Magali Sauves signe un thriller policier haletant

Magali Sauves

Magali Sauves est une romancière talentueuse et perspicace qui sait habilement captiver ses lecteurs en les plongeant dans des univers glauques regorgeant de rebondissements déroutants.

Son nouveau roman, 160 Rue Saint-Viateur Ouest (Éditions Mémoire d’encrier), est un thriller policier et identitaire haletant qu’on ne peut plus lâcher une fois entamée la lecture de la première page.

Magali Sauves explore de nouveau avec brio les arcanes d’un univers qu’elle connaît intimement, celui de la communauté hassidique du quartier du Mile End, à Montréal.

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Le récit de son roman précédent, Yiosh! (Éditions Hamac Classique, 2014), se déroulait aussi au sein de cette communauté, toujours l’objet de stéréotypes tenaces.

Écrit avec maestria, avec un style littéraire percutant et efficace, 160 Rue Saint-Viateur Ouest déboulonne une kyrielle d’idées reçues sur les Juifs hassidiques.

Ce roman subjuguant est aussi une radioscopie désarçonnante de deux communautés qui se côtoient au cœur d’une même ville et qui, au fil du temps, ont fini par tisser des liens complexes et souvent contradictoires.

Une réflexion salutaire sur la notion de vivre ensemble.

Mathis Blaustein, Juif hassidique élevé dans le Mile End, est un lieutenant de la Sûreté du Québec. Homosexuel, il a été répudié par sa famille et sa communauté. Seule Yocheved, sa mère, continue à le voir en catimini. Il partage sa vie avec son amoureux, Jean-Claude Limoges, un Québécois “pure laine”. Mathis mène une enquête sur le meurtre de l’ingénieur Georges Jalabert, dont le corps a été retrouvé couvert de pustules dégoûtantes. Son enquête le conduira à fouiller dans sa propre histoire familiale, jusqu’en Allemagne. Les réminiscences de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah rejaillissent alors avec force…

Juive traditionaliste, née d’une mère sépharade tunisienne et d’un père français catholique aristocrate, Magali Sauves a enseigné pendant dix ans le français dans une école pour filles de la communauté hassidique.

Elle a mis en exergue de son roman une réflexion de la célèbre activiste féministe juive québécoise Léa Roback: “L’important, c’est d’apprendre à être humain, apprendre que les autres, c’est du monde comme nous”.

“Humanité, identité, diversité et vivre ensemble sont les mots qui définissent le mieux l’essence de mon roman. C’est pour cela que j’ai repris la phrase de Léa Roback. J’espère véhiculer par le biais de mes livres une image beaucoup plus vraie, et beaucoup moins stigmatisée, des Juifs. Je m’escrime à déboulonner des mythes qui ont la vie dure et à faire comprendre à quel point les Juifs, peu importe leurs obédiences religieuses, sont aussi des êtres humains comme les autres, avec leurs espoirs, leurs souffrances, leurs difficultés existentielles. Pourquoi a-t-on toujours traité les Juifs d’une manière différente?” nous a dit Magali Sauves en entrevue.

Mathis Blaustein, poursuit-elle, est la définition même du personnage qui ne cesse de s’interroger sur ce qu’est réellement une identité?

“Il se demande quelle est la responsabilité d’un Juif dans le monde d’aujourd’hui? C’est un personnage qui pose les vraies questions sur l’identité juive et sur la façon dont les Juifs vivent au sein de la société québécoise.”

Magali Sauves n’hésite pas à établir des parallèles entre la communauté hassidique et la communauté québécoise francophone.

“Il y a dans ces deux communautés une volonté d’exclusion et une volonté d’être exclu. Il y a des points communs entre la québécitude et le hassidisme: la difficulté du rapport à l’Autre, le combat acharné mené pour préserver ses spécificités culturelles et identitaires… Une autre notion importante relie les deux communautés: l’immigration. J’aime penser que la société québécoise est vraiment une société d’immigration. La différence entre un Québécois dit “pure laine” et moi est que tous les deux nous avons immigré, mais pas à la même époque. Le Québécois “pure laine” a immigré il y a 400 ans, moi, il y a quinze ans. Mais, finalement, nous sommes tous des immigrés. Je ne veux pas juger la communauté québécoise, mais simplement mettre les choses à plat pour comprendre ce que sont réellement l’immigration et la diversité culturelle”, explique Magali Sauves.

La romancière pulvérise un tabou coriace qui a pignon sur rue dans les communautés juives orthodoxes: l’homosexualité.

“L’homosexualité est une réalité qu’on est en train de découvrir de plus en plus à tous les niveaux. Avant, c’était une chose complètement taboue et cachée. Aujourd’hui, on s’aperçoit que la parole se libère dans toutes les sociétés, y compris dans les communautés orthodoxes. L’homosexualité est transversale à la nature humaine. Dans la communauté hassidique, il y a aussi des homosexuels, hommes et femmes, des problèmes d’alcool, et même des individus qui ne croient pas en Dieu. Bienvenue au royaume des humains!”

Détentrice d’une maîtrise en éducation de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM), Magali Sauves complète actuellement un doctorat en éducation à l’Université de Montréal sur les mécanismes de la compréhension de lecture.

160 Rue Saint-Viateur Ouest est son troisième roman.

Son premier livre, Bleu Azreq (Éditions Sémaphore, 2011) est une fresque romanesque poignante relatant l’histoire des Juifs de Tunisie pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Magali Sauves nous a révélé qu’elle planche actuellement sur une nouvelle enquête policière du lieutenant Mathis Blaustein. À suivre…