“Un sac de billes” un film très émouvant sur la Shoah

Patrick Bruel (au centre), Dorian Le Clech (à droite) et Batyste Fleurial (à gauche) interprètent les membres de la famille Joffo dans le film “Un sac de billes” de Christian Duguay. Films Séville

Un sac de billes est un film lumineux, émouvant et brillamment réalisé par le cinéaste québécois Christian Duguay.

Cette adaptation, fort réussie, du best-seller international de Joseph Joffo relate les pérégrinations de deux jeunes frères juifs livrés à eux-mêmes dans la France de 1940 occupée par les nazis. Ces gamins terriblement débrouillards, séparés de leurs parents, affronteront vaillamment l’adversité la plus funeste avec une incroyable dose de maturité et de malice.

Patrick Bruel incarne magistralement le rôle de Roman, le père de Joseph Joffo.

Les personnages des enfants Joffo, Joseph et son frère Maurice, sont interprétés par deux jeunes acteurs exceptionnels, Dorian Le Clech et Batyste Fleurial.

Elsa Zylberstein joue superbement le rôle d’Anna, leur mère.

Le célèbre acteur Christian Clavier fait aussi partie du casting de cette histoire fraternelle poignante.

Patrick Bruel a hésité avant d’accepter de donner vie à l’écran au chef de la fratrie des Joffo.

“La première fois que j’ai rencontré Christian Duguay, il m’a proposé une vision très intéressante du récit de la vie de Joseph Joffo: aborder cette histoire à travers le prisme des deux enfants de cette famille juive persécutée par les nazis. Mais je me disais alors que des films sur la Shoah, il y en avait déjà eu beaucoup. J’ai répondu à Christian Duguay que je serai ravi de faire partie de cette aventure à deux conditions: que cette nouvelle adaptation d’Un sac de billes — Jacques Doillon a déjà porté ce récit à l’écran il y a quarante ans— ait une résonance inusitée et que les enfants qui interpréteraient les frères Joffo soient des acteurs exceptionnels. Il m’a montré les premiers essais du film sur un Ipad. La performance artistique de Dorian Le Clech et de Batyste Fleurial était extraordinaire. Ils m’ont épaté et bouleversé”, nous a raconté Patrick Bruel au cours de l’entrevue qu’il nous a accordée lors de son récent passage à Montréal.

Ce dernier a vite senti des points communs importants avec Roman Joffo.

“J’ai ramené le personnage de Roman Joffo à l’image que son fils Joseph voulait voir de lui. Peut-être l’a-t-il idéalisé? Je n’en sais rien. C’est cette image qu’il voulait donner de son père. Moi, je voulais voir dans les yeux de Joseph Joffo sa fierté de me voir incarner son père au cinéma et de constater que je suis allé au-delà d’un travail d’acteur. Ça a été un moment magnifique quand, à la fin de la première du film, Joseph Joffo s’est tourné vers moi avec ses grands yeux bleus, plein de larmes, et m’a dit: “Tu as été bien plus loin qu’un acteur, tu as vraiment été mon père. Merci”. Il m’a serré fortement dans ses bras. Nous étions tous les deux très émus. Ça a été ma plus belle récompense.”

Patrick Bruel est très touché d’avoir participé, à sa manière, par le biais de ce beau film, au devoir de mémoire.

Un sac de billes est un film fondamental parce qu’on arrive dans la période de l’oubli, on ne peut pas se le cacher. Si vous parlez aujourd’hui à des enfants de dix, onze ou douze ans, vous vous apercevrez qu’ils ne connaissent pas cette période noire de l’histoire du XXe siècle, ils ne savent pas ce qui s’est passé vraiment. On l’a constaté lors des discussions que nous avons eues avec des élèves à l’occasion de la sortie du film. En France, dans les lycées, la Seconde Guerre mondiale est au programme, mais il y a manière et manière de l’enseigner. On survole parfois certaines périodes de ce conflit très meurtrier, on fait l’économie de certains chapitres relatifs à la Shoah… Or, on ne peut pas comprendre ce qui a mené à la Seconde Guerre mondiale si on n’explique pas préalablement les causes de la crise économique de 1929. En expliquant la crise de 1929 et ses conséquences désastreuses, on comprend aussi mieux les ressorts de la crise financière de 2008 et ce qui est en train de se passer aujourd’hui dans le monde. C’est un éclairage important”, estime Patrick Bruel.

Un sac de billes a une “résonance très forte”, particulièrement à une époque où nous sommes les témoins impavides de la montée d’extrêmes inquiétants, souligne l’acteur.

“En Europe, et en France particulièrement, nous assistons depuis quelques années à une recrudescence fort inquiétante de l’antisémitisme, à une poussée de l’extrême droite, à la multiplication des discours populistes.”

Le devoir de mémoire a aussi fortement motivé Christian Duguay à porter à l’écran l’enfance tumultueuse de Joseph Joffo.

“Quand j’ai rencontré pour la première fois Joseph Joffo, j’ai compris que je ne devais pas trahir son œuvre et que ce film devait avoir un objectif prioritaire: amener un public contemporain, surtout les plus jeunes, à comprendre un problème qui, malheureusement, est toujours d’une brûlante actualité, l’antisémitisme et le racisme. Je tenais absolument à faire un film qui résonnerait fort à notre époque nébuleuse. Aller chercher un jeune public, qui n’est pas au courant de ce qui s’est passé dans la France des années 40, sans l’ébranler. Je tenais à ce que le message puissant de fraternité véhiculé par ce film passe à travers un filet de luminosité et non de noirceur”, explique Christian Duguay en entrevue depuis Paris.

L’histoire narrée dans Un sac de billes a “une portée universelle”, ajoute-t-il.

“Le message colporté par ce film nous interpelle fortement aujourd’hui parce que l’antisémitisme, la xénophobie et la stigmatisation des immigrants ont toujours pignon sur rue dans nos sociétés. L’exclusion des migrants, ces êtres déracinés qui, pour survivre, essaient désespérément de rebâtir leur vie sous des cieux plus cléments, est un fléau qui persiste toujours. Un sac de billes nous rappelle frontalement où mènent le racisme et la haine de l’Autre. C’est une grande leçon d’histoire à méditer.”

Un sac de billes prendra l’affiche au Québec le 16 juin.