Neev de retour au Festival Juste pour rire

Neev Bensimhon (Juste pour rire photo)

L’humoriste Neev Bensimhon est de retour au Festival Juste pour rire de Montréal.

Il présentera son premier spectacle solo le jeudi 18 juillet, à 19 h 30, à la Cinquième salle de la Place des Arts.

Un one man show fort hilarant célébrant la riche diversité culturelle du Québec d’aujourd’hui.

Neev a fait un sacré bout de chemin depuis un soir de l’automne 2019 quand le célèbre humoriste Gad Elmaleh l’a convié à assurer, au Théâtre St-Denis de Montréal, la première partie de son spectacle.

Ce fin observateur de notre société à la verve truculente nous a accordé une entrevue.

Vous avez amorcé votre carrière d’humoriste en 2009. Quel regard portez-vous sur ces dix années de scène ?

J’ai démarré officiellement ma carrière artistique il y a presque 10 ans, le 3 novembre 2009. Ce soir-là, au Théâtre St-Denis, j’ai eu le grand privilège de faire la première partie du spectacle de Gad Elmaleh. J’ai interprété un sketch sur les accommodements raisonnables au Québec. Depuis cette soirée mémorable, ça a été la folie furieuse ! À partir de 2011, j’ai participé aux Galas du Festival Juste pour rire animés par Guy Nantel, Gregory Charles, Jean-François Mercier, François Bellefeuille, Rachid Badouri, Philippe Laprise… ainsi qu’au ComédiHa! de Québec. À la télévision, j’ai été chroniqueur à l’émission “Selon l’Opinion comique”, diffusée sur la chaîne communautaire MAtv. J’ai aussi animé les populaires soirées d’humour du BAM (Bière au Menu) et du Comédie Club Dix30. Je suis toujours l’un des animateurs au Bordel Comédie Club. Je fais présentement la première partie du spectacle solo, “Préfère novembre”, de l’humoriste Louis-José Houde. J’anime aussi cet été les spectacles du Festival d’humour de Gatineau.

Subissez-vous la pression du métier ?

La pression, qui intimide beaucoup d’artistes, n’a jamais été un écueil pour moi. Bizarrement, plus la barre est haute, mieux je performe. D’habitude, dans l’univers artistique, chaque fois que tu gravis une marche, on n’hésite pas à te rappeler que tu peux craquer. Dans mon cas, c’est l’inverse. Plus le défi est de taille, plus les salles de spectacle où je joue sont grandes, plus je suis motivé.

Parlez-nous du spectacle que vous donnerez le 18 juillet à la Place des Arts.

 C’est un spectacle solo dans lequel je présenterai les meilleurs moments de mes shows antérieurs et 40 minutes de nouveau matériel. Je convie l’auditoire à un voyage des plus divertissants à travers divers accents, mœurs, et cultures. Cette prestation me servira de rodage pour mon premier grand spectacle solo — dont les sketchs seront tous inédits — que je compte offrir dans un an ou deux.

Est-il plus difficile pour un humoriste issu de la diversité culturelle de se frayer une place honorable dans l’univers fort concurrentiel de l’humour québécois ?

La notion “issu de la diversité” a de moins en moins de sens au Québec, dans la mesure où l’interculturalisme est désormais une réalité de plus en plus ostensible, et pas uniquement à Montréal. Aujourd’hui, les nouveaux immigrants ne s’établissent pas seulement à Montréal, à Laval ou à Saint-Jérôme, mais dans toutes les régions du Québec, y compris les plus éloignées. J’en ai rencontré plusieurs lors des mes tournées dans les quatre coins du Québec. Le public québécois, qui est très ouvert à la diversité culturelle, apprécie l’humour d’artistes issus des communautés ethniques. Il est vrai que dans le milieu artistique québécois on aime étiqueter les artistes. Mais ce compartimentage ne tient plus la route, notamment dans l’univers de l’humour qui s’est beaucoup démocratisé. Chaque humoriste essaye d’être le plus original et le plus créateur possible. Le public québécois est très généreux, mais exigeant aussi. Il veut simplement que tu livres la marchandise, peu importe ton accent ou ton pays d’origine. Il est friand de nouveaux genres en musique, en humour, au cinéma… Fais bien ton job et il embarquera avec toi.

Vos racines sépharades sont-elles importantes pour vous ?

