“Cette année, à Jérusalem, Pessah sera bien différent”

Dan Illouz

“Cette année, à Jérusalem, Pessah sera bien différent”, s’exclame au bout du fil Dan Illouz, conseiller municipal de cette ville trois fois sainte.

“Pandémie du COVID-19 oblige, l’heure est à l’urgence, à la solidarité et à l’entraide nationales. À l’instar de leurs concitoyens vivant dans les autres villes d’Israël, les Hiérosolymitains sont aussi confinés à domicile. Ils ne sont autorisés à sortir de chez eux que pour se rendre à la pharmacie ou faire des emplettes au supermarché. La grande majorité des habitants de Jérusalem suivent rigoureusement les consignes très strictes édictées par le gouvernement israélien. Les rues sont quasi désertes, les magasins, les restaurants et les cafés fermés, les lieux de culte très peu fréquentés… C’est une image bizarre d’une ville qui a toujours grouillé de monde et de vie”, nous a dit Dan Illouz en entrevue depuis sa résidence à Jérusalem, où il s’est mis en quarantaine volontaire après avoir assisté à une fête de Pourim à laquelle était présente une personne infectée par le coronavirus.

Né à Montréal en 1986, diplômé de l’École Maïmonide et de l’École Herzliah, Dan Illouz est détenteur d’un diplôme en droit de l’Université McGill et d’une maîtrise en politique publique de l’Université hébraïque de Jérusalem. Il a fait son Aliya en 2009. Ex-conseiller législatif du Likoud à la Knesset, ex-conseiller juridique de l’ancien maire de Jérusalem, Nir Barkat, et ancien conseiller auprès de la Division juridique du ministère israélien des Affaires étrangères, où il a supervisé le volet juridique de la rédaction de plusieurs traités internationaux, Dan Illouz a été élu, il y a deux ans, conseiller municipal de Jérusalem sous la bannière du parti Hitorerut. Il publie régulièrement ses analyses politiques dans les principaux journaux israéliens et canadiens: The Jerusalem Post, Yedioth Ahronoth, Israel Hayom, The Times of Israel, The Toronto Star… Il est l’auteur de A Free Nation in Our LandUne Nation libre sur notre Terre—, un recueil de ses analyses politiques. Parallèlement à ses fonctions de conseiller municipal, il est aussi conseiller politique indépendant.

En temps normal, des dizaines de milliers de touristes étrangers, juifs et chrétiens, célèbrent la fête de Pâque à Jérusalem. Des milliers d’Israéliens, provenant des quatre coins du pays, célèbrent aussi Pessah avec leur famille dans la ville sainte.

“Regrettablement, cette année, l’absence de ces dizaines de milliers de touristes aura des répercussions très négatives sur l’économie de Jérusalem. C’est une situation très difficile et très compliquée pour notre ville. Pour le soir du Séder de Pessah, les consignes à suivre sont draconiennes: pas plus de dix personnes, la célébration devant être limitée aux membres d’une famille vivant dans la même maison. Cette année, exceptionnellement nous l’espérons tous, pour le Séder, nous ne pourrons pas nous réunir avec nos grands-parents, nos tantes, nos oncles, nos cousins…”, déplore Dan Illouz.

En ces temps si difficiles pour tout Israël, beaucoup d’Israéliens reprochent aux ultra-orthodoxes leur manque de responsabilité, leur indifférence aux troubles qui ébranlent la nation et leur hostilité à l’égard des autorités gouvernementales, dont ils décrient les mesures strictes de confinement. Récemment, à Jérusalem, dans le quartier ultra-orthodoxe de Méa Shéharim, des heurts violents ont opposé des groupes d’ultra-orthodoxes, refusant de se plier aux mesures gouvernementales de confinement, à la police israélienne. Des scènes désolantes.

“Cessons de généraliser. À Jérusalem, seule une minorité d’ultra-orthodoxes radicaux refusent de respecter les mesures de confinement. La grande majorité des ultra-orthodoxes suivent les instructions émises par le gouvernement israélien pour lutter contre le coronavirus. Yaakov Litzman, ministre de la Santé et chef de file du parti ultraorthodoxe Judaïsme unifié de la Torah, est lui-même un membre de la communauté ultra-orthodoxe. Il appuie toutes les mesures, chaque jour plus drastiques, décidées par le gouvernement israélien. Le Grand Rabbinat d’Israël a été aussi très clair sur cette question. Il n’a pas hésité à proclamer qu’”aucune prescription halakhique liée à la Torah ne pouvait l’emporter sur les instructions du ministère de la Santé”.”

Dans la Vieille Ville de Jérusalem désertée par les pèlerins et les touristes, seuls la mosquée Al-Aqsa et le Dôme du rocher ont fermé leurs portes jusqu’à nouvel ordre. Mesure décrétée par le Waqf, organisation administrant les lieux de culte musulmans de Jérusalem. C’est la première fois depuis 1967 que ce troisième lieu de l’islam est fermé aux fidèles. L’accès au mur des Lamentations et au Saint-Sépulcre, lieux saints du judaïsme et du christianisme, n’a pas été encore interdit.

Le Kotel de Jérusalem pendant la crise du coronavirus (Mahmoud Ilean photo)

“La situation évolue d’heure en heure. Donc, les lieux saints juifs et chrétiens pourraient être complètement fermés très prochainement, précise Dan Illouz. À Jérusalem, beaucoup de synagogues ont fermé leurs portes. Celles demeurées ouvertes ne peuvent accueillir plus de 20 personnes, en gardant une distance de 2 mètres. Au Kotel, les fidèles sont assis par petits groupes de dix sur des chaises en plastique espacées aussi de 2 mètres.”

Les conseillers municipaux de Jérusalem sont à pied d’œuvre virtuellement. Depuis que la crise du COVID-19 a éclaté, toutes les réunions du conseil municipal se tiennent par téléconférence.

En dépit de la morosité ambiante, Dan Illouz demeure optimiste.

“Les Israéliens ont toujours été un peuple résilient et optimiste. Nous sommes habitués à affronter de terrifiantes menaces. Si nous restons solidaires les uns des autres, nous parviendrons à traverser cette nouvelle et effroyable épreuve.”