Chrétiens, Juifs et Musulmans dialoguent

Joseph Gabay, ancien président du Congrès Juif Canadien, Région du Québec et de la Communauté sépharade du Québec et actuel vice-président du Congrès Juif Canadien, National, a été l’un des trois conférenciers invités d’une table ronde consacrée au dialogue interreligieux au Québec qui a eu lieu dans le cadre d’un Colloque ayant pour thème “Juifs, Chrétiens et Musulmans: un apport à l’avenir du Québec”, organisé par le Centre culturel chrétien de Montréal.

Chrétiens, Juifs et Musulmans dialoguent au Centre culturel chrétien de Montréal. De gauche à droite: Joseph Gabay, représentant de la tradition juive, Bruno Demers, animateur du panel, Samia Amor, représentante de la tradition musulmane, et Brian McDonough, représentant de la tradition catholique.

Joseph Gabay a représenté officiellement la Communauté juive québécoise dans ce forum interreligieux, qui a réuni des personnalités chrétiennes, juives et musulmanes.

Le Dr Victor Golbloom, président du Congrès Juif Canadien, Région du Québec, et plusieurs membres de la Communauté juive ont participé à cette journée d’échanges et de réflexion.

Au cours de son intervention, Joseph Gabay étaya avec brio quelques réflexions sur la religion, la culture et l’identité juives.

“Le Judaïsme n’est pas une religion. On ne peut pas dire à Einstein, à Marx ou à Freud qu’ils ne sont pas Juifs! Le Judaïsme, c’est un mode de vie. L’ancien Premier ministre de l’État d’Israël, David Ben Gourion, a posé la question “Qui est Juif?” à quatre-vingts sommités juives. Il a reçu quatre-vingts réponses différentes.”

Le Judaïsme a une spécificité particulière: c’est une religion universaliste par opposition à ce qu’on appellerait une religion universelle, rappela Joseph Gabay.

“La tradition juive n’est pas exclusionniste. S’ il y a des Juifs qui veulent être religieux, tant mieux pour eux, mais les autres Juifs ne sont pas exclus pour autant. La phrase “Hors de la Synagogue point de salut” n’est pas une phrase juive. “Hors de la Synagogue, il y a un salut!” C’est ce qui explique que dans la tradition juive il n’y a pas de prosélytisme. On a énormément de respect dans la tradition juive pour tout ce qui n’est pas Juif. Quand Dieu dit: “Tu es mon Aîné Israël,” ça signifie que les autres enfants sont aussi des enfants de Dieu. Dans la tradition juive, nous sommes à l’intérieur d’un monothéisme commun.”

Joseph Gabay présenta le dynamique réseau d’institutions bâti au fil des années par la Communauté juive du Québec et souligna le rôle important que ces institutions jouent au niveau social, économique, culturel… dans le Québec contemporain.

“Le réseau institutionnel juif a connu au fil du temps un développement impressionnant grâce à l’implication très dévouée de milliers de bénévoles qui incarnent les valeurs sociales juives de Justice et Tsédaka -charité-”

Joseph Gabay conclut son intervention en égrenant quelques réflexion sur la Commission Bouchard-Taylor sur la pratique d’Accommodements raisonnables au Québec.

“Une société laïque n’est pas une société athée. C’est une société au sein de laquelle les religions peuvent vivre côte a côte… Je ne pense pas que l’enfer soit l’Autre, comme disait Jean-Paul Sartre. Je pense que l’Autre est un morceau du paradis parce qu’il m’apporte quelque chose de différent. Quand on me pose la question “Qu’est-ce que les religions apportent au monde?” ma réponse est très simple: les religions sont une alternative à l’absurde! Pour moi, un Accommodement raisonnable, c’est un Accommodement qui accommoderait les uns sans incommoder raisonnablement les autres!”

Le représentant de la tradition catholique, Brian McDonough, professeur au Département des Études Théologiques de l’Université Concordia et reponsable des sessions sur la Pastorale sociale au Grand Séminaire de Montréal, mit l’emphase au cours de son intervention sur la philosophie d’action et d’entraide prônée par la pensée sociale catholique.

“Le catholicisme social nous exhorte à nous identifier avec les personnes qui sont exclues et affligées par la pauvreté. Il faut dire “Non” à ce grand scandale que sont les inégalités. Ce scandale s’aggrave en ces temps de crise économique. L’action communautaire préconisée par l’action sociale catholique est impérative pour bâtir un Québec juste et équitable. Les instances publiques doivent aider concrètement, et non pas décourager, les groupes qui travaillent pour le bien commun de la population québécoise.”

La représentante de la tradition musulmane, Samia Amor, une Algérienne établie au Québec depuis dix ans, avocate et Doctorante à la Faculté de Droit de l’Université de Montréal, énonça les principales caractéristiques de la Justice en islam.

D’après cette spécialiste reconnue en Droit islamique, les valeurs prônées par l’idéal de Justice en islam pourraient s’“appliquer, se concilier ou s’articuler” avec les valeurs de Justice sociale québécoises.

“Depuis le nouveau millénaire, et particulièrement ces deux dernières années, le discours vulgarisé est celui de l’incompatibilité des valeurs islamiques avec les valeurs occidentales, notamment québécoises. Or, au Québec, comme dans les autres sociétés occidentales, la reconnaissance de l’individu est une valeur incontournable parce qu’elle est au centre de l’égalité et de la liberté, dit-elle. Toutefois, l’observation de cette valeur, telle qu’elle est appliquée, démontre par contre une propension vers l’individualisme.”

Sans nécessairement encourager le repli sur soi, cette valeur de Justice ne réduit, ni élimine les inégalités sociales structurelles relatives à la possession de certaines ressources, à l’accès à certains biens et services et à la discrimination, ajouta-t-elle.

“Cependant, cet individualisme a détrôné les valeurs de partage, de solidarité, de coopération et de désintérêt qui ont toujours été présentes dans la société québécoise. Abstraction faite de cette caractéristique et au-delà du scepticisme de certains, l’individu, l’égalité et la liberté sont également au centre de la tradition religieuse islamique.”

Cette table ronde sur le dialogue interreligieux a été animée par Bruno Demers, directeur de l’Institut de Pastorale de Montréal.

Canadian Jewish Congress national vice-president Joseph Gaby, represented the Jewish community at a recent panel on interreligious dialogue, where Jews, Christians and Muslims were part of a symposium living together in Quebec.