Des Histoires de vie sépharades recueillies

La Mémoire sépharade occupera une place importante dans le Projet de recherche “Histoire de vie des Montréalais déplacés par la guerre, le génocide et autres violations de la personne”.

Ce Projet de recherche de grande envergure est financé par le Conseil de recherches en Sciences humaines du Canada et l’Université Concordia, en partenariat avec la Communauté sépharade unifiée du Québec, le Centre Commémoratif de l’Holocauste de Montréal et JIAS Montréal -le Service d’aide aux immigrants juifs-.

Ce Projet d’une durée de cinq ans, présidé par l’historien Steven High de l’Université Concordia, a comme principal but de constituer des archives orales de membres des Communautés vivant à Montréal ayant vécu dans leur pays d’origine des grandes tragédies, comme la Shoah, le génocide des peuples cambodgien, rwandais…

Ce Projet retracera les itinéraires de vie de membres de six Communautés montréalaises: la Communauté juive ashkénaze, la Communauté juive sépharade, la Communauté rwandaise, la Communauté cambodgienne, la Communauté haïtienne et la Communauté originaire d’Amérique centrale.

Dix-neuf organisations communautaires et trente-neuf universitaires montréalais sont impliqués dans cet ambitieux Projet.

Les historiens Yolande Cohen, professeure à l’Université du Québec à Montréal (U.Q.A.M.), et Frank Chalk, professeur émérite  à l’Université Concordia, sont les codirecteurs du volet de la recherche portant sur les Histoires de vie de membres de la Communauté sépharade de Montréal.

Le but de ce volet “sépharade” est de recueillir les témoignages de Sépharades montréalais, âgés de 70 ans et plus, à même de témoigner sur les bouleversements vécus lors de la Seconde Guerre mondiale  et/ou durant la période post-1945, caractérisée notamment par d’importants déplacements de population, que ce soit en Afrique du Nord, au Moyen-Orient ou en Europe.

Ces récits de vie oraux seront filmés, numérisés, inventoriés, archivés et mis à la disposition du public via un Site Internet.

“Pour les Ashkénazes, ces Histoires de vie sont façonnées par l’expérience de la Shoah. Le vécu de vie des Sépharades est différent. Nous allons essayer de retracer les processus qui ont conduit au déplacement des populations sépharades.  Des processus cognitifs individuels et collectifs. L’objectif de cette recherche est d’identifier clairement, par le biais de longues entrevues, la Mémoire que ces personnes, qui avaient entre 18 et 20 ans lors de la dernière Grande Guerre, ont de leur déplacement et de leur installation à Montréal. Considèrent-elles leur départ de leur pays natal comme un exil, un déplacement forcé, une immigration massive? Qu’est-ce qu’a représenté pour elles leur départ du Maroc,  de l’Algérie, du Liban, de l’Égypte…? On ne s’intéresse pas qu’à la Communauté sépharade marocaine, mais aussi aux autres Communautés du Maghreb et d’une partie du Machrek -l’Orient arabe-”, explique Yolande Cohen en entrevue.

Cette historienne, qui s’intéresse depuis une trentaine d’années aux mouvements migratoires des Juifs marocains, souhaite inscrire ces trajectoires dans un ensemble plus vaste où Ashkénazes et Sépharades pourront échanger leurs expériences au lieu de se cantonner dans deux solitudes.

“Même si la langue est une barrière, c’est très important de réinscrire ces itinéraires de vie dans une expérience commune, même si ces expériences de vie sont différentes. Cette approche nous permettra de voir la vision de l’exil, le sentiment de peur qui sévissait dans ces Communautés avant leur départ du  terroir natal. La vie des Juifs d’Afrique du Nord n’a pas été un long fleuve tranquille, dit Yolande Cohen. Il faut sortir de la vision nostalgique qu’on a véhiculée pendant trente ans, qui consistait à dire que le passé des Sépharades en Terre d’islam était une époque glorieuse, que Juifs et Musulmans vivaient dans l’harmonie… Notre but est de refaire émerger les moments qui ont conduit au fait que tous les Juifs sont partis. Même ceux qui étaient heureux dans ces pays arabo-musulmans ont fini aussi par partir. Il y a des raisons à la fois objectives et subjectives qui les ont poussés à quitter leur terre natale, que nous aimerions bien identifier.”

Pour le professeur Frank Chalk, les expériences de vie des Sépharades vivant à Montréal ont été trop longtemps éludées. Ce Projet de recherche palliera à cette lacune.

“Durant mes quarante années de travail de recherche à Montréal, j’ai constaté que les expériences de vie des membres de la Communauté sépharade n’ont presque jamais été recueillies, ni publiées.  C’est une très grande lacune, dit-il. Il est important que ces expériences de vie sépharades soient préservées pour la postérité. Vous n’avez pas besoin d’avoir été victime d’un Holocauste pour avoir été profondément marqué dans votre vie. Il y a aussi d’autres expériences de vie tragiques et marquantes qui font partie de l’héritage que nous allons léguer à nos enfants et petits-enfants.”

Toutes les personnes intéressées à relater leurs Histoires de vie dans le cadre de ce Projet de recherche seront interviewées par des personnes compétentes -qui le font bénévolement- ayant suivi préalablement plusieurs ateliers de formation.

Les témoignages d’une trentaine de membres de la Communauté sépharade témoins de la Seconde Guerre mondiale et des années d’après-guerre ont déjà été recueillis.

Ces récits de vie pourront-ils constituer la trame narrative d’une historiographie des Juifs sépharades de Montréal ayant vécu les affres la dernière Grande Guerre?

“Je ne sais pas si on pourra écrire une histoire complète des Sépharades durant les années de guerre à partir de ces récits oraux dans la mesure où la Mémoire des personnes d’un âge avancé est souvent très aléatoire. Par contre, ces témoignages oraux seront un contrepoids très important à l’Histoire classique. Ce qui est sûr, c’est que ces récits de vie éclaireront les processus d’émigration des Juifs d’Afrique du nord et leur perception trente ans plus tard de cette immigration, forcément chronologique. J’ai l’intention de développer une analyse plus poussée de ces récits pour écrire  éventuellement un ouvrage ou des articles”, précise Yolande Cohen.

Ce Projet de recherche ne se limitera pas à consigner dans des archives numérisées des récits de vie. Celui-ci comprendra plusieurs autres volets: l’éducation des jeunes; la publication de matériaux didactiques -brochures, livres…- destinés aux écoles et aux bibliothèques; la production d’émissions de radio, de documentaires…

Pour obtenir plus d’informations sur ce Projet de recherche ou relater votre récit de vie, contacter Marilyn Bernard au 514-544-5089 ou par courriel: [email protected]


A major research project to record the histories of several Montreal communities that have faced tragedy in their country of origin includes the stories of Sephardim from different lands.