Le 3e Festival du Film israélien de Montréal

La 3ème édition du Festival du Film israélien de Montréal donnera le coup d’envoi officiel du Festival Séfarad 2008. Cette importante manifestation culturelle, organisée par la Communauté sépharade unifiée du Québec, aura lieu du 1er au 24 juin.

Cette année, 15 longs métrages, sélectionnés dans une cuvée cinématographique où figurent plusieurs films primés récemment par l’industrie du cinéma international, pour la plupart présentés en première nord-américaine, seront à l’affiche au Cinéma du Parc du 1er au 5 juin (voir le programme complet sur le Site internet du Festival Séfarad: www.sefarad.ca).

Nous avons interviewé le maître d’oeuvre de ce remarquable événement cinématographique, Charles Zrihen, fondateur et directeur du Festival du Film israélien de Paris.

Canadian Jewish News: Quelle est la principale particularité du Festival du Film israélien de Montréal?

Charles Zrihen: Ce qui fait la beauté du Festival du Film israélien de Paris et de son pendant montréalais, c’est que ces Festivals ne sont pas des manifestations purement communautaires. Il y a aujourd’hui un engouement pour les films israéliens dans le monde entier. À Paris, ces deux derniers mois, trois films israéliens à l’affiche, et pas des moindres, ont fait un tabac -My Father, my Lord; La visite de la Fanfare; Beaufort-.

La 1ère et la 2ème éditions du Festival du Film israélien de Montréal ont été pour moi une expérience très enrichissante. Jusque-là, je ne connaissais pas du tout le Québec, ni Montréal, que j’avais visité une seule fois il y a quelques années. J’ai vu dans la salle des Québécois francophones, des Hindous, des Noirs, des Canadiens anglophones… J’ai compris alors que le courant commençait aussi à passer à Montréal. C’est une autre preuve patente que le cinéma israélien est vraiment universel, quel que soit le background culturel du public.

C.J.N.: Comment avez-vous choisi les films que vous nous présenterez à Montréal du 1er au 5 juin prochain?

Ch. Zrihen: Cette année, c’est un peu particulier parce que nous commémorons le 60ème anniversaire de la création de l’État d’Israël. Nous présenterons dans la 3ème édition du Festival du Film israélien de Montréal des films qui ont connu un grand succès à Paris.

Nous nous sommes limités aux longs métrages. J’ai choisi des films qui ont bien marché en Israël, notamment auprès d’un public francophone. Ce sont des films récents que j’ai choisis après les avoir visionnés dans les Festivals du Film de Jérusalem, de Haïfa, au DocAviv -le Festival des documentaires de Tel-Aviv-.

Une première sélection a été faite à partir de là. La sélection finale a été faite en nous basant sur plusieurs critères, à mes yeux très importants: l’esthétique de l’oeuvre; sa dimension artistique; la qualité du film -il fallait que ce soit un bon film, qui tienne la route-, l’intérêt que le film pourrait susciter auprès du grand public… Être simplement un film israélien, ce n’est pas un critère suffisant.   

C.J.N.: Ce Festival du Film n’est-il pas un miroir de la société israélienne très hétéroclite de ce début du XXIe siècle?

Ch. Zrihen: Absolument, c’est l’un des buts de ce Festival du Film israélien. Quand je l’ai lancé il y a huit ans, c’était pour montrer Israël sous son vrai visage, le montrer au quotidien, en dehors de ce qu’on peut voir au Journal télévisé de vingt heures et en dehors de la propagande anti-israélienne, et souvent antisémite, tous azimuts.

Je voulais montrer, par le biais du cinéma, qu’Israël est un pays comme les autres, où il y a des gens ordinaires qui vivent, qui pleurent, qui rient, qui chantent, qui vivent des belles histoires d’amour, des drames… comme partout ailleurs. Le cinéma israélien est à l’image du pays: multifacettes. Israël est un pays composé de gens provenant de nombreux pays, ayant des backgrounds culturels très différents. Ce sont tous ces individus et ces groupes qui forment l’Israël multiculturel et très bigarré d’aujourd’hui.

C.J.N.: Le cinéma israélien contemporain est donc le fidèle reflet de ce melting-pot.

