Les enjeux économiques des élections en Israël

À quelques jours des élections législatives israéliennes, les enjeux économiques et sociaux semblent relégués derrière les préoccupations politiques et sécuritaires, estime l’économiste franco-israélien Jacques Bendelac.

Jacques Bendelac

Et pourtant, les Israéliens devront choisir entre trois logiques économiques diamétralement opposées: le néolibéralisme de Benyamin Netanyahou, le libéralisme pragmatique de Tzipi Livni et l’interventionnisme d’Ehoud Barak, explique-t-il en entrevue.

Les enjeux économiques immédiats avec lesquels les trois candidats à l’élection du 10 février  prochain doivent composer sont majeurs: le vote du Budget 2009 à la Knesseth, le financement de la facture de la guerre à Gaza: environ 5 milliards de shekels, le ralentissement économique et l’aggravation du chômage.

La pièce maîtresse du programme économique de Benyamin Netanyahou est la baisse des impôts. Il vient de le répéter devant le Congrès annuel du Patronat israélien: la tranche maximale des impôts directs sera abaissée de 46% à 35%, l’impôt sur le bénéfice des sociétés passera de 27% à 18%, précise Jacques Bendelac.

Un autre volet du programme économique de Benyamin Netanyahou concerne les réformes structurelles, appelées tantôt “déréglementation” et parfois “privatisation”.

“Cette année, l’accent est mis sur la réforme du marché foncier: la gestion des terres publiques, qui relève de l’Israel Land Administration”, sera modifiée pour lever les freins bureaucratiques et accélérer les projets immobiliers.”

Le troisième volet du programme économique du chef du Likoud concerne les investissements en infrastructures: le développement des routes et des chemins de fer sera accéléré pour “rapprocher le Néguev et la Galilée du centre du pays, ce qui permettra d’élargir le marché du travail et de réduire les écarts sociaux”.

Le programme économique du Likoud met aussi l’accent sur le soutien public à la Recherche & Développement, le renforcement de l’enseignement supérieur et l’aide à l’emploi des scientifiques et des ingénieurs.

“Netanyahou reste donc fidèle à l’économie de marché et au néolibéralisme économique: moins d’impôts favoriserait la croissance et l’emploi, ce qui permettrait d’augmenter les recettes fiscales. Et moins d’État favoriserait l’initiative privée dont les retombées profiteraient aussi aux couches sociales  les plus défavorisées”, explique Jacques Bendelac.

La candidate Tzipi Livni n’a jamais vraiment dévoilé son credo économique, constate l’économiste.

“Comme tous les partis du centre, Kadima se veut pragmatique. Tzipi Livni répète à qui veut l’entendre qu’Israël doit adopter “une politique prudente et conservatrice, éviter une augmentation inutile des dépenses publiques et soutenir les moteurs de la croissance, principalement les exportations industrielles et technologiques””.

D’après Jacques Bendelac, malgré son pragmatisme de façade, Tzipi Livni est “une libérale convaincue”.

“Elle approuve la baisse des impôts, les coupes budgétaires, la réduction des dépenses sociales et elle s’est même opposée au relèvement du salaire minimum.”

Tzipi Livni accorde aussi une grande importance aux investissements dans les infrastructures dans les domaines de l’éducation, l’énergie et le dessalement de l’eau. Elle affirme qu’elle favorisera l’éducation technologique, même si ce n’est pas “de bon ton”.

Pour faire face à la crise actuelle, Tzipi Livni propose un soutien public aux PME, des crédits à la Recherche & Développement, des programmes de reconversion professionnelle et une réforme de l’assurance chômage.

“Tzipi Livni se dit particulièrement préoccupée par la bureaucratie: elle prône une réforme du secteur public et elle encouragera un allégement des procédures et des formalités que le citoyen doit remplir face à l’Administration.”

Le programme économique que le candidat travailliste, Ehoud Barak, défendra en 2009 peut se résumer en trois mesures qui relèvent des finances publiques, des marchés financiers et de la politique régionale.

Le premier volet concerne les finances publiques. Ehoud Barak prône un accroissement du déficit public pour relancer la croissance, lutter contre le chômage et investir dans les infrastructures.

Le candidat du Parti Travailliste propose aussi de favoriser la régulation du marché financier. Objectif: renforcer la transparence des opérations financières et accroître la confiance des épargnants israéliens envers leurs institutions financières.

Le troisième volet de son programme économique relève davantage de la politique mais il aura des retombées économiques évidentes, note Jacques Bendelac.

“L’objectif d’Ehoud Barak est de relancer les négociations israélo-palestiniennes, si possible dans le cadre d’un règlement régional du conflit. Le leader travailliste reste convaincu que la paix dans la région constitue le meilleur levier de la croissance économique: les investissements étrangers afflueront et la coopération régionale dans le domaine de l’eau et du tourisme profitera à tous les pays frontaliers d’Israël.”

“Reste à savoir si l’électeur israélien saura distinguer les enchères électorales des propositions réalistes. Réponse le 10 février prochain”, conclut Jacques Bendelac.

Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem. Il a enseigné l’économie dans les universités françaises et israéliennes. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles sur les économies israélienne et palestinienne. Ses recherches actuelles portent sur la société civile en Israël. Dernier ouvrage publié: Les Arabes d’Israël (Editions Autrement, Paris, 2008). Jacques Bendelac signe toutes les semaines une chronique économique dans l’excellent Site Internet de la Chambre de Commerce France-Israël: www.israelvalley.com


In an interview, Israeli economist Jacques Bendelac talks about the economic views of the three main candidates for prime minister in Israel’s Feb. 10 elections.