‘Kanlica’ un très beau roman de J. Erol Russo

Kanlica -qui se prononce Kanlidja  en langue turque- est une petite et somptueuse baie sise au milieu du Bosphore, à quelques encablures d’Istanbul. Cet ancien village de pêcheurs tire son nom des yali -terme turc si­gni­fiant une demeure construite à proximité de l’eau- de couleur sang (Kan en langue turque) qui parsèment la côte des deux côtés du majestueux Pont de Mehmet le Conquérant -le deuxième pont longeant le détroit du Bosphore. Le village de Kanlica est aussi connu pour ses fameux yogourts, que l’on mange de préférence sucrés, au miel ou avec de la confiture. Un vrai délice!

Ce n’est pas par hasard que Joseph Erol Russo a intitulé Kanlica le très beau roman qu’il vient de commettre. Le personnage principal de ce récit très enlevant, le grand Chef d’Orchestre Fred Günsburg, Juif natif d’Istanbul, est depuis sa tendre enfance subjugué par la beauté indicible de ce bourg turc. Quarante ans après son départ de son pays natal, Fred Günsburg, devenu depuis un musicien et un Chef d’Orchestre de renommée mondiale, décide de retourner à Kanlica.

Des souvenirs de jeunesse rejaillissent alors avec force. Des réminiscences très touchantes relatées avec brio par Joseph Erol Russo: l’initiation au monde de la musique; l’enfance dans un quartier d’Istanbul jouxtant une Mosquée; les 400 coups avec les petits copains dans des ruelles exotiques et cacophoniques; la Turquie des années 60; le coup d’État militaire qui renversa le gouvernement alors au pouvoir à Ankara; la passionnante Saga historique des Juifs de Turquie; l’arrivée de Fred Günsburg dans le Québec des années 60, où on lui confie le poste très prisé d’assistant Chef de l’Orchestre Symphonique de Montréal; son terrible accident de voiture, qui faillit lui coûter la vie, sur une route enneigée et très verglaçante des Cantons de l’Est; sa longue et pénible convalescence dans un Hôpital montréalais…

Le hasard d’une rencontre inopinée attisera de nouveau la passion amoureuse que Fred Günsburg voue ardemment à la belle Katrin, une avocate Allemande qu’il a jadis connue à Ankara pendant sa jeunesse alors qu’il faisait son Service militaire. Une idylle qui exhumera les relents les plus lugubres de l’Histoire -avec un grand “H”. Le père de Katrin était l’un des hauts stratèges nazis qui mirent en oeuvre la macabre “Solution finale” qui extermina impitoyablement 6 millions de Juifs Européens pendant la Deuxième Guerre mondiale…

Le lecteur est transporté dans la Salonique juive, où la famille parentale de Fred Günsburg a vécu pendant plusieurs siècles après son expulsion de la Péninsule ibérique par les Rois Catholiques, Isabel de Castille et Ferdinand d’Aragon. Joseph Erol Russo narre avec beaucoup de doigté l’une des pages les plus noires de l’Histoire des Sépharades des Balkans: leur déportation de Salonique, où ils constituaient environ 80% de la po­pu­la­tion de cette Cité portuaire grecque, et leur annihilation dans les camps de la mort édifiés par le IIIe Reich nazi.

Les pérégrinations de Fred Günsburg nous plongent aussi en plein coeur du drame israélo-palestinien. Lors d’un de ses séjours en Israël, ce grand mélomane se liera d’amitié avec un couple juif orthodoxe vivant à Safed, Miriam et Yossef Ashkénazi. Yossef est porteur d’un re­doutable secret que le lecteur ne découvrira que dans les dernières pages du livre…

Kanlica est un roman fascinant qui conjugue habilement des secrets enfouis sous les cendres d’un passé funeste, des tourments de l’Histoire, une ode vibrante à la musique classique, des réflexions politiques perspicaces sur l’Israël contemporain et une intrigue terrifiante. Un récit poignant mené tambour battant par Joseph Erol Russo.

La musique est au centre de ce roman -musique classique, grave et morale.

