AIU-Kol Israël Haverim au Canada

Des élèves de Mikvé Israël

Après avoir mené une fructueuse carrière dans le monde de la finance, Samuel Pinto se consacre aujourd’hui pleinement au mécénat éducatif et culturel.

Il est, depuis 2011, le président d’une œuvre éducative remarquable, Kol Israël Haverim (KIAH) www.kiah.org.il—, la branche israélienne de l’Alliance Israélite Universelle (AIU).

Fondée en 1860 à Paris, l’AIU est la plus importante institution éducative juive francophone mondiale. Elle propose un modèle éducatif alternatif qui a pour but d’assurer la pérennité de l’identité juive en privilégiant la transmission des patrimoines culturel, cultuel et historique du peuple juif, tout en dispensant un enseignement profane de qualité.

En Israël, KIAH s’escrime à promouvoir ce modèle éducatif d’une grande pertinence, particulièrement à une époque où le système éducatif israélien est de plus en plus polarisé entre un enseignement orthodoxe draconien et un enseignement foncièrement laïc.

KIAH sera dorénavant active au Canada par l’intermédiaire de KIAH-Canada, présidée par un leader communautaire montréalais fort dévoué, Ralph Benatar.

Samuel Pinto nous a accordé une entrevue.

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Présentez-nous les principaux champs d’activité et d’intervention de KIAH en Israël.

Avant la création de l’État d’Israël, l’AIU gérait plusieurs établissements scolaires dans la Palestine mandataire. Depuis, KIAH ne gère plus directement des institutions éducatives. Ce sont l’État et les villes qui assument cette charge. Désormais, la mission principale de KIAH est de proposer une série de programmes pédagogiques dans des écoles établies à la périphérie, géographique et sociale, d’Israël, c’est-à-dire dans les régions les plus pauvres du pays. Notre action éducative ne se limite pas aux villes de développement, situées au sud et au nord du pays, où KIAH est très active depuis plusieurs années. Elle se concentre aussi dans les quartiers les plus déshérités de Tel-Aviv, de Bat Yam, de Jérusalem…

KIAH offre ses programmes éducatifs dans des établissements scolaires sis dans des quartiers pauvres où vit une population socialement défavorisée. Nous prodiguons des ressources pédagogiques supplémentaires aux enfants de ces villes dont le système scolaire est à la traîne par rapport à celui des cités les plus nanties d’Israël: Tel-Aviv, Herzliya, Ra’anana… En dépit des grands succès économiques d’Israël, les inégalités sociales n’ont cessé de s’accentuer ces dernières années. KIAH est une institution à but non lucratif dont le budget annuel d’opération est d’environ 10 millions de dollars américains.

 

Le campus de Mikvé Israël

Quelles sont aujourd’hui les principales institutions éducatives israéliennes sous la houlette de KIAH?

Le siège national de KIAH est installé au sein du domaine historique, en plein essor, de Mikvé Israël, situé près de Tel-Aviv, où l’AIU a créé en 1870 la première école agricole du pays. Le nouveau Campus Raymond Leven de Mikvé Israël, d’une superficie de 300 hectares, regroupe trois écoles: un établissement laïc, un établissement religieux et le Collège-lycée franco-israélien Marcel et Lucette Drahi. Trois établissements guidés par la vision éducative d’ouverture qui a toujours été la marque de l’AIU. Une autre institution éducative phare de KIAH est l’École de sourds-muets de Jérusalem. Fondée en 1930, cette école, unique en Israël, dispense ses programmes éducatifs à 90 élèves sourds-muets juifs, musulmans et chrétiens, âgés de 6 à 21 ans. Aussi, en 2012, en étroite collaboration avec la Fondation Rachi-DARCA, KIAH a participé à la création d’un nouveau réseau d’écoles. Aujourd’hui, DARCA gère une trentaine d’écoles en Israël.

 

SAMUEL PINTO

Quels types de programmes offrez-vous?

Nous offrons deux types de programmes: ceux visant à améliorer l’excellence académique et ceux favorisant une éducation basée sur les traditions et les valeurs juives. Nous demeurons fidèles à la philosophie éducative prônée par l’AIU depuis sa fondation, il y a plus de 150 ans. Nos programmes sont offerts dans des écoles pendant quatre ans. Nous dispensons une formation pédagogique aux enseignants, des ateliers éducatifs, organisons des activités de soutien et participons au développement de contenus juifs dans le cadre de l’élaboration des programmes scolaires. Les principaux objectifs des programmes de KIAH sont: enrichir les contenus éducatifs, renforcer les capacités des équipes d’enseignants, intégrer les valeurs juives sociales dans l’environnement scolaire et faire participer activement les élèves.

Dans combien d’établissements scolaires KIAH intervient-elle?

