Le Maroc appelle au boycott d’Israël

Le Maroc ne participera pas à l’édition 2008 du Salon du Livre de Paris, qui se tiendra du 14 au 19 mars, parce qu’Israël est l’invité d’honneur. Le ministère de la Culture du Maroc a demandé aux éditeurs marocains de ne pas se rendre à Paris pour prendre part à cette importante manifestation culturelle.

C’est ce que rapporte le magazine marocain francophone Tel Quel.“Le Stand W74 du Salon du Livre de Paris restera vide. Les éditeurs marocains boudent la manifestation parce qu’Israël en est l’invité d’honneur. La décision de boycott a été prise par le gouvernement “sur proposition de Touria Jabrane, Ministre de la Culture du Maroc”, rapporte une source proche du ministère de la Culture marocain” -information publiée dans l’édition de Tel Quel du 24 février 2008-.

La décision du Maroc de boycotter le Salon du Livre de Paris 2008 a été aussi rapportée par le très crédible magazine français Le Point, dans son édition du 21 février 2008.

“Les éditeurs algériens et marocains ne participeront pas au Salon du Livre de Paris, dont l’invité d’honneur est Israël, sous le prétexte qu’il s’agit là de fêter le 60ème anniversaire de la création de l’État hébreu. La Tunisie est sur le point de s’aligner sur ses voisins. La consigne, qui émanerait de la Ligue Arabe, a été adoptée par les gouvernements de ces deux pays et relayée vers leurs ministères de la Culture. Au Maroc, certains éditeurs marocains ont aussitôt réagi et décidé de venir à Paris à leurs frais, sans figurer sous la bannière Maroc. Ils en ont été fortement dissuadés par leur ministère de la Culture, sous peine de représailles. Le stand loué et équipé par l’Ambassade de France au Maroc restera donc vide. Une catastrophe pour ces éditeurs francophones, le Salon du Livre de Paris étant leur seule vitrine sur la distribution française, essentielle à leur survie”, écrit le journaliste Christophe Ono-Dit-Biot dans Le Point.

D’après L’Économiste, le plus important quotidien économique du Maroc, la décision de boycotter cette année le Salon du Livre de Paris a été prise au plus haut niveau du gouvernement marocain.

“La Ministre de la Culture, Touria Jabrane, a annoncé cette décision le dernier jour du Salon international de l’Édition et du Livre (SIEL) de Casablanca. “C’est une décision du gouvernement marocain qui respecte les sentiments des Marocains et des Arabes car, déjà, plusieurs voisins du Maghreb ont renoncé à aller à Paris”, a-t-elle assuré. Israël fêtera 60 ans d’existence. Pour un responsable du ministère de la Culture, “ces 60 ans représentent des décennies de violence envers le peuple palestinien. Et, bien entendu, le Maroc soutient la Palestine””, écrit la journaliste de L’Économiste, Loubna Moussali, dans l’édition du 27 février 2008.

 L’Ambassade du Maroc en France a confirmé au Canadian Jewish News que le Maroc ne participera pas cette année au Salon du Livre de Paris. Elle a cependant refusé de nous préciser la raison pour laquelle le Royaume chérifien boudait cet événement. “Nous n’avons aucun commentaire à faire sur ce sujet”, nous a dit une responsable des Relations avec la presse à l’Ambassade du Maroc à Paris.

Même son de cloche au ministère de la Culture du Maroc à Rabat, que le Canadian Jewish News a joint. Un porte-parole de ce ministère a catégoriquement refusé de confirmer ou démentir les informations ayant trait au boycott du Salon du Livre de Paris 2008.

Trente-neuf écrivains israéliens, dont les romanciers Amos Oz, Abraham B. Yehoshua, David Grossman, Orly Castel-Bloom, Aharon Appelfeld, seront cette année les invités d’honneur du Salon du Livre de Paris.