Féru de musique classique, Joseph Erol Russo consacre des passages su­blimes aux secrets enfouis dans les crescendos de grandes Symphonies composées par des musiciens ingénieux, Brahms, Verdi, Mozart, Beethoven… La 9ème Symphonie concoctée par Beethoven, un hymne à l’amour et à la fraternité, nourrit l’espoir ardent d’un monde meilleur caressé par Fred Günsburg.

Dans ce roman foisonnant, écrit dans un style clair et percutant, Joseph Erol Russo orchestre avec maestria une partition convaincante par la force, la densité charnelle et la singularité des personnages.

Entremêlant avec virtuosité récits et personnages, et tirant avec une grande dextérité littéraire tous les fils des destins insolites de ces derniers, Joseph Erol Russo nous offre un récit nostalgique, tendre et très drôle par moments.

L’auteur décrit magnifiquement des paysages éblouissants à couper le souffle des différentes villes que Fred Günsburg sillonne lors de ses nombreux périples: les rives envoûtantes du Bosphore, les espaces architecturaux très avant-gardistes de Tel-Aviv, les montagnes célestes surplombant Safed, les monu­ments impériaux de Rome, le cadre naturel très coloré et inégalable de Capri…

Ce roman est-il une autofiction, c’est-à-dire une oeuvre fictive recelant des passages autobiographiques?

“Certainement, répond Joseph Erol Russo sur un ton posé. J’ai laissé aller mon imagination, mais plusieurs épisodes relatés dans ce roman sont des faits réels que j’ai vécus: l’accident de voiture de Fred Günsburg, sa longue hospitalisation, ses mésaventures avec un ami dans un Commissariat de police pendant le coup d’état militaire qui renversa le gouvernement turc au début des années 60… J’ai eu beaucoup de plaisir à écrire ce roman. Tout en insérant dans la trame de mon récit des événements historiques et des faits que j’ai personnellement vécus, j’ai joui d’une liberté  totale d’écriture qui m’a permis de façonner à ma guise la structure de ce roman et les caractères des personnages qui le peuplent.”

Né à Istanbul, dans une famille juive traditionaliste -son père était Sépharade et sa mère Ashkénaze-, Joseph Erol Russo émigra au Canada en 1964. Peu de temps après son arrivée au Québec, il fut victime d’un grave accident de voiture qui faillit lui faucher la vie. C’est à l’Hôpital, dans un état quasi comateux, qu’il vivra une expérience métaphysique qui le bouleversera profondément et chan­gera radicalement le cours de sa vie. Une expérience ­existentielle qui l’a profondément marqué, le retour à la vie après avoir franchi le seuil de la mort, qu’il a racontée dans un livre autobiographique très poignant publié en 2005, Ailleurs.

Joseph Erol Russo est aussi un Artiste-Peintre très talentueux.

Kanlinca est un roman très distra­yant, qui se lit d’une traite avec engouement, recelant un récit historique des plus instructifs grâce auquel le lecteur apprend beaucoup de choses sur l’Histoire de la Turquie et de la Communauté juive qui vit dans ce pays musulman où la laïcité n’a jamais été un voeu chimérique mais, au contraire, une réalité sociopolitique très tangible. Documentée et très captivante, cette fresque d’où surgit un monde disparu, celui des Juifs de Turquie, n’est pas de celles qui s’oublient rapidement. Un vrai bonheur de lecture.

Le roman Kanlica est en vente dans plusieurs Librairies de Montréal, notamment dans les Librairies Renaud-Bray et à la Librairie Olivieri sise sur la Rue Côte-des-Neiges. Le Numéro ISBN de cet ouvrage est: 978-2-9808976-1-0.

Joseph Erol Russo a aussi un Site Web dans lequel sont présentés ses livres et ses oeuvres artistiques: www.erol-art.com

On peut contacter Joseph Erol Russo à l’adresse courriel: [email protected]

 

Turkish-born Canadian artist Joseph Erol Russo recently released his latest book, Kanlica, a partially autobiographical novel that takes place in his native Turkey.