Une économie israélienne très performante

Une mini-révolution s’annonce dans la politique d’immigration du gouvernement israélien. Dorénavant, une firme multinationale qui voudra envoyer son analyste financier se perfectionner à Tel-Aviv devrait voir les formalités admi-ni-stratives simplifiées.

En s’attaquant à la bureaucratie, le gouvernement israélien tente de rééquilibrer sa politique d’immigration. D’un côté, les travailleurs immigrés non spécialisés seront reconduits à la frontière alors que, de l’autre côté, les spécialistes étrangers de la finance seront encou-ra-gés à venir se perfectionner en Israël.

“Cette mesure vise à inciter les multinationales à s’implanter en Israël et à renforcer les équipes travaillant dans leur filiale israélienne. Dans l’éco-no-mie globale d’aujourd’hui, la finance est un des secteurs qui exige une grande mobilité géographique et professionnelle”, explique l’éco-no-miste franco-israélien Jacques Bendelac.

Dans le secteur de la finance, la mobilité géographique concerne des métiers très divers: éco-no-mistes, juristes, comptables, gestionnaires, analystes, brokers, gérants de fonds d’investissement…

Parmi les mesures que le ministère israélien de l’Intérieur envisage pour fa-vo-ri-ser la venue de ces spécialistes étrangers: la réduction de la durée des formalités de 120 à 21 jours seulement; l’octroi d’un visa de travail au conjoint du spécialiste; des visas spéciaux pour les jeunes stagiaires; une procédure accélérée de délivrance de visa (quelques jours) pour les cas d’urgence.

Selon le quotidien éco–no–mique israélien Globes, cette panoplie de mesures est actuellement à l’étude chez le Directeur de cabinet du ministère des Finances. Les changements proposés présentent l’avantage de ne pas exiger de législation particulière, mais seulement des décrets et des règlements mi-ni-stériels, ce qui devrait accélérer l’adoption de ces nouvelles mesures.

“La finance n’est pas le seul secteur à exiger l’emploi de spécialistes étrangers. Le secteur de la “restauration ethnique”, c’est-à-dire les restaurants thaïlandais, chinois, hindous et autres, exige depuis longtemps d’accroître le quota de cuisiniers asiatiques autorisés à travailler en Israël. La solution serait de répertorier les “chefs cuisiniers” étrangers dans la catégorie de “spécialistes””, précise Jacques Bendelac.

L’encouragement de l’emploi de spécialistes étrangers de la finance en Israël n’est qu’un des volets de la politique d’immigration que le gouvernement israélien entend mettre en oeuvre dans les mois qui viennent.

Le projet de loi des Finances pour 2009 accorde un chapitre entier à la politique d’Immigration. Dans les cinq années à venir (2009-2013), le gouvernement israélien prévoit de rac-compa-gner à la frontière tous les travailleurs immigrés en situation ir-ré-gu-lière: 102000 individus sur les 186000 immigrés (légaux et clandestins) pré-sents en Israël aujourd’hui. Cette mesure ne pourra avoir des effets tangibles que si le flux d’immigration clandestine s’interrompt.

“N’oublions pas qu’Israël est le pays développé qui compte la plus forte proportion de travailleurs immigrés: 7% de sa population active, contre 4% en moyenne dans les pays de l’OCDE. La politique actuelle vise donc à mieux contrôler les flux de travailleurs étrangers et à fixer des quotas en fonction des besoins de l’économie israélienne”, -explique Jacques Bendelac.

D’après ce spécialiste chevronné des questions politiques et sociales israéliennes, un prochain changement de gouvernement en Israël ne devrait pas avoir un impact sur l’éco-no-mie nationale.

“L’éco-no-mie israélienne est suf-fisam-ment forte pour bien résister à une période d’instabilité politique. Pour l’instant, les marchés financiers sont davantage sensibles aux fluctuations des taux d’intérêt qu’à la valse des gouvernements.”

Élections anticipées ou nouvelle coalition gouvernementale dirigée par le futur leader de Kadima: quelle que soit la future configuration politique, la situation éco-no-mique en Israël ne devrait pas souffrir du choc politique de la rentrée, prédit Jacques Bendelac.

Ces vingt dernières années, l’influence des élections législatives sur l’éco-no-mie israélienne va en diminuant. L’État a réduit ses interventions dans l’activité éco-no-mique et “l’éco-no-mie électorale” tend à se rétrécir.

En 2008, l’éco-no-mie israélienne est davantage influencée par les développements de l’économie globale que par les caprices de la politique intérieure.

“Le seul risque qu’encourt aujourd’hui l’éco-no-mie israélienne serait un dérapage budgétaire incontrôlé. Les formations politiques vont faire monter les enchères pour monnayer leur participation à une coalition gouvernementale. Des lois “populistes” pourraient provoquer des dépenses publiques supplémentaires et un dérapage de l’inflation. Pourtant, le risque de turbulences monétaires reste faible. Le Gouverneur de la Banque centrale, Stanley Fisher, est à l’affût des tensions inflationnistes et n’hésitera pas à relever à nouveau les taux d’intérêt pour pallier à l’instabilité des prix.”

Certes, le vote du Budget 2009 sera retardé jusqu’à la mise en place d’un nouveau gouvernement. Dans ce cas, le budget de 2008 sera reconduit en 2009, ce qui garantira une continuité budgétaire en cas de vacance du pouvoir.

Malgré l’instabilité poli-tique, ajoute Jacques Bendelac, l’éco-no-mie israélienne de cette fin de 2008 présente une santé insolente. La croissance israélienne a bien résisté à la crise internationale. Le PIB poursuit sa hausse au rythme de 4,2% l’an, tiré par les exporta-tions et la consommation des ménages.

En dépit de la hausse des carburants et de la poussée des prix, la “job machine” israélienne tourne à plein régime. Durant le premier semestre de 2008, l’éco-no-mie israélienne a créé 57000 nouveaux emplois, essentiellement dans les branches du commerce et des services aux entreprises. Résultat: le taux de chômage est tombé à 5,9% en août, soit son plus bas niveau depuis 23 ans.

“Reste à savoir comment vont réagir les capitaux étrangers. Bien sûr, les investisseurs préfèrent placer leur argent dans les pays qui font preuve de continuité dans le domaine fiscal et monétaire. En Israël, les investisseurs supposent que la politique éco–no–mique ne changera pas fondamentalement avec la mise en place d’un nouveau gouvernement. L’incertitude politique ne devrait donc pas trop influencer les marchés et l’économie israélienne devrait garder le cap d’une croissance modérée”, croit Jacques Bendelac.

Économiste, enseignant et chercheur, Jacques Bendelac a enseigné l’éco-no-mie dans des universités françaises et israéliennes. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, articles et travaux de re-cherche sur les éco-no-mies israélienne et palestinienne. Ses recherches actuelles portent sur la société civile en Israël. Dernier ouvrage publié: Les Arabes d’Israël (Editions Autrement, Paris, 2008). Jacques Bendelac signe toutes les semaines une chronique économique dans le Site Internet de la Chambre de Commerce France-Israël: –www.Israelvalley.com

Economist Jacques Bendelac talks about the impact government policy changes could have on the Israeli economy.