Juifs et Musulmans au Centre Hillel

La trentaine d’étudiants juifs et d’étudiants musulmans qui se sont rencontrés la semaine dernière dans les locaux du Centre Hillel -Association des étudiants juifs francophones de Montréal- pour amorcer un début de dialogue étaient tous d’accord sur un point, à leurs yeux fondamental: les échanges porteraient uniquement sur la religion juive et la religion coranique et non pas sur le sempiternel conflit politique israélo-arabe.

“Parler des questions qui fâchent, c’est vouer à l’échec à l’avance toute tentative de dialogue entre Juifs et Musulmans. Tout ce qui est politique provoque des étincelles. Il vaut mieux travailler sur tout ce qui nous unit plutôt que sur ce qui nous divise. Juifs et musulmans sont d’accord sur 95% des choses. Laissons de côté les 5% sur lesquels nous sommes en désaccord. Notre objectif est de construire des ponts. Construire, c’est un défi de taille. Détruire, c’est facile. On peut détruire en une seconde tout le travail fait pendant un siècle”, nous a dit l’Imam marocain Mohamed Aziz Chraibi, qui dirige le Centre musulman Kawtar de Laval.

L’Imam Chraibi a expliqué aux étudiants juifs du Centre Hillel présents à cette soirée les principaux messages véhiculés par l’islam.

Le Rabbin Snir Bitton, leader spirituel du Centre loubavitch Chabad Chaï de Montréal, expliqua à son tour aux étudiants musulmans les préceptes fondamentaux de la religion juive.

“Le christianisme et l’islam puisent leurs fondements respectifs dans la religion juive. Juifs, Musulmans et Chrétiens partagent beaucoup de choses en commun, notamment leur profond amour pour un Dieu unique. Je me réjouis que des étudiants juifs et des étudiants musulmans aient pris la remarquable initiative d’essayer de mieux se connaître à travers la compréhension des textes sacrés juifs et des versets coraniques”, a dit le Rabbin Bitton.

Les étudiants musulmans posèrent au Rabbin Bitton de nombreuses questions sur la religion juive, notamment sur la signification de la notion de “Peuple élu”. Les étudiants juifs questionnèrent  l’Imam Chraibi sur des aspects de la tradition islamique, les versets coraniques et la vie du Prophète Mahomet.

Abdelhamid Mohammed, un étudiant de 27 ans originaire du Tchad poursuivant des études de Doctorat en Mathématiques à l’Université de Montréal, se réjouit que des étudiants juifs du Centre Hillel aient invité leurs homologues musulmans à une soirée de dialogue et de rapprochement.

“Jusqu’ici, j’avais l’impression que les Juifs faisaient partie d’une Communauté renfermée sur elle-même, très réfractaire à l’idée de se mêler aux non-Juifs. Des rencontres régulières basées sur un dialogue ouvert et franc sont le seul moyen d’aplanir nos divergences. Je suis très encouragé par ce que je vois ce soir”, nous a confié Abdelhamid Mohammed.

Ingrid Ouaknin, 19 ans, étudiante juive en Communication et en Criminologie à l’Université de Montréal, salue “la grande perspicacité” des organisateurs de cette rencontre, qui ont préféré tabler sur la dimension religieuse “rassembleuse” plutôt que sur la sulfureuse dimension politique israélo-arabe, “source de divisions, de malentendus et de conflits”.

“Les contentieux politiques ne sont que des vecteurs de haine et de destruction. Juifs et Musulmans peuvent se rencontrer et dialoguer ouvertement et pacifiquement sur un sujet qui rapproche tous les êtres humains épris de paix: les messages humanistes colportés par la Torah et le Coran, dit-elle. Les sujets politiques, surtout ceux relatifs au conflit entre Israéliens et Palestiniens, exacerbent les esprits et entravent toute tentative de dialogue constructif.”

Pour Manel Djemel, une étudiante musulmane tunisienne de 25 ans complétant actuellement une Maîtrise en Urbanisme à l’Université de Montréal, cette rencontre interreligieuse contribuera certes à enrayer les “stéréotypes tenaces” que les Juifs ont sur les Musulmans et vice-versa.

“Pendant des siècles, Juifs et Musulmans ont cohabité pacifiquement en Terre d’islam. Il y a eu bien sûr des périodes sombres. Mais, en général, le bilan est assez positif. Nous devons prendre comme modèle cette coexistence. Aujourd’hui, malheureusement, nos différends sur le conflit entre Israël et la Palestine empêchent tout rapprochement entre nos deux Communautés. Débutons donc notre dialogue en parlant d’un sujet qui nous rapproche: les messages de foi, de paix et de solidarité véhiculés par le judaïsme et l’islam.”

Jérémie Tziboulsky, 21 ans, étudiant en Science politique à l’Université Concordia, membre du Centre Hillel, espère que cette première rencontre judéo-musulmane sera le prélude d’un dialogue qui se poursuivra sur le long terme.

“J’espère que cette première expérience fort enrichissante ne sera pas simplement un événement ponctuel. Il faut absolument que des rencontres de ce type soient organisées régulièrement. Le dialogue et la coexistence ne pourront être fructueux que si les étudiants juifs et les étudiants musulmans se connaissent mieux. Pour qu’une confiance mutuelle puisse s’établir, il faut commencer par défaire les murs étanches qui nous séparent.”

Yaacov Rabkin, professeur d’Histoire à l’Université de Montréal, où il enseigne un cours sur l’Histoire juive contemporaine, a participé à titre de “personne ressource” à cette rencontre judéo-musulmane.

“C’est important que des étudiants juifs et des étudiants musulmans se rencontrent pour dialoguer et mieux se connaître. Nous devons tous encourager ce genre de rencontres. Elles sont très nécessaires par les temps qui courent”, nous a dit Yaacov Rabkin.

Jewish and Muslim students met at Centre Hillel last week for an open dialogue about the two religions.