La spécificité du programme d’études juives de l’École Maïmonide

Le Rabbin Yamin Benarroch (CJN photo)

Le Rabbin Yamin Benarroch est depuis cinq ans le directeur des études juives de l’École Maïmonide.

Né à Tanger (Maroc), ayant grandi à Winnipeg et vécu en Israël pendant plusieurs années, cet éducateur chevronné a un parcours marquant dans le monde de l’éducation juive.

Avant de se joindre à l’École Maïmonide, il a été membre de l’équipe de direction de l’École Hebrew Academy de Côte Saint-Luc.

Au cours d’une entrevue qu’il nous a accordée récemment, le Rabbin Yamin Benarroch nous a livré ses vues et ses réflexions sur les défis auxquels l’éducation juive fait face.

L’une des principales missions éducatives de l’École Maïmonide est de transmettre à ses élèves le riche patrimoine culturel et spirituel sépharade, rappelle-t-il.

“Ce qui constitue la singularité des études juives à l’École Maïmonide, c’est la grande qualité du programme de liturgie sépharade. Dès la troisième année du primaire, nos élèves sont initiés aux piyoutim et aux autres mélopées sépharades. Par ailleurs, notre école se distingue aussi par l’excellence de ses programmes d’hébreu — à la fin du secondaire, nos élèves maîtrisent bien les rudiments de cette langue —, de Houmash et de Dinim ou Minhagim — la Halakha et les traditions , particulièrement celles des principales fêtes du calendrier hébraïque: Rosh Hachana, Pessah, Soukot, Tou Bichvat… La perpétuation de ces riches traditions nous tient grandement à cœur.”

L’École Maïmonide est une institution “sépharade orthodoxe”, souligne le Rabbin Yamin Benarroch.

“La philosophie éducative de l’École Maïmonide préconise l’excellence académique en tablant sur un enseignement de qualité des matières profanes, telles que les mathématiques, les sciences, le français, et des matières religieuses, telles que l’hébreu, l’étude de la Torah et des traditions religieuses sépharades. Nous souhaitons que tous nos diplômés aient des bases solides en judaïsme et le bagage académique requis pour poursuivre avec succès des études universitaires. Exercer une profession et étudier avec engouement la Torah a toujours été l’une des principales caractéristiques du judaïsme sépharade.”

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Les élèves de Maïmonide sont aussi exposés aux différentes sensibilités du judaïsme.

“Des Rabbins appartenant à divers courants du judaïsme orthodoxe enseignent dans notre école: le Rabbin Haïm Nataf, de la communauté sépharade orthodoxe de l’arrondissement Saint-Laurent de la ville de Montréal, le Rabbin Levi Raskin du mouvement Chabad… Nous voulons que nos élèves se familiarisent avec les différentes mouvances du judaïsme orthodoxe. Nous n’avons jamais favorisé une de celles-ci au détriment d’une autre. La philosophie prônée par l’École Maïmonide a toujours été inclusive et respectueuse de tous les courants du judaïsme orthodoxe.”

D’après le Rabbin Yamin Benarroch, aujourd’hui, le plus grand défi de l’éducation juive est certainement de rendre actuels, et pertinents à notre vie quotidienne, les messages fondamentaux véhiculés par les textes toraniques plurimillénaires.

“Les histoires relatées dans le Houmash (Pentateuque) recèlent des messages essentiels toujours d’une brûlante actualité. Par exemple, l’histoire de Joseph, trahi et vendu par ses frères à des Ismaélites, narrée dans Bereshit, le Livre de la Genèse, nous incite à réfléchir profondément aux conséquences délétères de la jalousie et de la perfidie humaines. ”

Le Rabbin Yamin Benarroch poursuit avec un autre exemple, celui de l’histoire de Hanouka qui, bien qu’elle remonte à 2000 ans, n’a pas pris une ride. Celle-ci évoque le combat homérique mené par une minorité persécutée, en l’occurrence juive.

“Aujourd’hui, d’autres minorités dans le monde sont toujours victimes de discriminations et de racisme. Nous sensibilisons nos élèves aux valeurs humanistes et universelles colportées par les textes toraniques. Des milliers d’années plus tard, ces valeurs cardinales continuent à nous interpeller avec force. Nous souhaitons qu’une fois adultes nos élèves soient des citoyens engagés et responsables dans la société où ils vivront et travailleront. Nous nous escrimons à leur faire comprendre que les valeurs que les Juifs partagent sont des valeurs universelles qui sont fondamentales pour toute l’humanité: la tolérance, le rejet du racisme, le droit des minorités, des femmes, des personnes handicapées…”

Israël et le sionisme occupent une place centrale dans les programmes scolaires de l’École Maïmonide, rappelle le Rabbin Yamin Benarroch.

“Dans les cours d’histoire juive dispensés aux élèves de la quatrième et de la cinquième années du secondaire, une emphase particulière est mise sur l’histoire de l’État d’Israël: la déclaration Balfour, les pères fondateurs d’Israël, les guerres israélo-arabes… La défense de la cause juste d’Israël sur les campus des cégeps et des universités est prioritaire pour nous. Nous fournissons à nos élèves des éléments d’information sur des questions importantes relatives au conflit israélo-palestinien: l’historique du contentieux qui oppose Israël aux Palestiniens, le “droit au retour” sur la terre d’Israël réclamé par ces derniers, le statut de Jérusalem… afin qu’ils soient en mesure de contrecarrer la propagande propalestinienne qui sévit sur les campus.”

Des représentants du Jewish National Fund (JNF) et du programme Israel Engagement, parrainé par la Fédération CJA, donnent des conférences à l’école sur Israël, le sionisme et le conflit israélo-arabe. Par ailleurs, chaque année, l’École Maïmonide accueille deux Shimshinim, émissaires d’Israël, un garçon et une fille de 19 ans qui, avant de s’enrôler dans les rangs de Tsahal, font bénévolement une année de travail social et communautaire dans une communauté juive de la diaspora.

“Nous encourageons fortement nos élèves à participer à des programmes d’été en Israël. L’École Maïmonide a toujours été fortement connectée à Israël.”

D’après le Rabbin Yamin Benarroch, la nouvelle génération de Sépharades, parfaitement bilingue, s’est fort bien intégrée dans la communauté juive de Montréal. Aujourd’hui, un bon nombre de jeunes adultes Sépharades sont impliqués à tous les échelons des institutions communautaires juives majeures, notamment de la Fédération CJA.

“C’est un grand atout pour la communauté sépharade et pour la communauté juive dans son ensemble. Quand elle est arrivée du Maroc à Montréal il y a 50 ans, la première génération de Sépharades a tenu à bâtir sa communauté afin de préserver son héritage culturel et religieux. Elle avait alors peu de contacts avec la communauté ashkénaze. La langue et la culture séparaient ces deux communautés. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’intégration réussie de la nouvelle génération de Sépharades dans la communauté juive montréalaise comporte le risque qu’elle s’éloigne des traditions culturelles et religieuses que nos ancêtres nous ont léguées. À long terme, le séphardisme s’affaiblirait. C’est pourquoi il est important de perpétuer et de transmettre aux jeunes Sépharades les valeurs inhérentes à notre précieux héritage culturel et spirituel. C’est ce que nous nous échinons à faire à l’École Maïmonide.”