Etgar Keret et la Guerre contre le Hamas

Etgar Keret

Ces dernières semaines, le Hamas est même parvenu à semer la zizanie entre le célèbre écrivain israélien Etgar Keret et son épouse, la cinéaste Shira Geffen. La cause de discorde au sein de ce couple: les sirènes stridentes en pleine nuit avertissant les Tel-Aviviens d’un tir de roquette lancé par les terroristes du Hamas depuis la bande de Gaza. 

“Depuis que la Guerre a éclaté, moi et mon épouse, Shira, nous ne cessons pas d’argumenter au sujet de la “stratégie de survie” à adopter quand le Hamas nous catapulte au milieu de la nuit l’un de ses cadeaux préférés: une roquette impitoyable pouvant semer la mort et le chaos. Moi, je refuse de réveiller notre fils, Lev, 7 ans, qui dort profondément, pour courir nous terrer dans l’abri anti-bombes de l’immeuble où nous habitons. Shira pense que je suis complètement taré! Lors de la première alerte à Tel-Aviv, nous réveillâmes brusquement Lev. Il était complètement désarçonné. Quand nous remontâmes à la maison, il n’a pu se rendormir que vers 5h du matin. Quand les sirènes sonnent, plutôt que de courir vers notre abri souterrain, je préfère m’allonger près de Lev sur son lit, l’étreindre fortement et le protéger avec mon corps, que je considère aussi comme un antimissile très efficace!”, raconte sur un ton goguenard Etgar Keret, qui nous a accordé une entrevue depuis son domicile, à Tel-Aviv.

Écrivain de renommée internationale, dont les livres ont été traduits en 35 langues, superstar de la jeunesse israélienne, qui raffole de ses nouvelles surréalistes, Etgar Keret, qui est né à Tel-Aviv en 1967, après la Guerre des Six jours, dans une famille de survivants de la Shoah, est aussi un cinéaste et un scénariste de Bandes Dessinées très talentueux. 

En 2008, son très beau film Méduses, coréalisé avec son épouse, Shira Geffen, s’est mérité un des plus prestigieux Prix du Festival de Cannes: la Caméra d’Or.

Son livre The Bus Driver Who Wanted to Be God est le seul ouvrage israélien à avoir été traduit en arabe depuis la seconde Intifada palestinienne. 

“J’ai demandé à mon éditeur arabe si les Palestiniens lisaient réellement mon livre. Il m’a répondu avec franchise que les ventes étaient bonnes, mais qu’il ne savait pas si les Palestiniens lisaient mon livre ou l’achetaient pour le brûler!”

Le dernier livre d’Etgar Keret, Sept années de Bonheur, traduit en français par les Éditions de l’Olivier, trône depuis sa parution en France, début mai, dans toutes les listes de best-sellers.

Dans ces chroniques autobiographiques, Etgar Keret relate avec une ironie hors du commun sept années de sa vie à Tel-Aviv: de la naissance de son fils, Lev, à la mort de son père, en passant par les péripéties insolites de sa soeur ultra-orthodoxe et de ses onze enfants, les frasques mémorables de son frère, qui ne carbure qu’à la marijuana… 

Deux cents pages de bonheur, d’humour et d’autodérision qu’on dévore avec engouement.  

 Etgar Keret est, sans conteste, l’écrivain israélien le plus influent et déjanté de sa génération.

Le franc-parler tonitruant et les prises de position décapantes de ce brillant créateur culturel furieusement contemporain continuent de susciter de vives controverses en Israël. 

Que pense Etgar Keret du nouveau conflit qui oppose Israël au Hamas?

Que les choses soient claires! Bien que je sois un pacifiste de Gauche viscéralement Sioniste,  je ne suis pas né idiot pour autant! Que les belles Âmes pacifistes et humanistes en Occident, particulièrement en Europe, qui ne cessent de fustiger Israël avec une véhémence effarante, se détrompent! Ce n’est pas Israël qui a initié cette nouvelle Guerre très dévastatrice. Les adeptes invétérés de Frantz Fanon -célèbre psychiatre français, théoricien des Mouvements de Guérillas de Libération nationale- seront aussi très déçus d’apprendre de ma bouche que le Hamas n’est pas une Guérilla conventionnelle luttant pour la Libération nationale du peuple palestinien, mais une Organisation terroriste, fondamentaliste et maladivement antisémite qui n’a qu’un seul objectif: détruire l’État d’Israël et assassiner un maximum de civils Israéliens et de Juifs dans le monde.”