Ch. Zrihen: Tout à fait. C’est ce qui explique ma grande passion pour Israël, pays où je vis la moitié de mon temps. Israël est un pays constamment en gestation, où la tension est sous-jacente, palpable. On n’a pas besoin de faire des documentaires pour expliquer le drame qui se joue à chaque minute dans ce pays, il suffit de sillonner ses rues. On rencontrera alors des Juifs et des Arabes, on entendra parler l’hébreu et l’arabe… Cette réalité fait partie du quotidien des Israéliens. Quand on prend un bus, on ignore si on arrivera vivant à sa destination ou si on explosera en cours de route. Quand on vit avec cette espèce de pression, on devient fou ou alors on exulte. C’est pour cela que les Israéliens vivent à trois cents à l’heure!

C.J.N.: Le cinéma israélien a une portée universelle très forte. C’est ce qui explique, en partie, le succès qu’il connaît aujourd’hui au niveau international?

Ch. Zrihen: Oui. C’est ça qui est très touchant dans le cinéma israélien d’aujourd’hui. Il suffit de changer la bande son et de faire parler les protagonistes d’un film israélien en français, en espagnol, en anglais, en turc… L’histoire reste la même, mais avec en background Tel-Aviv, Jérusalem, Haïfa… C’est vrai que l’histoire en question se passe dans une famille juive, il y a un côté intrinsèque -le côté israélien-, mais les thèmes abordés et les récits relatés sont universels: des histoires d’amour, de famille, de trahison…

C’est clair que le cinéma israélien contemporain est surtout un cinéma d’auteur. C’est un cinéma qui est fait pour intéresser les gens qui ont un peu de sensibilité. Cela étant dit, je ne veux pas être l’avocat du diable! Mais, c’est vrai que ces dernières années, beaucoup de films israéliens avaient pour but, pour arrière-pensée, de toucher un public international.

C.J.N.: Le cinéma israélien a connu ces dernières années un essor impressionnant.

Ch. Zrihen: Oui, on assiste depuis quelques années à une véritable explosion du cinéma israélien. La nouvelle Loi du cinéma -au début de l’an 2000, quelque 10 millions de dollars ont été injectés dans les milieux cinématographiques israéliens- a donné un coup de boost aux productions cinématographiques en langue hébraïque. On est ainsi passé de trois ou quatre productions cinématographiques par an à une vingtaine de productions par an. Il y a aujourd’hui en Israël deux Fondations qui financent des films. Il y a treize écoles de cinéma, dont cinq très réputées. Pour un petit pays comme Israël, c’est énorme. Il y a aujourd’hui une véritable pépinière de talents. Ce ne sont pas toujours les mêmes réalisateurs qui reviennent tous les deux ou trois ans, comme c’est le cas dans d’autres pays. Nous assistons vraiment à une éclosion de nouveaux talents, qui arrivent à maturité et qui ont la chance de faire leurs films et de les montrer dans le monde entier.

C.J.N.: C’est un cinéma iconoclaste, qui n’hésite pas à dévoiler les facettes les plus hideuses de la société israélienne.

Ch. Zrihen: C’est un cinéma houtzpanik, c’est-à-dire qui n’hésite pas transgresser les normes sociales. Aujourd’hui, la plupart des cinéastes israéliens sont des jeunes créateurs qui n’ont pas peur de se remettre en question et de remettre en question la société dans laquelle ils vivent. Avec eux, on est loin du Eretz Israël idéal dont les Juifs de la Diaspora rêvent. On n’est plus à l’époque de Moshé Rabbénou descendant de la montagne du Sinaï avec les tablettes de la Loi juive.

On nous présente le Tel-Aviv d’aujourd’hui comme Sodome et Gomorrhe. Ben Gourion disait qu’Israël ne serait un vrai pays que le jour où il aurait aussi ses prostituées. Aujourd’hui, en 2008, en Israël, il n’y a pas que des prostituées, il y a aussi des mafias. Le pays de la Bible est devenu aussi un haut-lieu de la culture homosexuelle. Il y a de tout! Tel-Aviv, ça n’a plus rien de juif, ni de biblique, c’est plus new-yorkais que New York! Le cinéma israélien ne cesse de nous rappeler ces nouvelles réalités, dérangeantes pour certains, mais des plus vraies.

In an interview, Montreal Israeli film festival founder and director Charles Zrihen talks about the festival, June 1 to 5, which kicks off Festival Séfarad 2008.