Des Casques blancs syriens visitent le Musée de l’Holocauste

Muzna Dureid et Majd Khalaf, membres de l’organisation des Casques blancs. (CJN photo)

Sept membres des Casques blancs, une organisation de secouristes volontaires désignée aussi sous l’appellation de Défense civile syrienne, ont visité le Musée de l’Holocauste de Montréal. Ils ont ensuite rencontré l’équipe de direction de cette institution mémorielle.

“En tant que Syrienne, Musulmane et membre active de l’organisation humanitaire des Casques blancs, je suis très privilégiée d’avoir découvert aujourd’hui le Musée de l’Holocauste de Montréal. Cette expérience nous a profondément émus et ébranlés. Le courage et la force de résilience du peuple juif pendant les heures les plus noires de la Seconde Guerre mondiale sont la preuve manifeste que la dignité humaine et la justice finissent toujours par triompher de la barbarie des dictatures. Aujourd’hui, le peuple syrien se bat aussi avec un courage et une détermination inouïs pour survivre à la guerre atroce que le régime de Bachar el-Assad lui a imposée. Nous avons des points communs avec les victimes juives de l’Holocauste. Nous, Syriens, sommes aussi aujourd’hui les victimes d’un dictateur féroce qui tue impunément des civils innocents”, nous a confié Muzna Dureid, agente de liaison et porte-parole officielle des Casques blancs au Canada.

Cette jeune Syrienne de 28 ans, native de Damas, qui s’exprime fort bien en français et en anglais, vit à Montréal depuis deux ans. Elle a obtenu l’asile au Canada grâce au soutien du programme de mentorat Sister to Sister.

Muzna Dureid est aussi la coordonnatrice des programmes de santé offerts aux réfugiés syriens par le Centre social d’aide aux immigrants de Montréal. Elle a été nommée, par le ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion du Québec, membre du Groupe des Trente, de jeunes leaders s’étant particulièrement distingués par leur engagement communautaire et leur militantisme social.

Nous avons interviewé Muzna Dureid et un membre d’une unité de secouristes des Casques blancs, Majd Khalaf, à la fin de leur visite du Musée de l’Holocauste.

Majd Khalaf, 25 ans, né à Idlib, une ville du Nord-Ouest de la Syrie, s’est joint aux Casques blancs dès la création de cette organisation, en 2013. Il n’avait que 19 ans.

Depuis 2011, année où la guerre a éclaté en Syrie, plus de 500 000 civils ont été tués par les forces militaires de Bachar el-Assad. Les quelque 3 000 secouristes volontaires membres des Casques blancs ont porté secours à des dizaines de milliers de Syriens, rappelle-t-il.

“Nous continuons à sauver des vies humaines tous les jours. Nous menons nos opérations dans les zones rebelles et dans des secteurs à haut risque contrôlés par l’armée de Bachar el-Assad. Nous nous rendons sur les lieux des bombardements pour dégager les survivants enfouis sous les décombres et les corps de ceux qui ont été tués par des attaques d’une sauvagerie indescriptible. Nous participons aussi à des opérations de déminage dans diverses zones du pays et prodiguons des soins médicaux de base à des citoyens blessés. Nous travaillons d’arrache-pied, jour et nuit, pour sauver le plus grand nombre de vies et protéger les civils en accord avec les standards régissant l’aide humanitaire internationale. Nous nous heurtons à de nombreux écueils car nos équipes sont quotidiennement la cible de l’armée syrienne et des avions de chasse russes qui prêtent main-forte au régime de Bachar el-Assad”, explique Majd Khalaf.

Le travail remarquable accompli par les Casques blancs a été reconnu et encensé par plusieurs associations humanitaires internationales. Depuis sa création il y a 6 ans, cette organisation de secours civil syrienne a reçu 21 prix internationaux. Un film documentaire très poignant relatant les conditions de travail ardues des Casques blancs, diffusé sur Netflix, s’est mérité, en 2017, l’Oscar du meilleur court métrage documentaire.

Le 29 avril prochain, le Musée du mémorial de l’Holocauste à Washington décernera à l’organisation des Casques blancs l’une de ses plus prestigieuses distinctions honorifiques: le prix Elie Wiesel.

L’été dernier, quelque 800 membres des Casques blancs et leurs familles ont été évacués dans le plus grand secret par la Division Bashan de l’armée israélienne (une unité d’intervention de Tsahal déployée dans le Nord d’Israël depuis le début de la guerre en Syrie). Ces Syriens, dont les noms avaient été transmis quelques jours auparavant aux autorités militaires israéliennes, se sont rendus en catimini pendant la nuit à deux points d’entrée du territoire israélien situés près de Qouneitra et sur le plateau du Golan. Ils ont ensuite été transportés en autobus jusqu’à la frontière avec la Jordanie qui les a accueillis temporairement. Israël a fait savoir que ce geste humanitaire ne devait pas être interprété comme un assouplissement de sa politique migratoire. L’État hébreu a toujours refusé d’accueillir des réfugiés syriens sur son territoire.

À l’été 2018, le Canada aussi, avec l’appui de ses alliés, a coordonné une opération d’évacuation qui a permis à une centaine de Casques blancs et à leurs familles de quitter le territoire syrien. Une vingtaine d’entre eux ont été accueillis comme réfugiés au Canada.

Majd Khalaf déplore que les Casques blancs soient l’objet d’une campagne de dénigrement virulente, menée à l’échelle internationale, savamment orchestrée par le régime de Bachar el-Assad et son allié inconditionnel, le gouvernement de Vladimir Poutine.

“Assad et les autorités russes ne cessent de claironner que les Casques blancs sont une organisation contrôlée par la mouvance terroriste Al-Qaïda. Ils s’escriment à relayer cette fausse information via Internet et les réseaux sociaux. C’est une campagne de propagande mensongère qui vise à ternir notre image. La meilleure réponse à ces attaques calomnieuses est le bilan très éloquent des actions de sauvetage et d’aide humanitaire que nous menons tous les jours sur le terrain dans les zones de la Syrie ravagées par la guerre. C’est le plus sévère camouflet que nous pouvons infliger à nos détracteurs. ”

Muzna Dureid tient à rappeler que les Casques blancs incarnent avec fierté “une noble conception de la dignité humaine”.

“Notre organisation, qui est totalement apolitique et dénuée d’idéologie, n’a qu’un seul objectif: porter secours à des personnes innocentes en danger de mort. Ce qui anime les Casques blancs c’est avant tout la solidarité entre les humains, peu importe leur race, leur religion ou les frontières qui les séparent, dit-elle. Ce qui se joue aujourd’hui en Syrie, c’est indéniablement l’avenir d’une certaine conception de la dignité humaine. C’est pourquoi nous sommes résolus à poursuivre sans relâche notre mission humanitaire.”