‘Tribune Juive’ un modèle d’intégration au Québec

L’ancien Premier ministre du Québec, Bernard Landry, a rendu un élogieux hommage au magazine interculturel montréalais Tribune Juive et à sa fondatrice et éditrice, Ghila Sroka, au cours du lancement de la dernière livraison de cette publication, qui fête cette année ses 25 ans d’existence.

La fondatrice et éditrice du magazine interculturel montréalais “Tribune Juive”, Ghila Sroka, en compagnie de Bernard Landry, ancien Premier ministre du Québec (à droite), et de l’écrivain Dany Laferrière (à gauche), à la Librairie Renaud-Bray de Côte-des-Neiges lors de la soirée de lancement du numéro spécial que Tribune Juive vient de consacrer au thème de la Tolérance. [Photo: Edmond Silber]

Le lancement de cet excellent numéro spécial de Tribune Juive, consacré à “la tolérance et la différence”, a eu lieu à la Librairie Renaud-Bray de Côte-des-Neiges.

Bernard Landry est le président d’honneur du magazine Tribune Juive.

Des personnalités du monde culturel et littéraire québécois, des leaders de la Communauté juive de Montréal et de nombreux amis de Ghila Sroka étaient présents à cette soirée.

“Ma chère Ghila, ta grandiose intégration au Québec est un modèle pour tous les Québécois et les Québécoises. Il y a d’autres personnes présentes ici ce soir qui se sont intégrées aussi d’une manière exemplaire à ce pays qu’est le Québec, qui en vaut la peine. Tu sais très bien que le mot tribun n’a pas de féminin en français dans le même sens. Mais, s’il en avait un, ce serait: “Ghila, la Tribune Juive!” Je suis venu rendre hommage à Tribune Juive, une publication essentielle à la vie culturelle, à la vie politique et à la vie sociale du Québec. Mais, je suis surtout venu rendre hommage à celle qui a créé et animé ce remarquable magazine interculturel d’une façon grandiose. Mon amie Ghila est une résiliente et une combattante à tous égards, qui a beaucoup contribué à notre vie et à notre tradition nationale de tolérance”, a dit Bernard Landry dans son allocution.

L’ex-chef du Parti Québécois souligna l’“extraordinaire apport” des Juifs québécois à la société québécoise et leur “contribution notoire” au développement du Québec contemporain.

“La Communauté juive a joué un très grand rôle dans le développement culturel, économique et social du Québec. Elle l’a joué de diverses façons. Pour les Ashkénazes, l’intégration a été un peu plus longue et un peu plus difficile. Reconnaissons-le. Je ne leur en fais pas le reproche. Je les comprends. Il y avait une difficulté linguistique au départ. Il y a eu aussi des considérations stratégiques. Mais pour les Sépharades, ça a été vite et bien. Leur intégration à la société québécoise a été extraordinairement réussie. Il faut construire dans cette voie, en dépit des déceptions et des incidents. Mais, pour poursuivre dans cette voie, il faut des instruments culturels profonds qui rapprochent tous les Québécois, comme le magazine Tribune Juive. Dans la vie nationale, malgré mon obsession économique, j’ai toujours pensé que la culture est souveraine, que la culture sauve et qu’elle passe avant l’économie. Stephen Harper le saura désormais jusqu’à la fin de ses jours.”

L’économie est “un support indispensable pour la culture”. Mais, “la culture est salvatrice”, ajouta Bernard Landry.

“Il y a des peuples malheureux qui ont vécu dans des régimes économiques insoutenables, je pense au communisme en particulier, qui était basé sur un idéal fantastique, mais qui a fini d’une façon désastreuse. Qu’est-ce qui a sauvé les pays communistes de la détresse et du chagrin le plus sombre? La culture. Au Québec, on n’a pas eu de malheur de ce genre, et en plus on a une culture vigoureuse, qui rayonne aujourd’hui dans le monde entier grâce à des artistes très talentueux, comme Céline Dion, et  des multinationales culturelles d’une grande ingéniosité, comme Le Cirque du Soleil. C’est tout ça le Québec d’aujourd’hui. Le Québec, c’est à la fois l’Europe et l’Amérique, mais c’est beaucoup plus que ça. Le Québec de cette première décade du XXIe siècle, c’est le monde entier qui converge chez nous pour construire ici un pays qui, je l’espère, sera exemplaire.”

