‘Les jeunes Israéliens ne croient plus à la paix’

“Mes recherches et mes livres n’ont jamais eu pour but de souiller la Mémoire des Israéliens mais, au contraire, de ramener une épopée humaine à hauteur d’homme”, lance en entrevue, depuis sa résidence de Jérusalem, le réputé historien et journaliste israélien Tom Segev, chef de file des “nouveaux historiens” de l’État hébreu.

Né en 1945, à Jérusalem, de parents natifs d’Allemagne, survivants de la Shoah, Tom Segev est l’auteur d’une vingtaine de livres sur l’Histoire d’Israël. Des ouvrages de référence incontournables, traduits dans trente-cinq langues, devenus en Israël des best-sellers et l’objet de vifs débats de société. Notamment: Les Premiers Israéliens (traduit en français par les Éditions Calmann-Lévy, 1998); C’était en Palestine au temps des coquelicots (Éditions Liana Levi, 2000); Le Septième million. Les Israéliens et la Shoah (Éditions Liana Levi, 2003)…Son dernier livre: 1967. Six Jours qui ont changé le monde (Éditions Denoël). Un récit majeur et très captivant de la guerre israélo-arabe de 1967, narré à partir des informations inédites puisées dans une myriade de documents, de comptes rendus de rencontres ministérielles, de mémos administratifs internes, jusqu’alors inaccessibles, de lettres personnelles adressées par des Israéliens à leurs familles vivant dans la Diaspora durant ces journées angoissantes de juin 1967… que Tom Segev a dénichés au cours des cinq années de recherches intensives dans lesquelles il s’est entièrement investi pour écrire ce livre.

Ce chercheur iconoclaste prépare actuellement une biographie de Simon Wiesenthal, à partir des archives léguées par le célèbre chasseur de nazis.

“Israël est l’une des success stories les plus spectaculaires du XXe siècle. Aujourd’hui, les Israéliens sont un peuple fort et suffisamment mature intellectuellement pour assumer avec lucidité leur passé”, renchérit cet intellectuel Sabra placide et inébranlable.

Canadian Jewish News: “Nous sommes toujours en 1967”, affirmez-vous dans le livre que vous avez consacré à la Guerre des Six Jours.

Tom Segev: J’ai l’impression que le conflit israélo-arabe est éternel, que l’histoire de ce contentieux inextricable ne cesse de se répéter. Force est de rappeler que depuis 1967, les Israéliens n’ont pas progressé d’un pouce vers la paix avec les Palestiniens. Depuis la Guerre des Six Jours, l’occupation par Israël de la Cisjordanie et de Gaza s’est avérée une aventure nationale désastreuse, qui a eu des conséquences délétères sur la société israélienne. À mon avis, nous, Israéliens, sommes toujours en 1967: mêmes problèmes, mêmes débats.

C.J.N.: Vous dites que rien n’a changé depuis 1967. Pourtant, depuis cette année charnière, Israël a signé des accords de paix avec deux importants pays arabes, l’Égypte et la Jordanie, et reconnu officiellement l’O.L.P. Ce ne sont quand même pas des broutilles!

T. Segev: Il ne faut pas rêver en couleurs. Les questions très épineuses de l’occupation de la Cisjordanie, du statut politique de Jérusalem et des réfugiés palestiniens sont des problèmes insolubles. Les Palestiniens exigent le retour d’Israël aux frontières de 1967. Les Israéliens sont prêts à évacuer des pans importants de la Cisjordanie, mais ils ne restitueront jamais les terroirs où ils ont édifié, à coups de dizaines de milliards de dollars, des grands blocs de colonies. Comment évacuer une ville comme Ariel, où vivent plusieurs milliers d’Israéliens? Ce n’est pas un scénario réaliste.

La situation actuelle est catastrophique. Pendant que le Hamas est en train d’ériger un État islamiste et totalitaire à Gaza et continue impunément à lancer des roquettes contre les villes israéliennes situées à proximité de cette enclave palestinienne surpeuplée et aux abois, Ehoud Olmert veut nous faire croire qu’il est capable de conclure un accord de paix avec le président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, dont la cote de popularité est au plus bas dans l’opinion publique palestinienne. Or, ce dernier est incapable de neutraliser les factions radicales du Hamas et de rétablir l’ordre dans ce grand enfer chaotique qu’est devenue Gaza. Aux yeux d’une majorité d’Israéliens, Mahmoud Abbas n’est plus un interlocuteur crédible.