Pendant l’année scolaire 2016-2017, KIAH a mis en œuvre ses programmes dans 73 établissements scolaires —42 écoles de niveau primaire et 31 écoles et lycées de niveau secondaire—. Chaque année, des milliers d’élèves et des centaines d’enseignants israéliens bénéficient grandement des divers programmes éducatifs dispensés par KIAH.

KIAH table sur l’excellence académique.

Absolument. Améliorer le niveau académique de nos élèves est une de nos grandes priorités. Nous proposons des programmes pédagogiques spécifiques pour aider les élèves des classes de terminale —l’équivalent au Québec de la seconde année de cégep— à obtenir de bons résultats à l’épreuve du Baccalauréat. Nous travaillons en étroite concertation avec les enseignants des lycées. Nous offrons aussi un programme pédagogique spécialement conçu pour les étudiantes du niveau secondaire afin de les encourager à s’orienter vers des matières scientifiques. Quelque 2000 filles suivent ainsi des cours additionnels de mathématiques, de physique, de sciences… Les statistiques nous rappellent que beaucoup de filles israéliennes vivant dans des régions et des quartiers défavorisés ne choisissent pas les filières scientifiques. L’objectif de KIAH est de renverser cette tendance fâcheuse. Nous aidons aussi ces étudiantes à renforcer leur pouvoir d’agir (empowerment) en améliorant leur personnalité afin qu’elles soient plus sûres d’elles et plus fortes. Nous offrons aussi des programmes spéciaux à 500 jeunes éprouvant des difficultés d’apprentissage ou souffrant d’un déficit d’attention, de dyslexie…

Qu’est-ce qui différencie les programmes pédagogiques offerts par KIAH des programmes dispensés par les autres institutions scolaires israéliennes?

Les programmes pédagogiques de KIAH se caractérisent par une symbiose entre une éducation universelle de qualité et les valeurs cardinales de la tradition juive, qui constituent le socle de la philosophie éducative préconisée par l’AIU depuis plus d’un siècle et demi. Des valeurs capitales d’ouverture envers autrui, de tolérance et d’humanisme qui, regrettablement, font défaut dans les écoles israéliennes. En effet, en Israël, deux systèmes éducatifs parallèles sont en vigueur: un système laïc, où la transmission des traditions juives est quasi inexistante, et un système religieux, Dati, très fermé, où les valeurs et les traditions juives d’humanisme, de tolérance… ne sont pas enseignées.

Vous proposez donc une troisième voie éducative aux Israéliens?

Nous n’avons pas la prétention de proposer une troisième voie éducative, mais plutôt une nouvelle approche éducative sortant des sentiers battus. Nous nous nous employons à inculquer aux jeunes, depuis le primaire jusqu’au secondaire, de bonnes valeurs d’humanisme, d’ouverture et de tolérance, mais liées aux traditions juives, en particulier aux textes de la tradition sépharade. En Israël, les grands rabbins et penseurs du monde sépharade ne sont pas très connus. Or, les Sépharades sont les légataires d’une tradition rabbinique, culturelle et humaniste qui s’est toujours distinguée notoirement par son haut degré de tolérance et d’ouverture, particulièrement envers les non-Juifs. Il est impératif à nos yeux de transmettre aux jeunes Israéliens ces valeurs fondamentales issues de la tradition sépharade, surtout à une époque charnière pour Israël où le judaïsme orthodoxe est devenu intolérant et où la laïcité est synonyme d’ignorance de la tradition juive et des valeurs millénaires exceptionnelles que celle-ci véhicule. Le modèle d’éducation proposé par KIAH est un antidote contre l’extrémisme, peu importe de quel camp il provient.

Comment envisagez-vous votre nouveau partenariat avec KIAH-Canada?

Nous nous réjouissons qu’une nouvelle branche de KIAH, présidée par Ralph Benatar, ait été créée dernièrement au Canada. Nous espérons que ce nouveau partenariat, fort prometteur, contribuera à soutenir l’action éducative que nous menons en Israël. Un des programmes de KIAH qui pourraient intéresser les Canadiens est celui relié à la Francophonie. Par le truchement d’une série de programmes spécifiques, nous aidons 250 jeunes olim français à mieux s’intégrer dans la société israélienne. Nous enseignons aussi le français à de nombreux jeunes Israéliens dans les lycées de Mikvé Israël. Une autre dimension de notre plein engagement au service de l’éducation en Israël qui intéressera certainement les Canadiens est le travail que nous accomplissons dans les régions et les villes périphériques auprès de jeunes issus d’un milieu socioéconomique défavorisé. Nous allouons chaque année des bourses d’étude à quelque 300 élèves en difficulté matérielle. Nous souhaiterions “exporter” à l’étranger, au Canada aussi, certains de nos programmes éducatifs, particulièrement celui que nous avons mis en œuvre pour encourager les filles à choisir des filières scientifiques. Nous espérons développer avec KIAH-Canada des approches originales pour présenter aux Canadiens nos divers programmes éducatifs de haute qualité.