Canada, il autoriserait des votes contre l’avortement. C’est-à-dire qu’un député d’arrière-ban pourrait proposer un projet de loi visant à prohiber à une femme l’arrêt de sa grossesse. Il permettrait un votre libre sur cette délicate question aux membres du caucus conservateur, y compris aux membres de son cabinet. Je trouve ça vraiment déplorable. Moi, je ne veux pas vivre dans un pays qui interdit l’avortement ou le mariage gay car, à mes yeux, ce sont des droits humains fondamentaux.

La question controversée de la loi sur la laïcité de l’État québécois sera-t-elle abordée au cours de cette campagne électorale?

J’ai toujours dit que je prendrai position même sur des dossiers provinciaux sulfureux qui bafouent les droits des résidents de ma circonscription. Mont-Royal est un comté multiethnique où cohabitent une cinquantaine de communautés. Je suis opposé à la loi sur la laïcité de l’État adoptée dernièrement par le gouvernement de la CAQ parce que je considère qu’elle va à l’encontre la Charte des droits et libertés de la personne et à l’encontre de la liberté de religion. Au Parti conservateur du Canada, Alain Rayes, lieutenant politique pour le Québec, est favorable à la loi sur la laïcité. Andrew Scheer dit qu’il est contre cette loi, mais qu’il n’abordera pas cette question pendant la campagne électorale parce qu’il estime qu’il s’agit d’une initiative strictement provinciale. Le Parti libéral du Canada estime que ce n’est pas un dossier qui concerne uniquement les Québécois. Je crois qu’il est important d’en parler dans cette élection.