C.J.N.: Donc, vous excluez catégoriquement dans un futur proche une entente négociée entre Israéliens et Palestiniens?

T. Segev: J’appartiens à une génération qui croyait à la paix. La différence entre nous -dans ce “nous”, j’inclus les membres de la gauche pacifiste israélienne- et la nouvelle génération d’Israéliens, c’est que les jeunes ne croient plus à la paix. C’est une génération moins idéaliste, mais plus pragmatique, qui ne croit pas en une paix viable avec les Palestiniens, mais croit par contre en la gestion de ce conflit. Les jeunes Israéliens sont convaincus, moi aussi d’ailleurs, que la paix n’est pas un objectif accessible dans un futur raisonnable, mais qu’une gestion pragmatique du conflit pourra rendre la vie plus supportable à la prochaine génération d’Israéliens.

C.J.N.: À la veille de commémorer ses soixante ans d’existence, quel regard portez-vous sur l’État d’Israël de ce début du XXIe siècle?

T. Segev: Je suis beaucoup moins optimiste aujourd’hui que quand j’étais jeune. L’occupation des Territoires palestiniens est une gangrène qui a profondément divisé la société israélienne. D’un autre côté, en l’espace de soixante ans, les Israéliens ont bâti un pays moderne et très dynamique, qui excelle dans de nombreux domaines -le high-tech, la recherche médicale et scientifique, l’industrie aéronautique, l’agriculture… La société israélienne de 2008, bruyante et très colorée, est une mosaïque multiculturelle bouillonnante. Israël abrite déjà la première Communauté juive du monde. C’est une preuve tangible de l’accomplissement de l’idéal sioniste. Israël est l’une des success stories les plus spectaculaires du XXe siècle. C’est un pays fascinant. Je ne pourrai vivre nulle part ailleurs.

Mais, le temps joue contre les Israéliens. Si nous ne trouvons pas une manière de vivre plus harmonieusement avec nos voisins arabes, je crois que nous nous acheminons versun futur encore plus incertain et noir que la situation, déjà très morose, dans laquelle nous sommes empêtrés aujourd’hui. Chose certaine, nous n’avons plus tout le temps du monde devant nous. La majorité juive d’Israël est une minorité dans ce grand océan arabe qu’est le Moyen-Orient.

Depuis la désastreuse guerre au Liban de l’été 2006, les Israéliens ont compris une chose: la force militaire a des limites. Ce qui m’a frappé au cours de cette guerre, des plus inutiles, au Liban, c’est, plus que l’inanité d’Ehoud Olmert, certainement le pire Premier ministre de l’Histoire d’Israël, le fait que Tsahal ne sait plus faire la guerre. Aujourd’hui, les Israéliens réalisent abasourdis, et avec tristesse, que le principal symbole national d’Israël s’étiole. C’est un coup très dur pour nous.

C.J.N.: Que signifie pour vous le “postsionisme”?

T. Segev: Le “postsionisme” n’est pas une idéologie, c’est un état de fait, fondé sur une donnée nouvelle: l’existence d’Israël est garantie. Terrorisme oblige, les citoyens israéliens peuvent se sentir en danger, mais l’État israélien, lui, ne l’est pas. Pour preuve: nous avons la capacité opérationnelle et les moyens militaires pour répondre coriacement aux provocations antisémites du président iranien, Mahmoud Ahmadinejad.

C. J. N.: L’État d’Israël n’a-t-il pas substitué progressivement l’idéologie égalitariste des fondateurs du Sionisme par une idéologie plus libérale et individualiste?

T. Segev: Oui, malheureusement. Aujourd’hui, les Israéliens sont moins compatissants envers leurs concitoyens les plus pauvres. La solidarité sociale, socle de l’Israël socialiste et égalitaire rêvé par les pères bâtisseurs de l’État juif, s’est beaucoup amenuisée. Est-ce normal que dans une société high-tech, qui compte de plus en plus de millionnaires, les “soupes populaires” pour les plus nécessiteux soient devenues monnaie courante? Non, ce n’est pas normal dans un petit pays de moins de sept millions d’habitants, qui connaît une croissance économique annuelle de l’ordre de 5%, fortement enviée par les pays industrialisés de l’O.C.D.E.