Mes parents ont émigré du Maroc au Québec en 1972. Ça fait déjà un bon bout de temps qu’ils sont ici. Je suis né à Montréal il y a 34 ans. Je me considère comme un “Québécois Sépharade “pure laine” à 1 000 %”. Mes racines identitaires sépharades sont fondamentales pour moi. Elles n’ont jamais cessé de nourrir mon imaginaire artistique. Le séphardisme est une richesse culturelle millénaire qui constitue l’un des socles majeurs de mon identité. Depuis un an, j’assure la première partie du spectacle de Louis-José Houde. Nous faisons une tournée à travers tout le Québec. Souvent, il m’arrive, sans en être pleinement conscient, d’employer des expressions et des tournures de phrases très sépharado-marocaines qui font rire aux éclats Louis-José Houde et les membres de son équipe. Quand le naturel revient au galop! Nous, Sépharades, avons un humour de base qui transparaît dans notre façon de dire crûment certaines choses, de critiquer les gens… Pour moi, le plus important, notamment quand tu fais un métier artistique, c’est de demeurer toi-même sur une scène. À mes débuts dans ce métier, mon principal but était de jouer à Neev l’humoriste. Mais, j’ai vite réalisé que dans la vie comme dans l’humour, tu dois juste être toi. Ne jamais renier ton accent, ni ton milieu familial et social.

Au Québec, vous êtes le seul Sépharade humoriste professionnel. Vous êtes-vous heurté à des préjugés sur le métier d’artiste dans notre communauté ?

Il est vrai que dans la communauté sépharade nombreux sont ceux et celles qui considèrent qu’exercer le métier d’artiste ou d’humoriste, c’est une profession peu conventionnelle et à hauts risques qui n’assure pas tous les jours un gagne-pain décent. Les Sépharades préfèrent que leurs enfants optent pour un métier plus stable et plus “lucratif”: médecin, avocat, comptable… On est ainsi dans le paradigme éducation=métier=sécurité. Beaucoup de mes amis ont préféré le pari de la sécurité. J’ai eu la chance d’être élevé dans une famille où on m’a toujours dit: “Fais ce que tu veux dans la vie, mais fais-le bien”. L’humour, c’est mon adrénaline quotidienne. J’ai choisi ce métier exigeant en écoutant uniquement mon cœur. Je n’ai jamais regretté ce choix professionnel en dépit des écueils que j’ai dû surmonter depuis le début de ma carrière. Les défis de taille me motivent énormément.

Vous imitez aisément plusieurs accents : québécois “pure laine”, haïtien, noir africain, juif marocain, maghrébin musulman… Des membres de ces communautés vous ont-ils parfois reproché de les caricaturer dans vos spectacles ?

C’est dans la rue ou au travail, c’est-à-dire dans la vie de tous les jours, que j’ai appris à découvrir et à apprécier la culture de l’Autre, peu importe ses origines ethniques. Ma formation en philosophie a aussi contribué à mon ouverture envers les autres cultures. Les accents que j’imite sont un hommage à la belle diversité culturelle qui caractérise le Québec d’aujourd’hui. Personne ne m’a jamais apostrophé après un spectacle et dit: “De quel droit te moques-tu de ma communauté en imitant mon accent?” Au contraire, des personnes de diverses origines ethniques sont souvent venues me voir après mon spectacle pour me dire affablement : “Wow! Tu as vraiment compris ce qu’est notre culture”. Des spectateurs d’origine africaine m’ont même fait remarquer que dans un sketch j’ai mélangé l’accent sénégalais et l’accent camerounais. Je leur ai répondu que je suis capable de faire la différence entre les deux, mais pas le public québécois qui assiste à mes shows. Les Québécois francophones de pure souche rient aussi beaucoup quand j’imite leur accent. Ils ne m’ont jamais fait grief à ce sujet. J’ai grandi avec tous ces merveilleux accents. Ils font partie intégrante de ma vie. C’est pourquoi, quand je suis sur scène, je me permets de les imiter très amicalement, et sans le moindre préjugé.

Quels sont vos projets pour le futur ?

Je continue à rêver comme le premier jour où j’ai commencé à faire ce métier. Je rêve d’avoir mon propre spectacle solo, ma propre émission de télé, de radio, de jouer dans des films… J’adore ce que je fais. Mon but est d’aller encore plus loin et plus haut.

Ces dernières années, plusieurs humoristes québécois ont poursuivi leur carrière en France. Suivrez-vous leurs traces ?

Ça m’a tenté il y a quelques années. Mais je réalise aujourd’hui que les humoristes sont très choyés au Québec. Nous avons une industrie de l’humour qui marche très bien et suscite de plus en plus d’intérêt à l’étranger. En effet, un bon nombre d’humoristes français, où d’autres pays francophones, viennent régulièrement chez nous pour voir de plus près comment nous travaillons. La culture nord-américaine du stand-up, très populaire aussi au Québec, les attire de plus en plus chez nous. Ils commencent à l’importer en France et dans d’autres pays de la Francophonie. Je n’ai aucune envie d’aller en France pour recommencer presque à zéro. En France, ça prend plusieurs années de labeur intense à un humoriste québécois bien établi chez lui avant qu’il puisse bénéficier d’une certaine reconnaissance publique. Un saut du côté des États-Unis serait plus probable. Mais ça ne fait pas partie de mes futurs projets pour l’instant. Je me sens très bien chez moi au Québec, près de ma famille, de mon épouse et de mon fils, qui a huit mois, qui me rend fou de bonheur chaque jour.