Pour le grand écrivain québécois d’origine haïtienne Dany Laferrière, un proche ami de longue date de Ghila Sroka, qui prit la parole au cours de cette soirée, la fondatrice et éditrice de Tribune Juive est “un personnage très singulier et incontournable” dans le paysage culturel et social québécois.

“Ma grande amie Ghila, c’est à prendre ou à laisser! Si tu ne l’aimes pas, tu ne l’aimes pas! Tu vas lui trouver vingt mille défauts. Elle est agaçante, insupportable, intolérable, indifférenciable… Elle est tout ce que tu veux! Et si tu l’aimes, aussi tu prends tout: son intolérance, son agacement… Tous ses défauts deviennent alors des qualités. C’est ce qui fait d’elle la conscience morale de cette ville. Ghila est ce que Bernard Landry appelle très justement “une conscience politique”, “une conscience sociale” au Québec. Il y a des individus dans une ville qui s’ils n’y étaient pas, la ville serait plus désolante, il y aurait quelque chose qui manquerait. Ce sont des personnes très singulières qui ont une manière de transfigurer la douleur et d’en faire quelque chose de vivant, qui devient comme un foyer lumineux qui attire les gens. Ghila est de ces personnes-là. Malgré la maladie contre laquelle elle se bat fougueusement depuis plusieurs années, elle ne s’est jamais découragée face aux écueils. C’est sa manière d’agir, sa manière de se débattre dans la vie. Quand je pense à elle, je me souviens d’une phrase de l’écrivaine française Françoise Sagan: “Si vous voulez éviter un accident, il faut accélérer!” Je suis toujours étonné de voir cette Dame à bout de bras non seulement faire ses magazines, mais faire aussi quelque chose que j’ai vu très rarement chez les gens: se faire des amis.”

Ce numéro spécial de 88 pages de Tribune Juive, intitulé “Tolérance et différence. Le Québec ne doit pas être une pyramide mais un amphithéâtre”, recèle de nombreuses réflexions sur ce thème, toujours d’une brûlante actualité, d’écrivains, d’intellectuels, de cinéastes et de penseurs renommés du Québec, du Canada, de France et d’ailleurs.

“Face à la haine raciale, aux pratiques discriminatoires, aux intégrismes religieux, quel citoyen du Québec imaginerait de prêcher autre chose que la tolérance? Je souhaite ici apporter, avec beaucoup d’humilité, une contribution à la réflexion sur la nature du combat contre l’intolérance. Ce numéro spécial de Tribune Juive, au demeurant, est en lui-même un premier signe: nul ne peut faire l’économie d’une telle réflexion, car l’intolérance est partout une menace dans le monde. Si les valeurs le sont, les antivaleurs, elles aussi, peuvent être universelles. J’aurais aimé être en mesure de dire que, sur ce point, le Québec fait exception. Mais, la société québécoise est aussi confrontée au fléau de l’intolérance. Elle est traversée par la multiplicité des formes de ce phénomène dans sa relation complexe à l’étranger, dans sa relation ambiguë à l’universalité et à la parité, dans sa volonté réparatrice qui tolère les discriminations en prétendant les réprimer, qu’il s’agisse du choix de sa sexualité ou de regarder en face les inégalités sociales”, écrit Ghila Sroka dans l’éditorial introductif de ce numéro spécial de Tribune Juive.

Ghila Sroka, founder and editor of the Tribune Juive, was praised for her work at the launch of the latest special edition, on the subject of tolerance. The multicultural magazine celebrates its 25th anniversary this year.