La situation inacceptable des survivants de la Shoah, obligés de manifester dans la rue, en arborant le sinistre pyjama rayé qu’ils portaient dans les camps d’extermination nazis, pour que le gouvernement d’Ehoud Olmert écoute leurs doléances -ils ne demandent qu’une augmentation de la pension mensuelle rachitique qu’ils perçoivent- est un autre cas consternant et honteux.

Il est temps que les Israéliens arrêtent pendant quelques minutes leur horloge du temps et se regardent devant un miroir pour se demander: “Qu’est-ce qui ne va pas dans notre société?” Israël paye chèrement aujourd’hui le prix de l’“américanisation” de sa société.

C.J.N.: L’“américanisation” de la société israélienne vous inquiète-t-elle?

T. Segev: En 2003, j’ai écrit un livre sur cette question -Elvis in Jerusalem. Post-Zionism and the Americanization of Israel. Depuis le début des années 90, la société israélienne s’est “américanisée” à une allure effrénée. Les Israéliens ont “importé” des États-Unis des bonnes choses et des valeurs sociales bénéfiques: l’industrie du high-tech, l’efficience organisationnelle, le pragmatisme, l’esprit de tolérance, le respect des droits de l’homme… S’inspirant d’un jugement historique rendu jadis aux États-Unis au nom de la lutte contre la ségrégation raciale, la Cour suprême d’Israël a banni tous les stratagèmes qui, de facto, empêchaient un Arabe israélien d’acheter un terrain n’importe où dans le pays. Un verdict plus postsioniste, ça n’existe pas!

Mais, les Israéliens ont aussi emprunté aux Américains des choses qui ont eu une des répercussions très négatives sur les couches les plus défavorisées de la population: des politiques néolibérales capitalistes sauvages, qui ont appauvri les plus pauvres et enrichi les plus riches; l’individualisme; la quête désespérée du profit…

Israël a peu à peu substitué ses racines européennes et son ouverture au monde par un lien exclusif avec les États-Unis.

C.J.N.: Le terme de “nouveaux historiens” vous fait sourire. Pourquoi?

T. Segev: L’épithète de “nouveaux historiens” nous a été accolée il y a plus de vingt ans par des intellectuels français. Comme vous le savez probablement, les Français adorent conférer des “étiquettes idéologiques” à des groupes universitaires ou intellectuels. Mais, ceux qu’on désigne comme les “nouveaux historiens” israéliens, sont aujourd’hui des “vieux historiens”, âgés de 60 ans ou 70 ans.

Tout a commencé, au début des années 80, avec l’ouverture des archives de l’État d’Israël. Un groupe d’historiens et de journalistes commencèrent alors à éplucher ces archives. Israël a une politique relativement libérale en matière d’accès aux archives officielles. Pour moi, cette politique n’est pas suffisamment libérale, bien qu’elle soit beaucoup plus libérale qu’en France et qu’aux États-Unis.

Les prétendus “nouveaux historiens” sont en fait les “premiers historiens” d’Israël. Ils ont travaillé sur un matériau inexploré. Jusqu’alors, l’Histoire un futur encore plus incertain et noir que la situation, déjà très morose, dans laquelle nous sommes empêtrés aujourd’hui. Chose certaine, nous n’avons plus tout le temps du monde devant nous. La majorité juive d’Israël est une minorité dans ce grand océan arabe qu’est le Moyen-Orient.

Depuis la désastreuse guerre au Liban de l’été 2006, les Israéliens ont compris une chose: la force militaire a des limites. Ce qui m’a frappé au cours de cette guerre, des plus inutiles, au Liban, c’est, plus que l’inanité d’Ehoud Olmert, certainement le pire Premier ministre de l’Histoire d’Israël, le fait que Tsahal ne sait plus faire la guerre. Aujourd’hui, les Israéliens réalisent abasourdis, et avec tristesse, que le principal symbole national d’Israël s’étiole. C’est un coup très dur pour nous.

C.J.N.: Que signifie pour vous le “postsionisme”?