Pour Etgar Keret, la Guerre qu’Israël mène de nouveau à Gaza “contre le Hamas, et non contre le peuple palestinien”, spécifie-t-il, est “très légitime”. 

“Quelle démocratie tolérerait que ses citoyens soient quotidiennement la cible de salves de roquettes, pouvant s’avérer très meurtrières, lancées par des terroristes à partir d’un territoire limitrophe? Les Américains, les Français, les Canadiens… demeureraient-ils impavides face à une agression aussi grotesque? Il n’y a aucun doute que les Gazaouis sont les otages du Hamas, qui les utilise comme boucliers humains pour mener ses opérations terroristes contre Israël.”

Cependant, s’empresse-t-il -d’ajouter, en dépit de ce conflit ravageur, Benyamin Netanyahou “devrait impérativement négocier” avec l’“unique partenaire crédible” qu’il a en face de lui: Mahmoud Abbas, Président de l’Autorité Palestinienne.

“Le Gouvernement de Netanyahou ne cesse d’invoquer une pléthore de raisons pour ne pas dialoguer avec Mahmoud Abbas. Exiger des Palestiniens, comme condition préalable pour reprendre les négociations avec l’Autorité Palestinienne, qu’ils reconnaissent la spécificité juive de l’État d’Israël, c’est une requête totalement insensée. Les Palestiniens s’en foutent éperdument des racines identitaires juives de l’État d’Israël. C’est la première fois qu’un Premier Ministre d’Israël impose une condition aussi absurde aux Palestiniens. Ni David Ben Gourion, ni Menahem Begin, ni Yitzhak Rabin, ni Yitzhak Shamir, ni Ehoud Barak, ni Ehoud Olmert… n’ont jamais demandé aux Palestiniens de reconnaître l’Identité juive de l’État d’Israël avant de négocier un Accord de paix fonctionnel. Cette demande est futile et absurde!”

 Mais, comment Israël pourrait-il négocier avec un Gouvernement d’Union nationale palestinien comprenant le Hamas, une Organisation terroriste qui veut rayer Israël de la carte du Moyen-Orient?  

“Le pseudo-Gouvernement d’Union nationale mis sur pied par le Fatah de Mahmoud Abbas et le Hamas d’Ismail Haniyeh n’est qu’un stratagème pour obliger Israël à faire des concessions, estime Etgar Keret. Cet Accord interpalestinien est une grande foutaise! Les militants du Fatah et ceux du Hamas se haïssent démesurément. Leur haine mutuelle est beaucoup plus grande que celle que ces deux Organisations palestiniennes vouent à Israël.” 

Etgar Keret, qui a reçu plusieurs propositions alléchantes pour travailler à l’étranger, a-t-il déjà envisagé de quitter définitivement Israël?

“Ce n’est pas facile de vivre en Israël, un pays assailli quotidiennement par de grandes menaces existentielles. Mais pour un écrivain, le vrai pays, c’est le langage. Pour moi, aller vivre dans un endroit où je ne pourrais pas parler hébreu, ce serait un exil insupportable. Je suis le fils de deux survivants de la Shoah. Quand ils vivaient à Varsovie, mes parents rêvaient de vivre un jour dans un pays libre où les Juifs n’auraient plus à s’excuser à chaque minute d’être nés Juifs. Leur rêve s’est concrétisé en Israël. J’aime de tout mon coeur Israël. J’ignore ce que le futur réserve aux Israéliens. La seule chose dont je suis très sûr, c’est que je ne pourrais vivre nulle part ailleurs. Je veux continuer à me battre ici, chez moi, en Israël, pour changer les choses qui me révoltent profondément, notamment les injustices sociales criantes qui sévissent dans mon pays.”

In an interview from his home in Tel Aviv, author and filmmaker Etgar Keret talks about the challenges of living there while the war with Hamas in Gaza continues.