Les combats d’une passionnée, Denise Bombardier

Denise Bombardier en compagnie de David Levy, consul général d’Israël à Montréal, lors de la présentation de ses Mémoires au Centre Gelber de la Fédération CJA. (Edmond Silber photo)

C’est l’ancienne première ministre d’Israël, Golda Meir, qui a donné à Denise Bombardier le goût de la maternité.

C’est ce qu’a confié la célèbre journaliste et écrivaine québécoise au cours d’une conversation à bâtons rompus avec l’auteur de cet article.

Denise Bombardier a été l’invitée du Centre Cummings pour aînés et de la Bibliothèque publique juive de Montréal. Elle a présenté ses Mémoires, Une vie sans peur et sans regret, publiés l’automne dernier aux Éditions Plon.

“J’ai interviewé Golda Meir au début des années 70. À la fin de l’entrevue, elle m’a demandé en anglais avec son accent très prononcé: “Do you have children?” Je lui ai répondu par la négative. Elle a poursuivi: “You are a smart girl, you should have children”. Je savais qu’elle avait des enfants. Je me suis alors dite: “Si Golda Meir, la première ministre d’un pays qui se débat dans un contexte régional et international très difficile, est capable d’avoir des enfants, alors moi aussi je peux m’en faire un! C’est sûr que si elle avait été une femme qui ne travaillait pas et qui restait chez elle à attendre le retour à la maison de son époux, j’aurais été moins portée vers la maternité. C’est vrai que ce que m’a dit ce jour-là Golda Meir sur l’importance de mettre au monde un enfant m’a impressionnée. Vous savez, ce sont des femmes qui sont des modèles pour les femmes”, a raconté Denise Bombardier.

Journaliste, romancière, essayiste et chroniqueuse au Journal de Montréal, où elle commente plusieurs fois par semaine l’actualité la plus brûlante, Denise Bombardier est l’une des figures les plus connues de la scène médiatique et du paysage culturel du Québec. À la télévision québécoise, elle a été la première femme à produire et à animer des émissions d’affaires publiques qui ont connu un grand succès: Noir sur blanc, Entre les lignes, Raison passion

Ses Mémoires, dont la parution en octobre dernier a été l’un des moments forts de la saison littéraire automnale, ont été chaleureusement accueillis par le public et salués avec enthousiasme par la critique, aussi bien au Québec qu’en France. Plus de 35 000 exemplaires de ce livre ont été écoulés au Québec. Un best-seller.

Cet ouvrage passionnant, qu’on lit goulûment, est porté par une écriture soignée et enlevante. L’un de ses atouts est indéniablement sa grande qualité littéraire. Denise Bombardier est une conteuse remarquable. Elle relate avec brio sa vie aux multiples rebondissements, ses combats homériques pour la défense des femmes et de la langue française, sa profonde aversion pour les conformismes et le politiquement correct, ses coups d’éclat, ses rencontres avec une kyrielle d’illustres personnalités, ses passions amoureuses…

Elle nous fait revivre des moments charnières de l’histoire du Québec, du Canada et de la France: l’ère Duplessis, la Révolution tranquille, la crise d’Octobre de 1970, la révolte étudiante de Mai 1968, le référendum sur la souveraineté du Québec de 1980…

Ses Mémoires sont un condensé de l’histoire du Québec contemporain. Mais, ce livre narre aussi l’histoire d’une femme dotée d’une force de caractère inouïe qui a toujours affronté l’adversité sans peur et sans aucun regret.

Denise Bombardier a raconté comment enfant, dans le Québec de la fin des années 40, où l’antisémitisme avait pignon sur rue, elle a “appris à aimer les Juifs, à les respecter et même à respecter leur culture”, grâce à ses tantes maternelles qui l’ont élevée.

“Mes tantes Edna et Lucienne ont travaillé pour des Juifs. Elles parlaient yiddish. Elles ignoraient alors qu’elles parlaient cette langue des Juifs originaires d’Europe de l’Est. Elles me disaient: “On parle juif”! Lucienne ne cessait de me répéter: “Si nous avions été Juives, nous ne serions pas ignorantes aujourd’hui. Les Juifs ne sont pas comme les Canadiens français. Ils se tiennent debout, sont vaillants, ils veulent toujours apprendre, font de grandes études, ils ne se jalousent pas comme nous”.”

Brillante conférencière, Denise Bombardier a charmé et fortement captivé son auditoire durant cette causerie littéraire.

Elle a rappelé qu’on ne peut pas comprendre le Québec d’aujourd’hui, et les débats identitaires épineux qui enfièvrent la société québécoise, si on ne prend pas la mesure de la place écrasante que le catholicisme a occupée dans le Québec des années 30, 40 et 50.

“Dans les années 40 et 50, sur le plan de la catholicité bornée, le Québec c’était l’Italie, l’Espagne, plus l’Irlande! Vous ne pouvez pas comprendre le débat actuel sur la laïcité, et pourquoi la majorité francophone appuie la loi 21, si vous ignorez dans quelle culture étroite, culpabilisante et humiliante les gens de ma génération ont vécu, dit-elle. Les Québécois catholiques de souche de 40 ans et plus savent de quoi je parle. Ça a marqué le Québec. Si vous ne connaissez pas le pouvoir démesuré que l’Église catholique a eu chez nous, vous ne pouvez pas comprendre les Québécois d’aujourd’hui. Nous venons d’une société ultra-catholique. En dehors de l’Église, les Québécois, où plutôt les Canadiens français comme on les dénommait à l’époque, n’existaient pas. Notre combat pour la laïcité a une histoire longue et une raison des plus légitimes.”

David Levy, consul général d’Israël à Montréal et pour les provinces maritimes, a assisté à cet événement.