T. Segev: Le “postsionisme” n’est pas une idéologie, c’est un état de fait, fondé sur une donnée nouvelle: l’existence d’Israël est garantie. Terrorisme oblige, les citoyens israéliens peuvent se sentir en danger, mais l’État israélien, lui, ne l’est pas. Pour preuve: nous avons la capacité opérationnelle et les moyens militaires pour répondre coriacement aux provocations antisémites du président iranien, Mahmoud Ahmadinejad.

C. J. N.: L’État d’Israël n’a-t-il pas substitué progressivement l’idéologie égalitariste des fondateurs du Sionisme par une idéologie plus libérale et individualiste?

T. Segev: Oui, malheureusement. Aujourd’hui, les Israéliens sont moins compatissants envers leurs concitoyens les plus pauvres. La solidarité sociale, socle de l’Israël socialiste et égalitaire rêvé par les pères bâtisseurs de l’État juif, s’est beaucoup amenuisée. Est-ce normal que dans une société high-tech, qui compte de plus en plus de millionnaires, les “soupes populaires” pour les plus nécessiteux soient devenues monnaie courante? Non, ce n’est pas normal dans un petit pays de moins de sept millions d’habitants, qui connaît une croissance économique annuelle de l’ordre de 5%, fortement enviée par les pays industrialisés de l’O.C.D.E.

La situation inacceptable des survivants de la Shoah, obligés de manifester dans la rue, en arborant le sinistre pyjama rayé qu’ils portaient dans les camps d’extermination nazis, pour que le gouvernement d’Ehoud Olmert écoute leurs doléances -ils ne demandent qu’une augmentation de la pension mensuelle rachitique qu’ils perçoivent- est un autre cas consternant et honteux.

Il est temps que les Israéliens arrêtent pendant quelques minutes leur horloge du temps et se regardent devant un miroir pour se demander: “Qu’est-ce qui ne va pas dans notre société?” Israël paye chèrement aujourd’hui le prix de l’“américanisation” de sa société.

C.J.N.: L’“américanisation” de la société israélienne vous inquiète-t-elle?

T. Segev: En 2003, j’ai écrit un livre sur cette question -Elvis in Jerusalem. Post-Zionism and the Americanization of Israel. Depuis le début des années 90, la société israélienne s’est “américanisée” à une allure effrénée. Les Israéliens ont “importé” des États-Unis des bonnes choses et des valeurs sociales bénéfiques: l’industrie du high-tech, l’efficience organisationnelle, le pragmatisme, l’esprit de tolérance, le respect des droits de l’homme… S’inspirant d’un jugement historique rendu jadis aux États-Unis au nom de la lutte contre la ségrégation raciale, la Cour suprême d’Israël a banni tous les stratagèmes qui, de facto, empêchaient un Arabe israélien d’acheter un terrain n’importe où dans le pays. Un verdict plus postsioniste, ça n’existe pas!

Mais, les Israéliens ont aussi emprunté aux Américains des choses qui ont eu une des répercussions très négatives sur les couches les plus défavorisées de la population: des politiques néolibérales capitalistes sauvages, qui ont appauvri les plus pauvres et enrichi les plus riches; l’individualisme; la quête désespérée du profit…

Israël a peu à peu substitué ses racines européennes et son ouverture au monde par un lien exclusif avec les États-Unis.

C.J.N.: Le terme de “nouveaux historiens” vous fait sourire. Pourquoi?

T. Segev: L’épithète de “nouveaux historiens” nous a été accolée il y a plus de vingt ans par des intellectuels français. Comme vous le savez probablement, les Français adorent conférer des “étiquettes idéologiques” à des groupes universitaires ou intellectuels. Mais, ceux qu’on désigne comme les “nouveaux historiens” israéliens, sont aujourd’hui des “vieux historiens”, âgés de 60 ans ou 70 ans.

Tout a commencé, au début des années 80, avec l’ouverture des archives de l’État d’Israël. Un groupe d’historiens et de journalistes commencèrent alors à éplucher ces archives. Israël a une politique relativement libérale en matière d’accès aux archives officielles. Pour moi, cette politique n’est pas suffisamment libérale, bien qu’elle soit beaucoup plus libérale qu’en France et qu’aux États-Unis.

