“Le Mur” un film d’animation percutant

Le Mur

Le 1er juin 2001, un terroriste palestinien se faisait exploser à l’entrée de la discothèque Dolphinarium jouxtant la plage de Tel-Aviv. Le bilan de cet attentat terroriste a été des plus lourds: 21 civils israéliens tués, tous des étudiants, et 132 blessés.

Quelques heures après cette attaque sauvage, le gouvernement d’Ariel Sharon donnait son aval définitif à la construction d’un mur de sécurité, de 782 kilomètres de longueur, qui n’aurait qu’un seul objectif: réduire le nombre d’attaques suicides palestiniennes perpétrées sur le territoire d’Israël.

Quatre-vingt-quatre pour cent des Israéliens avaient alors approuvé la construction de ce mur.

Combinaison de clôtures électroniques, de barrières, de tranchées, de tours de guet, de dalles de béton, de rouleaux de barbelés, de postes de contrôle et de routes de patrouilles, ce mur a permis de réduire de 80 % le nombre d’attaques suicides commises contre des civils israéliens.

Pour édifier ce mur de sécurité, quatre fois plus long que le célèbre mur de Berlin, érigé en 1961 par l’Allemagne de l’Est communiste, 75 acres de serres, 37 kilomètres de conduits d’irrigation et 100 000 arbres ont été détruits du côté palestinien. Plus de 4 000 acres de terres palestiniennes ont été aussi confisquées.

Par ailleurs, 22 kilomètres de ce mur pénètrent sur des terres palestiniennes, ce qui a eu pour conséquence le sectionnement de plusieurs propriétés agricoles.

Les Israéliens ont dénommé ce mur Geder Hahafrada, “Barrière de séparation”, les Palestiniens Jidar al-fasl al-unsuri, “Le mur de la ségrégation raciale”.

L’histoire de ce mur très controversé est relatée dans un long métrage d’animation, intitulé Le Mur, produit par l’Office national du film du Canada (ONF).

Réalisé par le cinéaste canadien Cam Christiansen à partir d’un scénario écrit par le réputé dramaturge britannique David Hare, en nomination deux fois aux Oscars pour son travail de scénarisation des films Les heures et Le liseur, ce film percutant, et fort éclairant, explore savamment les répercussions profondes de l’érection du mur sur les deux peuples qu’il sépare.

Ce film a été réalisé par le truchement d’un outil d’animation des plus avant-gardistes: la capture du mouvement en 3D.

Le résultat final: une œuvre d’animation captivante mettant en perspective une problématique d’ordre existentiel des plus complexes, à partir de deux points de vue aux antipodes l’un de l’autre.

“Je suis un “outsider”. Je ne suis pas Juif, ni Musulman. Avant d’entamer la réalisation du film Le Mur, j’avais une connaissance bien limitée, pour ne pas dire des plus superficielles, du conflit opposant depuis plus d’un siècle les Israéliens aux Palestiniens. La plongée dans cet univers sulfureux m’a fait prendre conscience que nous sommes face à une tragédie humaine absolue. Tout au long de la réalisation de ce long métrage d’animation, la dimension humaine de ce drame était omniprésente dans mes pensées. Des Israéliens nous ont relaté la difficulté de vivre quotidiennement avec la menace d’être pulvérisés par un attentat suicide palestinien. Et, des Palestiniens nous ont fait part de leur désespoir face à ce qu’ils considèrent être une “immense injustice” de l’Histoire. Bien difficile de trouver un équilibre là-dedans. La séparation entre les deux peuples, provoquée par la construction de ce mur, n’est pas uniquement physique, elle est aussi psychologique”, explique Cam Christiansen, que nous avons joint par téléphone à Calgary.

Les points de vue perspicaces et passionnés d’intellectuels israéliens et palestiniens renommés, dont ceux de l’écrivain israélien David Grossman et de l’universitaire palestinien Sari Nusseibeh, sont rapportés dans le film. Ils mettent en lumière les vicissitudes du quotidien avec lesquelles doivent composer les Israéliens et les Palestiniens vivant à l’ombre du mur.

“Même s’il s’agit d’un film d’animation, je tenais à ce que toutes les séquences soient filmées, dans la mesure du possible, sur les lieux où se déroule ce drame, souligne Cam Christiansen. C’est pourquoi j’ai pris en photo chacun des emplacements à titre de référence et tourné des images de tous les protagonistes devant paraître à l’écran. La force du film réside dans la nuance. On ne pouvait pas traiter un sujet aussi explosif sans mettre en perspective les positions israéliennes et palestiniennes très antinomiques. Par exemple, dans les séquences tournées à Jérusalem, nous avons recueilli les points de vues, fortement contrastés, de représentants des trois grandes religions monothéistes qui cohabitent, parfois difficilement, dans cette ville sainte. Maintenir l’équilibre narratif a été indéniablement l’un de nos grands défis.”

Le mur de séparation est-il un moyen de protection civile ou la concrétisation d’une réalité idéologique irréversible: l’emprise d’Israël sur les Territoires palestiniens ?

“Des Israéliens nous ont assurés que ce mur sera démantelé dès que les attaques terroristes cesseront, c’est-à-dire le jour où Israéliens et Palestiniens pourront vivre pacifiquement. Par contre, les Palestiniens sont résolument convaincus que ce mur est un instrument idéologique qui n’est plus efficace. Selon eux, les Palestiniens n’ont plus besoin de recourir à des attaques terroristes pour causer de sérieux dommages en Israël car les missiles, lancés notamment depuis Gaza, ont remplacé les bombes humaines”, explique Cam Christiansen.

Le Mur prendra l’affiche à Montréal le 17 août. À la Cinémathèque québécoise en français et au Cinéma du Parc en anglais.

Le 13 août, à 18h 30, au Cinéma du Parc, une projection en anglais pour les membres de Cinemagique sera suivie d’une séance de questions et réponses, via Skpe, avec le réalisateur Cam Christiansen.