Cette célébration de la littérature israélienne aura lieu durant la visite d’État que le Président d’Israël, Shimon Péres, effectuera en France, du 10 au 14 mars, à l’invitation du Président français, Nicolas Sarkozy. Shimon Péres sera le premier dirigeant étranger en visite d’État en France depuis l’élection à l’Élysée de Nicolas Sarkozy. Le Président français et son hôte israélien inaugureront le Salon du Livre de Paris le 13 mars.

David Bensoussan, président de la Communauté sépharade unifiée du Québec (C.S.U.Q.), déplore que les éditeurs marocains se soient associés à cette campagne de boycott contre Israël.

La Communauté Sépharade Unifiée du Québec entretient des relations très étroites avec les autorités marocaines et leur corps diplomatique en poste au Canada et à Montréal -les représentants attitrés du Maroc au Canada sont invités à toutes les grandes manifestations, notamment culturelles, organisées par la Communauté Sépharade Unifiée du Québec. Ces derniers sont  souvent conviés à prendre la parole lors de ces événements.

“En ce qui concerne le Maroc, je suis peiné de constater que l’ouverture à la démocratie soit limitée car il semble -d’après le magazine Le Point- que des éditeurs marocains aient été découragés à participer au Salon du Livre de Paris. Pourtant, malgré les conditions particulièrement difficiles en Israël, la démocratie y est vibrante. Cette intention de boycott du Salon du Livre de Paris survient alors que nous nous efforçons de renouer le dialogue judéo-arabe, et spécialement le dialogue judéo-marocain. J’aurais souhaité non pas une attitude régressive ou conflictuelle, mais une attitude de dialogue entre les écrivains, qui contribuerait à sortir le Moyen-Orient de l’impasse actuelle.

Si seulement ceux qui vilipendent Israël ont droit à la cité, comment envisager un futur de paix auquel nous aspirons tous? Si seulement ceux qui se refusent à admettre la réalité d’Israël ont droit à la parole, comment le Maroc pourra-t-il s’épanouir dans une telle homogénéité?”, nous a dit David Bensoussan.

Le Président de la Communauté sépharade unifiée du Québec préconise un dialogue franc et ouvert entre les Juifs et les Musulmans marocains.

“En parallèle à certaines ouvertures, j’ai pu noter au Maroc une certaine uniformité d’attitudes. Après 40 ans d’absence, je suis retourné au Maroc, où j’ai pu constater combien les propos de Juifs d’extrême-gauche, ou de Juifs tout à fait marginaux, sont mis en exergue dans les milieux intellectuels. C’est comme si l’on voulait se gargariser de schèmes ressassés sans vouloir poser les bonnes questions ni même vouloir affronter la réalité judéo-marocaine en face dans toute sa diversité, sans vouloir assumer un passé dont on vante la grandeur de la coexistence en omettant systématiquement les moments particulièrement difficiles de cette coexistence. À quand l’ouverture d’esprit dont nous avons tous tant besoin? La liberté de penser n’a pas de borne. Pourquoi enfermer les débats, clôturer les esprits? Faudra-t-il attendre d’autres conflits meurtriers pour comprendre qu’il faut se parler? Pourquoi  retarder inutilement l’avènement d’un dialogue  véritable et celui d’une paix inévitable? Il est grand temps que les bonnes volontés s’expriment et que l’on trace la voie de la paix aux générations de l’avenir.”

La Communauté sépharade unifiée du Québec va t-elle s’enquérir de cette épineuse affaire, ou protester, auprès des autorités marocaines?

“Je préférerais avoir en main un communiqué marocain officiel avant de procéder”, nous a répondu David Bensoussan.

Il est très peu probable que le gouvernement de Rabat émette un communiqué officiel pour “justifier” son boycott du Salon du Livre de Paris 2008. Surtout pas à un moment où le Maroc, qui mène une lutte fougueuse contre les islamistes radicaux -d’après C.N.N.- édition Internet du 21 février 2008-, un réseau islamiste, qui avait planifié des attentats contre des personnalités politiques marocaines et des membres de la communauté juive du Maroc, vient d’être démantelé-, a grandement besoin du soutien de l’Amérique de George Bush et de la France de Nicolas Sarkozy. Donner publiquement son aval à cette campagne de boycott d’Israël, ce serait un camouflet pour ce grand ami du Maroc qu’est Nicolas Sarkozy, qui s’apprête à célébrer en grande pompe la réconciliation, tellement attendue, entre la France et Israël.

