La FÉDÉRATION CJA de Montréal est confrontée à de nombreux défis, rappellent unanimement en entrevue le nouveau président de cette institution, Jack Hasen, qui vient de succéder à Marc Gold, et son nouveau directeur général, Andrés Spokoiny.

Jack Hasen (à gauche), nouveau président de la FÉDÉRATION CJA, et Andrés Spokoiny, nouveau directeur général de la FÉDÉRATION CJA.

Natif d’Argentine, Andrés Spokoiny, 41 ans, a un curriculum professionnel très marquant. Avant d’assumer les fonctions de directeur général de la FÉDÉRATION CJA, il a occupé un poste de direction au Département des Ressources humaines d’IBM en Amérique Latine et dirigé le Département chargé de prodiguer une assistance aux Communautés juives d’Europe de l’Est du Bureau Européen, sis à Paris, de l’American Jewish Joint Distribution Committee. Pour ce directeur communautaire chevronné et polyglotte -il parle couramment l’anglais, le français, l’espagnol et l’hébreu-, les défis à relever sont de deux ordres.

“J’ai un défi personnel et familial à relever. Moi, mon épouse et mes deux enfants, âgés de 5 et 3 ans, devons nous adapter aux réalités d’un nouveau pays et d’une nouvelle société. Nous avons le privilège d’avoir été accueillis très chaleureusement au sein de la magnifique Communauté juive de Montréal. Au niveau professionnel, j’ai aussi un autre grand défi à relever: comprendre les particularités de la Communauté juive montréalaise dans toute sa complexité, qui est fascinante et très riche en termes juifs.”

Le défi que la FÉDÉRATION CJA s’est fixé pour les prochaines années, ajoute Andrés Spokoiny, c’est de “restructurer” et “redéfinir” la manière dont cette institution communautaire, fondée il y a 90 ans, opère.

“Le modèle de gestion communautaire de la FÉDÉRATION CJA de 2009 répond à des réalités qui sont quelque peu dépassées. Pour répondre plus adéquatement aux défis auxquels la Communauté juive de Montréal fait face aujourd’hui et desservir le plus efficacement possible ses membres, la FÉDÉRATION CJA doit modifier sa façon de travailler, dit-il. Les défis sont de taille: créer les conditions favorables pour que les Agences de la FÉDÉRATION CJA coopèrent plus étroitement afin de centraliser davantage les Services offerts; répondre adéquatement aux besoins sociaux, qui sont plus grands en période de crise économique; renforcer l’identité juive de nos jeunes; joindre les Juifs qui ne fréquentent pas la Communauté institutionnelle; gérer l’important Dossier de l’Éducation juive… Notre plus grand défi est de bâtir une tente assez grande pour que tous les Juifs de Montréal se sentent comme chez eux dans notre Communauté. Nous avons comme tâche l’édification de la Communauté juive de Montréal du XXIe siècle. Et si nous le faisons bien -ce dont je suis certain-, notre Communauté deviendra un modèle pour les autres Communautés juives de la Diaspora.”

Pour Jack Hasen, le processus de restructuration initié par la FÉDÉRATION CJA il y a trois ans va se poursuivre car, selon lui, il est “impératif de bâtir une FÉDÉRATION CJA dynamique, créative et synergique capable de répondre aux besoins des membres de notre Communauté”.

“Ce processus de restructuration dans lequel nous nous sommes engagés avec une profonde conviction est la seule voie pour affronter le défi des changements majeurs que les nouvelles réalités socio-économiques nous imposent. Nous avons commencé à ériger les fondations sur lesquelles nous pourrons bâtir un avenir fort et prometteur”, dit-il.

Pour mener à bien cette restructuration, la FÉDÉRATION CJA a entrepris une vaste ronde de consultations auprès des principaux acteurs de la Communauté juive institutionnelle de Montréal et de groupes et d’individus non affiliés à celle-ci.

“Cette large consultation va nous permettre d’identifier le modèle de Communauté juive que nous désirons bâtir pour l’avenir et de définir le rôle que la FÉDÉRATION CJA devra y jouer. Nous voulons écouter les points de vue de tous les segments de notre Communauté. Nous tenons absolument à ce que les organismes et les individus non affiliés à notre Communauté participent aussi à cette consultation. Leurs vues concernant l’avenir des Juifs de Montréal sont très importantes pour nous. Cette consultation se fera par le biais de sondages, de groupes de discussion, d’assemblées publiques…”, précise Jack Hasen.

La récente crise économique, qui a frappé de plein fouet de nombreuses familles de notre Communauté, a contraint la FÉDÉRATION CJA a réduire ses coûts d’opération pour l’année budgétaire 2009-2010: des coupes de 3.5 millions de dollars.

“Ça a été un exercice difficile et parfois douloureux car nous avons dû faire des choix ardus. L’étroite collaboration de toutes nos Agences a été essentielle. Nous avons pris les dispositions nécessaires pour que ces coupes budgétaires aient le moins d’impact sur les personnes et les familles desservies par nos Agences. Notre priorité est de continuer à assurer la qualité et le niveau des Services offerts. Nous avons été obligés de faire ces compressions budgétaires parce que la FÉDÉRATION CJA ne peut pas dépenser l’argent qu’elle n’a pas”, explique Jack Hasen.

