Esther Benfredj revisite l’Histoire du conflit israélo-arabe

Esther Benfredj en compagnie de son Éditeur, Pierre Cayouette, Conseiller littéraire et Éditeur aux Éditions Québec Amérique, lors du lancement de son livre qui a eu lieu à la Boutique Nicola Travaglini d’aliments fins italiens, sise près du Marché Jean-Talon. [Photo: Elias Levy]

L’universitaire, juriste et journaliste Esther Benfredj vient de consacrer un essai brillant au conflit israélo-arabe –Ismaël contre Israël. Le conflit israélo-arabe depuis ses origines (Éditions Québec Amérique).

Née à Paris en 1980, Esther Benfredj est Diplômée en Droit de l’Université de Montréal et en Science Politique de l’Université Jean Moulin de Lyon. Elle a travaillé à la Faculté de Droit de l’Université de Montréal en tant qu’assistante de recherche avant de se lancer dans le journalisme. Elle publie régulièrement des articles dans divers journaux et magazines, dont le Magazine français Causeur et la Revue intellectuelle québécoise Argument.

Dans un remarquable effort de synthèse, ce livre, préfacé par le réputé universitaire et essayiste français Shmuel Trigano, apporte des pistes de réflexion aux lecteurs qui souhaitent aller au-delà du simplisme des informations quotidiennes relatives aux différends entre Israël et le monde arabe et aux conflits violents qui embrasent aujourd’hui des contrées arabes du Moyen-Orient.

Dans cet essai très rigoureux et solidement documenté, Esther Benfredj revisite avec brio l’Histoire du conflit israélo-arabe et déboulonne des idées reçues et des mythes tenaces inhérents à ce contentieux vieux de plus de cent ans.

“J’ai travaillé sur le conflit israélo-arabe quand j’étais étudiante à l’Université. Ce qui m’a motivée à écrire ce livre, c’est mon désir de sortir de l’émotionnel, de l’actualité brûlante et du parti pris sans trop de réflexion dans lesquels nous cantonne souvent le conflit israélo-arabe.  Je voulais retourner aux racines de cette Histoire plutôt méconnue puisque c’est le conflit le plus médiatisé au monde et le moins connu. Je convie le lecteur à une plongée dans l’Histoire tourmentée du Moyen-Orient pour comprendre les enjeux actuels du conflit israélo-arabe”, explique Esther Benfredj en entrevue.

Esther Benfredj s’escrime, tout au long de son livre, à rappeler et à démontrer, moult exemples historiographiques à l’appui, qu’on ne peut pas saisir les véritables enjeux du conflit entre Israël et le monde arabe uniquement à travers un “prisme analytique binaire et très réducteur”.

“Certains perçoivent le conflit entre Israël et les pays arabes comme un western classique hollywoodien: les bons, les Arabes et les Palestiniens, contre les méchants, les Israéliens. C’est beaucoup plus complexe que cela, dit-elle. D’ailleurs, quand on s’intéresse au conflit israélo-arabe de plus près, on se rend compte que beaucoup d’Arabes ont aidé à la création de l’État Israël à l’époque de la Palestine mandataire britannique. Ces derniers se sont opposés à la politique intransigeante, antibritannique et antisioniste prônée par le Mufti de Jérusalem, Amin al-Husseini. Ça, c’est un fait historique irrécusable. Par ailleurs, les Sionistes n’étaient pas des monstres qui refusaient de coopérer, comme continue à le claironner la propagande arabe, bien au contraire. En 1919, l’une des figures majeures du mouvement sioniste, Haïm Weizmann, et Fayçal, fils du Chérif Hussein, signèrent un Accord de coopération après avoir réalisé que les prétentions juives et arabes en Palestine concordaient parfaitement. Malheureusement, cet Accord historique fut abrogé par les autres dirigeants arabes.”

Pourquoi le conflit israélo-arabe a-t-il été supplanté par le conflit israélo-palestinien?

“Juin1967, la Guerre israélo-arabe des Six Jours, fut un tournant majeur dans la perception de ce conflit. À partir de ce moment, le conflit israélo-arabe devint le conflit israélo-palestinien parce que les gouvernements arabes vont profiter de la conquête par Israël de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et de Jérusalem-Est pour présenter Israël aux yeux de la Communauté internationale comme une grande puissance impérialiste et occupante.” 

Dans le dernier chapitre de son livre, Esther Benfredj consacre des pages très intéressantes à la relation ambivalente, et parfois acrimonieuse, que les souverainistes québécois entretiennent avec Israël.

“Les souverainistes québécois analysent de façon plus ou moins consciente le conflit israélo-arabe à la lumière de leurs rivalités avec les anglophones. De sorte que si de nombreux indépendantistes se rallient, de manière quasi pavlovienne, du côté palestinien, c’est essentiellement parce que les Palestiniens représentent dans leur esprit un peuple opprimé par une “puissance impérialiste”, en l’occurrence Israël, leur rappelant ainsi leur propre combat pour l’indépendance du Québec.”

D’après Esther Benfredj, le glissement des souverainistes québécois vers cette “identification trompeuse” n’est donc pas uniquement le “fruit d’un antisémitisme clérical”, c’est également la “conséquence des échecs successifs du mouvement indépendantiste québécois”.

Mais, par ailleurs, des similitudes culturelles et politiques rapprochent les peuples québécois et israélien: une population multiethnique d’environ 8 millions d’habitants; la construction d’une nation fondée sur la différence et la survivance dans un environnement plus ou moins hostile; un même combat pour préserver la culture, la langue et l’identité; le défi posé par l’intégration des nouveaux immigrants; un modèle économique de plus en plus axé sur le High-Tech… 

Les échanges culturels et la coopération dans des secteurs économiques-clés entre le Québec et Israël ont connu ces dernières années un essor important, rappelle Esther Benfredj.

Comment Esther Benfredj envisage-t-elle les perspectives futures des relations entre Israël et les Palestiniens?

“Les négociations entre Israël et les Palestiniens sont aujourd’hui au point mort. Je crois qu’il faut sortir du pessimisme ou de l’optimisme. Nous devons être simplement réalistes. Aujourd’hui, bon nombre d’Israéliens pensent qu’à défaut d’une paix négociée viable, Israël est contraint de gérer quotidiennement le conflit qui l’oppose aux Palestiniens et à des États arabes limitrophes qui lui sont très hostiles. Je crois qu’on n’est plus dans un conflit  territorial,  si tel était le cas, on aurait déjà trouvé des solutions pour résoudre celui-ci. Aujourd’hui, le conflit israélo-arabe recèle une composante religieuse importante. Pour preuve: la radicalisation religieuse du mouvement palestinien Hamas, qui prône sans ambages la destruction d’Israël.”