Ce boycott d’Israël au Salon du Livre de Paris s’inscrit dans la foulée d’une autre campagne véhémente de boycott anti-israélienne orchestrée par l’Union des écrivains arabes et des intellectuels de gauche italiens contre la Foire du Livre de Turin, qui consacre son édition 2008 à la célébration du 60ème anniversaire de l’État d’Israël. Cette manifestation littéraire aura lieu du 8 au 12 mai prochain.

Le célèbre écrivain marocain Tahar Ben Jelloun, que l’on peut difficilement suspecter de sympathies proIsraël, a publié dernièrement dans le quotidien italien La Repubblica un article pour dénoncer la  campagne de boycott contre  les écrivains israéliens à la Foire du Livre de Turin -on peut lire ce texte dans le Site Internet de l’écrivain (www.taharbenjelloun.org)-.

Tahar Ben Jelloun qualifie cette campagne anti-israélienne  de “stupide”.

“Il faut bien distinguer les choses: la politique d’un État n’est pas assimilable à la production littéraire de cet État. Je suis parmi ceux qui critiquent le plus durement la politique israélienne d’occupation, mais je ne confonds pas Ehoud Olmert avec Amos Oz, David Grossman ou Amir Gutfreund, écrit-il. Je peux aussi ne pas aimer tel ou tel ouvrage. Cela n’a rien à voir avec le pays d’origine de celui qui l’a écrit. Boycotter le Salon du Livre de Turin n’a pas de sens. Un peu partout dans le monde des écrivains israéliens rencontrent des écrivains arabes et palestiniens. Leur dialogue n’est pas celui de leurs États. Ils discutent, peuvent même se disputer. Le boycott est un aveu de faiblesse, une façon de généraliser le fanatisme et même de donner à l’État d’Israël des arguments pour se présenter non pas comme occupant des territoires palestiniens, mais comme victime.”

Pour Tahar Ben Jelloun, la logique des instigateurs de cette campagne de boycott anti-israélienne est des plus improductives.

“Je suis en train de lire le dernier roman d’Amos Oz, Vie et mort en quatre rimes, et j’ai mis de côté celui d’Amir Gutfreund, Les gens indispensables ne meurent jamais, pour le lire aux prochaines vacances car il fait 500 pages. Si je comprends bien la logique de ceux qui lancent une campagne de boycott du prochain Salon du Livre de Turin, il faudra que je jette ces deux livres et peut-être même les brûler. Pourquoi? Parce qu’ils sont écrits par des Israéliens. Du même coup, le public israélien devrait lui aussi jeter mes livres traduits en hébreu et les condamner à l’exil. On pourrait continuer ce petit jeu et empêcher par exemple que les poèmes du Palestinien Mahmoud Darwich ne rentrent dans les librairies et les maisons israéliennes. Ce serait une guerre contre la culture d’où qu’elle vienne. Cela est contraire à l’esprit de la civilisation arabe et ne pourrait produire que des catastrophes, élever le mur de l’incompréhension, de la peur et de la haine.”

À l’instar du Maroc, de l’Algérie et, fort probablement, de la Tunisie, les Associations d’écrivains égyptiens ont demandé aussi à leurs membres de boycotter le Salon du Livre de Paris. Le choix d’Israël comme hôte de cette manifestation littéraire a provoqué des réactions très hostiles dans les cénacles littéraires et intellectuels égyptiens.

Morocco is withdrawing from the Salon du Livre de Paris 2008 March 14 to 19 because Israeli writers are the guests of honour, and calling on other countries to boycott the event as well.