Les Services les plus prioritaires n’ont pas été affectés par ces réductions budgétaires, spécifie-t-il.

“Malgré les réductions de budget dans l’ensemble de notre réseau, nous n’avons pas sabré dans les programmes prodiguant une aide directe aux individus et aux familles les plus démunies. Nous avons aussi augmenté les fonds destinés aux familles ne pouvant pas défrayer intégralement les frais de scolarité de leurs enfants fréquentant une école juive. Nous avons aussi ouvert “Le Café” afin que des familles et des particuliers démunis puissent bénéficier gratuitement, deux fois par semaine, de repas casher chauds, dans un environnement chaleureux et respectueux. Cette crise économique nous a astreints à être plus créatifs dans la manière dont nous opérons et dispensons nos Services”, constate Jack Hasen.

La crise économique a engendré un nouveau phénomène avec lequel les Agences de la FÉDÉRATION CJA oeuvrant dans le domaine social doivent désormais composer: l’apparition de “nouveaux pauvres”, des individus et des familles de la classe moyenne, qui jusque-là avaient un niveau de vie satisfaisant, qui du jour au lendemain se sont retrouvés dans une situation de détresse, rappelle Andrés Spokoiny.

“À la détresse au niveau financier que vivent ces “nouveaux pauvres” est venue s’ajouter une grande détresse psychologique. Bon nombre de ces personnes ou familles, qui jusqu’ici n’avaient jamais sollicité de l’aide, sont très mal à l’aise avec l’idée de recourir aux Services offerts par notre Communauté. L’ouverture du “Café” est une réponse tangible et directe à ce problème. Des particuliers et des familles qui n’auraient jamais recouru à “une soupe populaire” fréquentent “Le Café” car ils se retrouvent dans un cadre plus convivial et mieux adapté à la dure réalité qu’ils vivent. Cette “nouvelle pauvreté” oblige les Agences de la FÉDÉRATION CJA à offrir certains de leurs Services d’une manière différente.”

Pour les dirigeants de la FÉDÉRATION CJA, renforcer l’identité juive, surtout des jeunes, c’est une priorité cardinale.

“Le Projet Génération J nous permet d’offrir de nouvelles ressources créatives pour aider les jeunes et les jeunes familles à développer une identité juive forte et un sentiment d’appartenance à notre Communauté, dit Jack Hasen. Une identité juive forte est le principal gage pour assurer un avenir prometteur à notre Communauté.”

Une vision de l’avenir que partage entièrement Andrés Spokoiny.

“Les tendances démographiques de la Communauté juive de Montréal nous incitent à investir davantage dans les programmes visant à mantenir et à renforcer l’identité juive de nos jeunes, dit-il. En mettant en branle le Projet Génération J., la FÉDÉRATION CJA a été visionnaire et très avant-gardiste dans ce domaine fondamental pour l’avenir du Judaïsme montréalais.”

Selon Andrés Spokoiny, le leadership de notre Communauté doit être à l’écoute des jeunes, dont les aspirations et la vision de l’avenir sont bien différentes de celles de leurs aînés.

“La jeunesse juive, moteur et source d’inspiration de nos Communautés, est en pleine mutation. Celle-ci n’a pas les mêmes modèles d’engagement social que ceux bâtis par la génération précédente. Nous avons le devoir en tant que leaders communautaires de proposer à nos jeunes des projets mobilisateurs et de mettre à leur disposition des outils d’intervention efficients et adaptés à leurs besoins pour que ces derniers puissent réaliser leurs desseins communautaires. C’est un défi global auquel toutes les Communautés juives sont aujourd’hui confrontées. Mais, surtout n’oublions pas que ces changements doivent être faits dans un esprit de continuité.”

Jack Hasen est convaincu qu’en ces temps économiques ardus, les membres de notre Communauté comprendront bien le message de la Campagne de l’Appel Juif Unifié de cette année.

“C’est surtout quand les temps sont durs économiquement que ceux qui peuvent aider nos frères et soeurs les plus nécessiteux doivent se montrer généreux. Nous comptons énormément sur leur générosité pour relever les grands défis auxquels notre Communauté fait face.”

En ce qui a trait aux relations entre la FÉDÉRATION CJA et la Communauté sépharade unifiée du Québec (C.S.U.Q.), Jack Hasen les qualifie d’“excellentes”.

“Nous travaillons très étroitement, sur une base régulière, avec les leaders de la C.S.U.Q. Nous explorons sérieusement avec la C.S.U.Q. des voies pour refléter le plus équitablement possible la diversité de notre Communauté dans nos structures et nos cultures organisationnelles. Nous coordinons ensemble des programmes dans les domaines où nous pouvons coopérer. La C.S.U.Q. est un partenaire très important de la FÉDÉRATION CJA.”

New Federation CJA president Jack Hasan and its new executive director, Andrés Spokoiny, talk about the the organization’s plans for this year.