Les prétendus “nouveaux historiens” sont en fait les “premiers historiens” d’Israël. Ils ont travaillé sur un matériau inexploré. Jusqu’alors, l’Histoire d’Israël n’était l’objet d’aucune recherche rigoureuse. Il n’y avait pas en Israël une “vraie” Histoire, mais seulement une idéologie, une mythologie et un endoctrinement politique. L’axiome de base des travaux des “nouveaux historiens” est: “notre passé est moins noble, moins héroïque que ne le veut la version des pères fondateurs de l’État juif”. Ce n’est pas une “honte”, ni un “crime de lèse-majesté”, comme certains ne cessent de le claironner. Aucune grande nation, ni les États-Unis, ni la France, ni l’Angleterre, ni l’Allemagne, ni l’ex-Union soviétique… n’a été bâtie avec un “passé noble, vierge et irréprochable”. Cette démarche de vérité, saine et légitime, rend les Israéliens plus forts. Après seulement soixante ans d’existence, les Israéliens ont beaucoup plus de maturité politique et sociale que des peuples, vieux de plusieurs millénaires, qui refusent toujours d’affronter lucidement leur passé.

C.J.N.: Mais les travaux des “nouveaux” historiens ne sont-ils pas préjudiciables à l’image d’Israël à l’étranger?

T. Segev: Les controverses que suscitent les ouvrages des “nouveaux historiens” israéliens nous obligent à une rigueur extrême. Mes bouquins sont truffés de centaines de notes en bas de page. Cette critique, que je considère des plus ineptes, ne m’a jamais affecté. À l’ère de l’Internet et de la mondialisation, ce qu’on écrit dans une langue est lu quasi instantanément par des dizaines de milliers d’internautes dans d’autres langues. Ce n’est sûrement pas ce grief qui m’incitera à changer radicalement mes méthodes de travail et de recherche.

C.J.N.: Ces travaux sont souvent instrumentalisés à des fins politiques par les détracteurs d’Israël. En êtes-vous conscient?

T. Segev: Que mes travaux et mes livres soient lus par des ennemis d’Israël, c’est inévitable, je n’y peux rien.

J’aimerais qu’on m’explique ce que signifie “être pro-Israël”? Quand je présente mes livres aux États-Unis, des Juifs américains “ultra-Sionistes” me traitent d’“anti-Israël” parce que, d’après eux, je “critique fougueusement” Ehoud Olmert et son gouvernement. Je leur réponds alors, souvent avec une pointe d’ironie: “Mes chers amis, en Israël, critiquer Ehoud Olmert, ce n’est pas être “anti-Israël”, mais, au contraire, c’est être “pro-Israël”!”

Il faut arrêter d’identifier systématiquement l’État d’Israël au gouvernement au pouvoir à Jérusalem. Des dizaines de millions d’Américains critiquent aujourd’hui avec véhémence le président George Bush. Pourtant, personne n’oserait les qualifier d’“anti-Amérique”!

C.J.N.: On a quand même l’impression que les travaux de recherche des “nouveaux historiens” israéliens confèrent un label de “légitimité” aux attaques intempestives, souvent très antisémites, proférées par les contempteurs d’Israël.

T. Segev: Les livres des “nouveaux historiens” jettent simplement un nouveau regard sur les versions officielles de l’Histoire établies au fil des années par l’establishment politique israélien. Ces travaux suscitent des controverses houleuses parce qu’en Israël l’Histoire est une discipline très sensible dû au fait que l’État d’Israël a été fondé sur une certaine interprétation de l’Histoire juive.

Certains considèrent les travaux des “nouveaux historiens” comme un terrible danger pour Israël. Qu’ils se détrompent! Les Israéliens sont aujourd’hui un peuple fort et suffisamment mature intellectuellement pour établir une distinction entre une “vérité historique” et un “mythe historique”. Il était grand temps de sortir de l’ombre les tabous et de décaper les mythes les plus tenaces de l’Histoire d’Israël. L’exigence de vérité, le devoir de lucidité et la rigueur intellectuelle sont les meilleurs gages d’un “postsionisme” adulte.

 

In an interview, Israeli historian Tom Segev talks about his most recent book, which was on the Six Day War of 1967, and his role as one of the “new historians” of Israel.